Opinions of Friday, 5 June 2015

Auteur: Jean Baptiste Ketchaten

La lourde facture des Délestages à Douala

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La première semaine des coupures généralisées a des effets sur toute activité et singulièrement l’économie.

Le pic à glace s’abat régulièrement sur des blocs de chair congelée à sortir du congélateur pour la poubelle. « C’est du porc. Très délicat à conserver », déclare Alain Sikam, adossé à un mur de la poissonnerie qu’il gère, l’air dépité.

Les coupures d’électricité ont rendu immangeables des kilogrammes de poisson et d’autres produits carnés que la petite entreprise commercialise à l’entrée du marché de New Deido. Depuis la semaine dernière et bien avant, se lamente le gérant, la fourniture de courant électrique est erratique.

Les spasmes de l’énergie qu’emploient les travailleurs et entreprises de toute catégorie, Emmanuel Kouam les subit pareillement. Ce modeste tailleur installé sous la véranda d’un immeuble à usage commercial de Bonadibong a chômé la veille mardi 2 juin 2015.

« J’ai passé la journée à bavarder avec des amis, faute de courant pour travailler. Même lorsque je retourne à la maison avec du travail, il n’est pas sûr que je pourrai en disposer », se plaint le vieil homme. Ses commandes ne s’en ressentent pas encore à la différence des livraisons retardées.

En revanche, tous soulignent le manque à gagner. La clientèle se perd. En plus des monceaux de « congelés » qui s’amoncellent à la poubelle, le poissonnier s’interdit de passer la moindre commande faute de pouvoir la conserver.

Et même d’ouvrir sa chambre froide : le risque de perdre le froid condensé à l’intérieur mais qui n’est pas alimenté par le moteur à l’arrêt est trop grand. De la même façon, chez M. Kouam, on n’a pas encore évalué la facture de cette première semaine de délestages, en attendant de faire le bilan de ce mois d’ennuis qui devrait durer encore une dizaine de jours.

La communication d’Eneo Cameroon faite à ce sujet la semaine dernière indique que ces perturbations aggravées sont dues à une réduction du débit de la Sanaga, avant les barrages de Song-Loulou et Edéa. Privés de leur « carburant », les deux moteurs du réseau électrique méridional de la compagnie d’électricité ne produisent donc pas au mieux de leurs capacités. Conséquence : 100 mégawatts manquent à la distribution. Les « meilleures prévisions », selon Eneo, estiment que la Sanaga devrait retrouver son état normal dans deux à trois semaines.

En attendant, les vendeurs de lampes rechargeables ont remis sur des étals sauvages dans les grands carrefours, leurs marchandises soudainement plus intéressantes.

Les ménages s’accoutument à l’absence d’électricité et Alain Sikam implore : « Si je pouvais au moins savoir quand ils vont couper… ». Le calendrier des délestages sur le site d’Eneo n’est pas encore aussi populaire qu’il y a douze ans et la découverte des coupures géantes.