Ce à quoi on assiste aujourd’hui au Cameroun, et qui était parfaitement prévisible avec les appels à la haine ethnique initiée avec plus de virulence dès le coup d’Etat manqué du 6 avril 1984, le délabrement de l’école de la République, l’échec des comices agro-pastoraux, c’est précisément une société qui se morcelle en communautés d’appartenance, religieuses, ethniques, sexuelles, politiques, sur lesquelles jouent les politiques avides de clientélisme…
L’échec de l’intégration se traduit par son antonyme, la désintégration, qui entraîne le délitement de l’ensemble de la société. Samuel Eto’o et la dépouille de Anne Marie Nzié symbolisent le mieux ce constat aujourd’hui.
Le premier est considéré avant tout comme un babimbi et personne ne souhaite le voir à la tête de la sélection nationale du Cameroun, la seconde comme une « Ngoumba qui a chanté durant toute sa vie pour Paul Biya ».
Personne ne cherche à savoir si ces affirmations sont vraies, mais elles parcourent les réseaux sociaux, mobilisent les haines font le marché des hommes et femmes politiques dont le maintien à la scène nationale dépend de l’aliénation de la communauté de base à laquelle ils feignent appartenir.
Devant cette déliquescence de la communauté nationale et face à l’afflux de nouveaux intérêts dans l’espace public national, n’est-il pas vital d’engager une politique autour de la citoyenneté et de l’intégration ? Nous en sommes tous partie prenante. Sans elle, nul doute que nous vivrons des heures sombres… C’est le moment de le faire, j’en ai la certitude.
La défiance envers l’Etat, les institutions et les agents publics n’a d’égale mesure que la haine que ceux qui incarnent l’Etat ont su entretenir dans les antichambres de la République. Parler de son ethnie, défendre ses revendication c’est « se faire avoir ».
Quand les ministres de l’élevage et celui de santé interdisent la vente du poulet au marché du Mfoundi, Bernard Njonga vente le poulet de Bafoussam tandis que Martin Laurent Nguini demande de consommer celui de Binguela son village natal.
Devant cette déferlante de repli tribal et ethnique, L’honnête citoyen est considéré comme un mouton qui n’a pas compris que règne le droit du plus fort, du plus rusé, de celui qui pense que les lois sont faites pour être contournées et que la compétition bénéficie aux meilleurs, les meilleurs ce sont ceux qui parlent tribu, ethnie. Les individus se retirent du contrat social avec la complicité des garants dudit contrat.
Il faut relire Rousseau lorsqu’il posait les bases de la République : « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant. »
C’est bien cette idée du triptyque républicain qui nous fait défaut aujourd’hui et qui met en danger la République elle-même. C’est pourtant cette même idée qui a guidé le combat de Ruben Um Nyobè qui réclamait l’unification des deux Cameroun avant toute indépendance ! La montée du discours ethnique et tribal, la poussée des communautarismes, l’idée qui se généralise portée par le professeur Joseph Owona qu’il faut exclure certains de la course au pouvoir du seul fait de leur appartenance ethnique, de ne pas accueillir ceux des camerounais qui vivent hors du triangle national, l’idée du « nous » et « eux » – la liste est sans fin… –, témoignent du retrait des individus du pacte social. On ne reconnaît plus l’autre comme son semblable, mais on s’en méfie et on voit en lui ce qu’il fera peser en notre défaveur dans la collectivité. Comment accueillir dans ces conditions ?
L’espace public est pollué par les religions, mettant en mal l’idée de laïcité, inventée pour garantir la liberté de conscience et le libre exercice des cultes. Evêques, Pasteurs, Imams et autres gourous paradent. Nous assistons impuissants au triomphe des « idiots utiles ».