L’arrivée de Fally Ipupa au Cameroun très prochainement laisse place à des critiques de toute sorte. C’est la chanteuse du bikutsi Lady Ponce qui a ouvert le bal. Elle s’est indignée du fait qu’on dépense des millions de francs pour faire venir un étranger alors qu’il y a des artistes au pays qui peuvent très bien faire l’affaire. Le journaliste Boris Bertolt a publié une tribune que voici pour aborder le sujet.
La préférence nationale ne marche pas toujours avec l’art. Le patriotisme culturel ne doit pas être une prime à la médiocrité. Les artistes et leurs œuvres n’ont pas de nationalité. « Le beau est ce qui plait universellement ». Quand on a du talent, on n’a pas besoin du coup de pouce d’une certaine préférence nationale ou de cette xénophobie déguisée pour exister.
L’art relève de l’imagination, de la créativité qui sont des valeurs universelles. Or la crise structurelle traversée par la société camerounaise est un obstacle à l’imagination positive et à la créativité, à l’invention. Tous les secteurs d’activités au Cameroun sont en panne, il est dès lors tout à fait normal que la culture soit en crise. C’est-à-dire que nos artistes, du moins la majorité manquent de créativité ou d’imagination leur permettant de dépasser les frontières nationales.
Il ne suffit pas d’avoir une nationalité pour être apprécié et valorisé. Il faut y adjoindre du talent, de la créativité. Produire du beau et votre art sera valorisé par les vôtres qui feront pour vous le service après-vente.
Manu Dibango a fait l’essentiel de ses spectacles toute sa vie durant hors du Cameroun. C’est ailleurs qu’il a acquis ses lettres de noblesse. Il a été citoyen d’honneur d’au moins deux villes en Italie et a dirigé l’orchestre de la télévision publique ivoirienne.
Si Richard Bona devait compter sur le Cameroun, il y a longtemps qu’il aurait arrêté la musique. Il tourne partout dans le monde entier sans susciter cet ostracisme des artistes de ces pays où il se produit. En 2000 c’est lui, le Camerounais, qui fut choisi pour composer le générique d’une série pour enfant diffusée à la télévision japonaise…
Blick Bassi chante partout dans le monde, de même que Kareyce Fotso sans attendre qu’on ait produit tous les artistes du cru avant de les programmer au nom d’un pseudo patriotisme culturel. En clair, de nombreux artistes camerounais représentent leur pays, gagnent dignement leur vie ailleurs que dans leur pays où il n’y a même pas de vraies salles de spectacles. Le respect s’impose par le talent, la beauté qui n’ont pas d’ethnie, de race ou de religion.
On peut comprendre que le quotidien de nos artistes locaux ne soit pas heureux. Mais les autres n’y sont pour rien. Imaginez, créez, apprenez des autres, chantez bien, organisez-vous, conquérez le monde, donnez-vous de la valeur et vous serez respectés. Travaillez et prenez de la peine.