L’administration coloniale a mené une campagne violente et virulente contre les Bamiléké qu’elle trouve dangereux et imprévisibles. Ils cristallisent toutes les phobies françaises. On parle de : “cancer bamiléké”, “mal bamiléké”, “peste bamiléké”, “invasion bamiléké”, “colonisation bamiléké”, “masse bamiléké".
Pour le lieutenant-colonel français Jean Lamberton : « Le Cameroun s’engage sur les chemins de l’indépendance avec, dans sa chaussure un caillou bien gênant. Ce caillou, c’est la présence d’une minorité ethnique, les Bamiléké »
Les colonisateurs présentent les Bamiléké comme un groupe homogène qui veut dominer les autres ethnies et conquérir le pouvoir. C’est ainsi qu'une répression est organisée contre les bamiléké au niveau national et même local.
Le quartier Congo sera un laboratoire de l’expérimentation de cette répression anti-bamiléké et l’expérience va se matérialiser par l’incendie de ce quartier peuplé en majorité de Bamiléké.
Ce leg colonial plutôt tribaliste sera transmis aux valets locaux des colons qui vont prendre le pouvoir après les indépendances.
La hiérarchie politico-administrative craint la “montée en puissance des bamiléké”; la suspicion et la délation s’installent. On parle alors de “complot bamiléké”.
Les Bamiléké, même membre du gouvernement et du parti présidentiel, sont suspectés d’une certaine proximité avec les “rebelles” ( nationalistes). C’est ainsi qu’on va fabriquer plusieurs complots pour inquiéter de hauts-dignitaires.
L'exécution de Nya Thaddée s’inscrit dans le sillage de la répression des “ complots bamiléké”. Député de la majorité, son immunité est levée et il est exécuté. Il est accusé de tentative de déstabilisation du pays et d’assassinat de missionnaires blancs.
Accusé du meurtre du député Noé Mopen, Pierre Kamdem Ninyim est jugé au mois d’octobre 1963. Condamné à mort, il est fusillé le 3 janvier 1964 à Bafoussam sur la place publique devant une foule nombreuse de 40 000 personnes.
Kamdem Nyinyim Pierre fut Chef Baham, ministre de la santé publique et de la population à seulement 23 ans dans le premier gouvernement de la République du Cameroun. Il est le plus jeune ministre africain de tous les temps.
Dans une note de renseignement du 24 juin 1965, on peut lire que suspecté, Daniel Kemajou, chef traditionnel de Bazou, ancien président de l’Assemblée législative du Cameroun (ALCAM) a été condamné à un an de prison ferme pour “non-dénonciation de crime”. Il avait aussi eu le tort de s'opposer aux pleins pouvoirs exécutifs demandés par Ahidjo le 15 Octobre 1959.
Ancien upéciste rallié au régime dès 1960 , Jean Mbouende, maire de Bafang, va subir les foudres du régime qui l’avait pourtant célébré en lui donnant la médaille de “chevalier de l’ordre de la valeur” le 16 janvier 1965. 6 mois après cette reconnaissance, il est arrêté et envoyé à la BMM de Manengouba. On l’accuse de financer Ernest Ouandié où il sera sauvagement torturé et expédié à la BMM de Yaoundé.
Après quatre mois à la BMM de Yaoundé, il est envoyé à la BMM de Douala. Malgré que son dossier s’avère vide, il est envoyé au centre de rééducation civique de Mantoum. Il y restera quatre années et demie sans jugement.
L’emblématique Victor Kanga sera aussi déchu. Député de New-Bell en 1960, ministre de l’économie de 1961 à 1964, ministre des finances entre 1964 et 1966, Victor Kanga était une figure de proue des gouvernements de Ahmadou Ahidjo qui vantait son sens du travail et du devoir, son patriotisme et sa loyauté.
Le 21 novembre 1966, il est inculpé et condamné pour “propagation de fausses nouvelles” et “subversion” par le tribunal militaire de Yaoundé. Plusieurs autres personnalités de la région de l’ouest passent à la trappe.
Accusés de complots, Joseph Foalem , directeur adjoint de Radio Cameroun et Pierre Tchanqué , secrétaire général du ministère des finances sont torturés à la BMM de Yaoundé.
Le livre Kamerun revient de manière détaillée sur ce pan de l’histoire. Pour ma part, j’évoque celà dans les chapitres consacrés à Nya Thadée et au quartier Congo dans rivière de sang.