Opinions of Friday, 10 February 2017

Auteur: Gabriel Aboué Ntsam

La jeunesse des Lions doit inspirer les politiques

En sport comme en polique le changement paie toujours En sport comme en polique le changement paie toujours

Sevrée de vedettes, après la défection d’une huitaine de titulaires, personne ne vendait cher la peau des Lions indomptables avant le début de la CAN 2017. Et pourtant, la jeune équipe nationale du Cameroun profondément relookée a fortement séduit. Constituée en majeure partie de joueurs quasi anonymes, auxquels l’entraineur a fait confiance, ceux-ci viennent d’écrire en lettres capitales, l’une des plus belles pages de l’histoire de notre football sur l’échiquier continental, par une participation honorable à la CAN-Gabon 2017. Telle une métaphore enduite de vaillance et de patriotisme, les Lions indomptables viennent de prouver que la bravoure caractérielle d’une jeunesse responsable ne demande pas plus qu’on lui fasse confiance, en sport comme en politique.


Le 10 janvier 2017, lorsqu’ils débarquaient à Libreville pour prendre part à la 31ème CAN, très peu d’exégètes connaissaient les visages anonymes des Lions indomptables, simplement parce que les noms retenus en sélection étaient nouveaux, inconnus et méconnus. Excepté quelques ténors comme Nicolas Nkoulou, Vincent Aboubakar, Njie Clinton ? des anciens qui brillent du reste par leur grand sens de l’humilité au point de garder le banc de touche sans geindre et sans rouspéter ?, combien de Camerounais maîtrisaient les effectifs des Lions indomptables ? Combien sont ceux qui pouvaient coller un nom à chaque visage le 14 janvier, lorsque l’hymne national « Ô Cameroun berceau de nos ancêtres » retentissait au stade de l’Amitié d’Angondjé, au cours du match inaugural contre le Burkina Faso ? Qui mémorisait les noms sans gloire ni carte de visite de Djoum, Ndip, Bassogog, Ngadeu et consorts ? Qui pouvait parier sur leurs aptitudes à retourner des paris minoratifs ? Avouons-le, au départ, les Lions faisaient office d’outsiders astringents, voire de faire-valoir aux dires de certains éminents consultants, dans une compétition réunissant de grandes nations de football. Les pronostics étaient défavorables à cette bande de copains anonymes sortis de l’ombre, évoluant pour la plupart dans des clubs anodins, et dans des championnats professionnels peu médiatisés, ou habitués, non pas de jouer les seconds, plutôt les troisièmes rôles. Toutefois, mus par une détermination infinie, une sorte de Lion’s Figthing spirit, pour paraphraser le président Paul Biya, c’est sur le terrain, balle aux pieds, but dans la tête, que ces jeunes Lions indomptables ont su rugir et mugir. Avec leurs tripes, ils ont su se faire entendre. Eh oui ! Les anonymes d’il y a trois semaines sont devenus les nouvelles vedettes de l’heure, tout autant qu’ils ont démontré que la jeunesse méritait d’être mise à l’épreuve, pour faire ses preuves, pour peu qu’on lui fasse confiance. Et preuve à l’appui, les Lions nous parlent ! À charge donc pour nous de les écouter !


À force de discipline, de solidarité, d’engagement, d’abnégation et de complémentarité, nos jeunes Lions ont réussi à rectifier les pronostics disgracieux. Unis, sans visage et sans tribu, ce sont de jeunes camerounais issus des 10 régions du pays, sans une taxinomie anglophone et francophone qui ont fièrement et mouillé le maillot du Cameroun, mus par leur imprescriptible patriotisme : Faï, Njie, Siani, Aboubakar, Toko, Ndip, Djoum, Siani, Teikeu, Bassogog, Ondoa, Oyongo, Zoua…


Dans un même élan d’harmonie et d’engagement prodigieux, Moukandjo et ses coéquipiers ont répondu présent sous les couleurs du drapeau Vert-Rouge-Jaune et fait chorus lors de l’exécution du Chant national. Que dire des joueurs qui ont plaqué la sélection nationale au profit de leurs clubs en Europe ? Si les portes de la sélection leur restent ouvertes parce qu’ils sont camerounais, les Lions qui ont brillamment pris part à la CAN-Gabon 2017 démontrent que nul n’est irremplaçable, nul n’est indispensable, dans l’équipe… Au demeurant, nul n’est irremplaçable, nul n’est indispensable dans une République. On se complète. Au vrai, on peut b'tir une équipe solidaire et conquérante avec de nouveaux noms. On peut réussir avec du neuf. Effarante, la preuve est là, qui s’impose implacablement à nous, et devrait nous édifier. Prenons-en donc de la graine. À juste titre, les Lions nous parlent ! Et ce serait un crime de « lèse majestés » que de ne pas les copier. L’exemple des Lions devrait désormais faire autorité. Dès lors, le courage affirmé des jeunes rois de la forêt s’érige en une allégorie transposable en politique, surtout au moment où notre cher et beau pays a maille à partir avec certaines revendications régionales et ethniques. Le politique se doit d’être un mage à la page. L’exemple des Lions nous parle, surtout par ces temps de crise sociopolitique où le Cameroun semble au confluent de moult antagonismes intergénérationnels… Ne soyons pas rétifs à copier le bon et le bel exemple.


Une équipe, c’est un savant cocktail de solidarité et non de sordides rivalités


Les jeunes Lions indomptables prouvent que le renouvellement cyclique des effectifs ne constitue pas une infraction à la bonne gouvernance. Au contraire… L’expérience et la confiance se gagnent sur le terrain. Est-ce pour autant qu’il faille conserver les vieilles outres pour espérer produire du bon vin ? « Neither do men put new wine into old bottles: else the bottles break, and the wine runneth out, and the bottles perish: but they put new wine into new bottles, and both are preserved. » Matthew 9:17, of course. Toutefois, il n’est pas vain de constater que l’oligarchie issue de la nomenklatura et du système ubuesque des mandarins brise l’espoir et l’espérance des jeunes carrières. L’un des reproches fait au Renouveau repose sur le difficile renouvellement des cadres. Il n’échappe à personne que de nombreux jeunes camerounais, formés à la bonne école, pleins d’enthousiasme et pétris de caractère ne demandent qu’à servir la Nation, sur la base d’une confiance exponentielle… Ces jeunes technocrates, à la probité indéniable, ne demandent qu’à être galvanisés par la confiance du chef de l’État, arbitre légitime des carrières et pilote des nominations, puisque légalement doté du pouvoir discrétionnaire que lui confère la Constitution.


Hormis le président de la République qui est l’unique actant politique issu des suffrages universels, et dont les mandats dépendent du plébiscite du peuple souverain dans son vote, de quelles compétences subjectivistes disposent donc certains ministres gérontocrates ou ultraconservateurs d’un ordre établi improductif, pour avoir l’outrecuidance de bloquer le renouvellement de la classe politique sur le mode « OFF » ? De quelle autorité ceux-là s’arrogent-ils pour prétendre soumettre la renaissance de la classe politique à leur horlogerie du reste fortement grippée ? Dites, il faut répondre à quelle identité avoir quel 'ge, et produire quelle performance, pour (enfin) avoir droit au chapitre ? Une fois encore, les Lions nous parlent ! Devons-nous en douter ? La problématique dans la gestion des ressources humaines, au Gouvernement, dans notre administration, et dans la gestion des affaires publiques, repose foncièrement sur l’inamovibilité des ministres, directeurs généraux et dirigeants titulaires et parfois outrageusement thuriféraires, aux postes tutélaires où il manque du sang-neuf. L’éternité de certains serviteurs de l’État laisse croire que le président de la République surfe exclusivement dans un seul et même logiciel immuable où sont « stockés » des noms récurrents et récursifs qu’on appelle ou qu’on rappelle à profusion, et à l’envi… Ces barons qui se reconnaîtront, et qu’il n’est donc point besoin de nommer ici, ont-ils raison de se croire incontournables et indispensables pour qu’on choisisse les élus parmi les mêmes nominés, dans un cycle sisyphéen de recommencement sans changement ? Une fois de plus, les Lions nous parlent… Ils nous parlent d’un langage direct, vrai et franc, sonnant tel un avertissement aux dérives incalculables que l’inamovibilité engendre à travers, et aux travers de l’inertie… Chaque logiciel a besoin de « mises à jour »…


Au nom de quels attributs burlesques certains acteurs ayant roulé la bosse, depuis Mathusalem au sein de l’appareil gouvernant, s’imagineraient-ils indéfiniment indispensables et irremplaçables ? La défection d’une huitaine de cadres de l’équipe nationale de football n’a pas pour autant affaibli les Lions. Les hommes passent, les générations trépassent, l’État demeure. À l’évidence, les Mbappé Lépé, Roger Milla, Théophile Abega, Omam Biyick, Patrick Mboma, Marc Vivien Foe, Rigobert Song Bahanag, Samuel Eto’o ont raccroché les crampons, le label Lions indomptables, lui, n’a jamais décroché. Il continue même de s’accrocher et d’accrocher.


De sacrés similitudes entre le football et la politique


À l’instar d’une bonne équipe de football, une équipe gouvernementale harmonieuse et efficace ne réside pas dans un conglomérat, parfois disparate, de noms ronflants aux états de service isolément parlants, mais dans la conjugaison d’efforts, de surpassement et de solidarité, et surtout d’ambition pour toute l’équipe, et non pour eux-mêmes et leurs affidés. Une belle équipe, c’est un esprit, un état d’'me, un projet, une projection, une quête, une conquête, une réussite, et à la clé, une apogée. L’essentiel est dans la pérennisation de l’esprit-lion. Grégaire. Volontaire. Ambitieux. Conquérant. Triomphateur. Les meilleurs patriotes ne sont pas toujours ceux qui usent le mieux de la rhétorique pour scander le nom de César. Ni même ceux qui usent et abusent de leurs stylos pour diffamer ou « griller » les jeunes loups qui osent s’aventurer dans la tanière. Qui donc redoute la nouvelle vague au point de persécuter, pire qu’Hérode, les éphèbes ambitieux? Aboubakar Vincent et Nicolas Nkoulou s’arracheraient les cheveux en voyant titulariser Ndip Tambe et Teikeu, en leurs lieux et places. Vous avez parlé de « places » ? Qui peut se targuer d’avoir sa place ad vitam aeternam et son titre foncier dans une équipe de 23 joueurs complémentaires ? L’efficacité d’une équipe réside dans le collectif compact et l’encadrement des plus jeunes. Les « grosses légumes » politiques d’aujourd’hui étaient d’illustres inconnus hier. C’est à la t'che que le novice se fait un nom et se construit une identité. Le maçon est jugé au pied du mur, à condition qu’il en ait un à b'tir. Et pour les plus manipulables, les plus impatients, les aigris, et tous ceux qui se lassent d’attendre d’être appelés à mouiller le maillot national à leur tour, qu’on ne s’étonne donc plus qu’ils suivent les sirènes de la destruction et de la division.


En bon chef d’orchestre, l’entraineur-sélectionneur, Hugo Bross a fait confiance à ses poulains. Jamais une CAN des Lions n’a affiché un effectif aussi interchangeable. Match après match, le coach national qui a la maîtrise de son groupe a injecté du sang-neuf dans l’équipe, par doses homéopathiques, chaque joueur en fonction de ses aptitudes, de son tempérament, de sa combativité, de son humilité, par rapport à une mission bien définie, et tous ensemble, en fonction de leur solidarité collective et cognitive, c’est à ce prix que les Lions ont pu obtenir des résultats miraculeux et stupéfiants à la CAN gabonaise… une équipe est un groupe solide et solidaire. Efficace, pugnace et perspicace.


À juste titre, la belle aventure des Lions-sans-noms à la CAN 2017 est une grande école de sagesse et d’humilité. Un magnifique exemple de patriotisme et de combativité. Le sens de l’honneur sous le drapeau ne s’accommode point de coups-bas, et autres tacles par derrière, mais des vertus régaliennes que sont : la solidarité et l’harmonie. Le football tient ainsi son lien de parenté avec la politique. L’on ne peut pas être un bon footballeur sans savoir dribbler, tacler, bien tacler, contrarier les plans de l’adversaire, des qualités qui sont la vertu de la ruse en politique. Les Lions nous parlent ! L’on peut gouverner avec du neuf, avec une nouvelle mentalité, avec une nouvelle génération qui ne demande qu’à être mise à l’épreuve, le pied à l’étrier, avec des repères et des boussoles… Oui, les jeunes qui seront célébrés le 11 février, le peuvent ! Ils le prouvent. Ils peuvent ! Les Lions n’arrêteront pas de nous parler !