Opinions of Tuesday, 10 November 2015

Auteur: Jean De Dieu Bidias

La contrebande impose le poulet congelé

De la volaille bas de gamme importée d’Europe par le Gabon et la Guinée équatoriale effectue un retour en force sur le marché camerounais. En l’espace d’une semaine, deux importantes cargaisons de volaille (poulet et dinde) ont été saisies et détruites par la Brigade de contrôle et de répression de la fraude du ministère du Commerce à Douala et Yaoundé.

Ces saisies suivies de destructions pour le moins spectaculaires sont en effet venus confirmer les informations persistantes depuis peu, faisant état d’un retour en force de la volaille bas de gamme importée sur le marché local, en dépit de son interdiction non encore levée depuis 2006.

Celle-ci entre au Cameroun par route et par mer, au niveau des frontières avec le Gabon et la Guinée équatoriale, à travers la contrebande. « Nous avons l’information selon laquelle une énorme quantité de ces produits se trouve dans les pays voisins, que des malfaiteurs essaient de faire entrer par petites vagues » au Cameroun, expliquait, dimanche dernier, Martin Charles Abessolo Monefong, le chef de la Brigade de contrôle et de répression des fraudes.

Pour le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, le retour du poulet congelé sur le marché local est le fait de « réseaux dormants qui reviennent à la surface de temps en temps ». C’est surtout, poursuit le membre du gouvernement, « un problème de civisme tout simplement. Il faut que les gens comprennent qu’à un moment, entre l’intérêt général et l’appât du gain, on doit pouvoir faire le juste choix ».

Bourse Plusieurs raisons expliquent la résistance du poulet congelé sur le marché local. L’offre en volailles demeure au-dessous de la demande. Pour un marché d’environ 20 millions de consommateurs, le Cameroun ne produit actuellement que 60.000 tonnes environ de volaille par an. Selon l’ingénieur agronome Bernard Njonga (interview ci-dessous), qui est par ailleurs président du parti politique Croire au Cameroun (Crac), la demande nationale en volailles tourne autour de 80.000 tonnes par an.

Du côté des pouvoirs publics, l’on soutient que la production locale est largement suffisante pour satisfaire le marché. « Le problème ne se pose même plus. Et ça ne concerne pas que le poulet. En termes de production, de disponibilité des produits de qualité aujourd’hui, le marché national est au plus haut », expose le Mincommerce.

En l’absence d’éléments concrets pour contredire ce qu’affirme Luc Magloire Mbarga Atangana quant à la disponibilité en quantité et en qualité suffisantes de la volaille sur le marché, il faut relever que l’accès au poulet produit localement demeure un luxe pour la plupart des ménages.

Du coup, l’on se rue vers le poulet congelé (présumé dangereux pour la santé), puisqu’il est « vendu au détail et, chaque consommateur, tout en choisissant la partie désirée », y va à sa bourse. « Avec le poulet local, on est loin de cette qualité d’offre et nous avons malheureusement plusieurs consommateurs de petite bourse qui n’accèdent pas à ce poulet », regrette Bernard Njonga.