Opinions of Thursday, 5 November 2015

Auteur: AFP

La peur de nouveaux attentats à Maroua

"Quand on a été mordu une fois par le serpent, on est terrorisé de recroiser son chemin". Après deux attentats-suicide meurtriers en juillet, Maroua, la capitale de l'Extrême-Nord du Cameroun, vit dans la psychose d'une nouvelle attaque des islamistes nigérians de Boko Haram.

"Maroua est une belle ville un peu gâtée par les bandits", raconte à sa façon Kabila, ouvrier en bâtiment de 42 ans.

"Avec les attentats en centre-ville, il y a eu un choc. Mais le gouvernement a pris les bonnes décisions en déployant les hommes en tenue", explique-t-il sur son chantier, près du siège local de l'ONU surprotégé par l'armée, entouré de hauts murs et de sacs de sable.

"Les problèmes sont vers la frontière", pointe-t-il d'un geste de la main, "dans la ville il y a le calme".

"La psychose est un peu retombée. Mais on reste sur le qui-vive, le serpent peut refrapper à tout moment", résume un travailleur humanitaire local.

Face aux offensives des armées de la région, les insurgés de Boko Haram ont perdu depuis début 2015 la plupart de leurs territoires dans le nord-est du Nigeria. En représailles, ils multiplient dans une sanglante guerre asymétrique les attentats, au Nigeria et dans les pays voisins. L'Extrême-Nord camerounais a été ainsi la cible d'une quinzaine d'attaques kamikaze ces derniers mois.

- Ville ouverte -

"Sans vous mentir, tout le monde a peur", confie Freddy, sous-officier de gendarmerie. "Avec toutes les dispositions prises, il n'y a pas eu d'attentat", se félicite-t-il, la kalachnikov au côté, posté le long d'une allée sablonneuse.

"C'est quadrillé, la ville est complètement prise par l'armée, on est vraiment nombreux. C'est surtout le renseignement qui importe pour détecter les entrées suspectes".

Dans un paysage sahélien semi-aride, juste parsemé de montagnes en pain de sucre, Maroua est "une cité ouverte sur la brousse", souligne un employé de l'ONU. "Il est impossible d'en contrôler tous les accès".

Barrages et fouilles des véhicules sont systématiques sur les grands axes. Policiers et militaires multiplient les patrouilles mixtes en ville.

"Il y a beaucoup de police, mais ça gêne pas, ça protège plutôt", commente un passant. Un couvre-feu est toujours en vigueur à partir de 20H00, les motos qui vrombissent comme des essaims d'abeille en journée, ont interdiction de circuler la nuit.

Des comités de vigilance, mis en place par l'administration dans les quartiers, jouent un grand rôle pour prévenir les infiltrations. "Les BH se cachent, mais grâce à ces comités, les fils du pays se sont mis ensemble pour détecter les étrangers suspects", assure Kabila.

Avec environ 500.000 habitants, "Maroua est cosmopolite, toutes les communautés y vivent mélangés", explique l'employé onusien. "C'est sûr que les BH ont des complicités dans la ville", avance-t-il.

Certains pointent du doigt les Kanouri, qui vivent de part et d'autre de la frontière, et fournissent le gros des insurgés, "ce sont eux qui font un peu le désordre...", lâche Kabila.

"C'est difficile à dire", tempère un cadre d'une ONG chrétienne. "Des leaders Kanouris à Maroua ont été récemment arrêtés, mais pour complicité avec BH ou autre chose, on ne sait pas".

- Numéro Vert -

Le gouverneur, le maire, jouent leur rôle, "avec une bonne proximité auprès des communautés", toujours selon l'employé onusien. Les Lamidos, dignitaires musulmans, sont aussi engagés et "leur voix porte dans les mosquées".

Des affichettes photocopiées, "Stop à l'amalgame", parsèment les murs décrépis du gouvernorat: trois jeunes femmes en portrait, voilées et tout sourire, y rappellent l'interdiction du voile intégral.

Avec un numéro vert, d'autres affiches décrivent "comment identifier un terroriste": les yeux hagards, une forte transpiration, il peut être en prière, préoccupé, nerveux, avec des vêtements amples, un parfum fort "pour entrer au paradis", ou encore "le poing crispé" sur un détonateur.

Pas un Occidental en ville. Les touristes qui couraient autrefois les safaris ont déserté Maroua depuis longtemps.

"La situation est en train de revenir à la normale", assure le maire, Hamadou Hamidou. "Les gens étaient pessimistes, ils sont quand même un peu rassurés. Mais nous restons vigilants".