1.-L'arrivée à Yaoundé de nos compatriotes sécessionnistes extradés par le Nigéria nous a inspiré deux réflexions: la première est que quels que soient les crimes dont ils doivent répondre, ils ont droit à une justice sereine et équitable; la seconde est que l'Etat camerounais, pour sa part, devrait avoir pour priorité dans la gestion de la crise anglophone de rechercher une solution pacifique et définitive de celle-ci.
2.- C'est dire que nous désapprouvons l'optimisme béat et l'hystérie qui règnent dans les milieux officiels à Yaoundé et mettons en garde notre peuple contre les illusions des assoiffés de sang du RDPC qui croient qu'une fois les leaders séparatistes condamnés à mort, la crise anglophone sera réglée.
I. Quatre raisons d'aggravation de la crise.
3.- Au contraire, pour quatre raisons précises, nous pensons qu'il y a lieu de craindre une aggravation de la crise, même si les révélations des leaders séparatistes sur les complicités dont ils auraient bénéficié au sein du gouvernement et l'exploitation des enquêtes policières vont momentanément affaiblir leur mouvement.
4.- La première raison d'une aggravation prévisible est que, dans la situation actuelle, aucun compte ne sera tenu des lourdes responsabilités historiques du régime. C'est lui qui est à l'origine de cette crise anglophone avec le faux référendum du 20 Mai 1972. C'est lui qui par "fidélité" à cette politique d'annexion et à la défense des intérêts néocoloniaux français, a continué à mal gérer la question nationale dans notre pays. Le régime fait tout pour maintenir les populations dans l'ignorance des origines de cette crise, à savoir la violation des Accords de Foumban et de la Constitution fédérale de 1961. Il s'acharne obstinément à cacher les causes et la nature réelles du faux Référendum du 20 Mai 1972 qui ne fut qu'un grossier coup d'Etat constitutionnel pour assurer le contrôle par la France des ressources pétrolières de notre pays en zone anglophone. Ces efforts pour dissimuler la vérité historique et réécrire l'Histoire avec des mensonges officiels ne sont qu'un aveu des responsabilités du régime.
L'adage populaire dit avec raison qu'on ne saurait être à la fois juge et partie: La justice camerounaise, si on peut parler de justice dans notre pays, est-elle en mesure d'établir la part des responsabilités du pouvoir néocolonial et celle des leaders séparatistes dans cette crise anglophone ? Il est permis d'en douter...
5.- La deuxième raison d'une probable aggravation de la crise après le jugement des leaders séparatistes, c'est qu'en réalité on ne saurait parler de justice dans notre pays: au Cameroun, il n'y a pas de justice, mais un appareil judiciaire. Et celui-ci est sous contrôle du Président de la République qui en nomme tous les principaux responsables.
Pour prendre un exemple, parmi tant d'autres, il y a deux ans, j'ai porté plainte en bonne et due forme contre le Chef de l'Etat, pour violation de l'article 66 de la Constitution, auprès de la Cour Suprême qui exerce les prérogatives du Conseil Constitutionnel jusqu'à la mise en place de ce dernier. La Cour Suprême s'est contentée de garder le silence.
Il est largement connu que notre pays est double champion du monde de la corruption. Mais on sait moins qu'il bat aussi tous les records en matière de déni de justice et d'impunité, avec les assassinats de deux Evêques, Mgr Yves Plumey, Evêque de Garoua et Mgr Jean
Marie Benoît Bala, Evêque de Bafia, et d'une douzaine de prêtres et de Sœurs, sans la moindre suite judiciaire. Il y a certes un Episcopat Catholique dans notre pays; mais "l'affaire est en justice" et il attend. Le Vatican a deux mille ans de diplomatie et de compromis avec les régimes d'injustice et de terreur. Ancien séminariste, Paul Biya est bien placé pour le savoir...
Nous n'exagérons donc pas en affirmant à propos du jugement des leaders séparatistes anglophones que la justice camerounaise ne pourra que suivre les ordres du Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature. La séparation des pouvoirs est une moquerie dans notre pays.
6.-La troisième raison d'une aggravation prévisible de la crise après le jugement des séparatistes est que ces derniers ne seront pas jugés sur la base de lois et de procédures justes, dignes d'un Etat de droit.
Au Cameroun, à la faveur d'une fraude électorale endémique, consubstantielle au régime néocolonial, celui-ci s'est doté d'une majorité parlementaire qui a voté des lois iniques contre les opposants. Les leaders séparatistes anglophones seront jugés selon une de ces lois dite "loi anti-terroriste", expression d'un véritable terrorisme d'Etat. Il ne pourra résulter de ce jugement qu'un approfondissement de la crise.
7.- Enfin, la quatrième raison d'une aggravation prévisible de la crise après ce jugement, est que la justice camerounaise ne pourra pas valablement prendre en compte les dimensions internationales du dossier et se prononcer sur les conditions d'extradition quelque peu douteuses des opposants camerounais réfugiés au Nigéria, au regard du droit international: elle n'en aura ni les compétences, ni la volonté politique.
II. Que faire ?
a) Le dilemme
8.- L'option de la violence, à notre avis inappropriée dans ce contexte, prise par les séparatistes anglophone, ne peut aboutir à terme ni au renversement de Paul Biya, ni à quelque solution que ce soit de la crise anglophone. Elle est donc fondamentalement erronée. Et nous accuser, nous Upécistes véritables, fédéralistes et panafricanistes, de défendre les sécessionnistes anglophones parce que nous n'acceptons pas le discours politique mensonger du parti au pouvoir serait stupide : les sécessionnistes anglophones ne sont ni des révolutionnaires ni des patriotes, nous n'avons aucune raison de les défendre en tant que tels. Mais les Upécistes sont des humanistes nous pensons que ces compatriotes ont des droits inaliénables en tant que Camerounais et en tant qu'humains.
9.-, Tout aussi erronée est l'option du gouvernement camerounais qui a choisi, dès le départ, de traiter cette crise anglophone par une répression de type colonial. D'avance nous pouvons affirmer que la condamnation à mort des leaders que réclament les assoiffés de sang humain du RDPC sera contreproductive.
Il faut comprendre, une fois pour toutes que nous ne soutenons pas et ne pouvons pas soutenir la position du gouvernement camerounais sur la crise anglophone parce qu'elle ne repose que sur la falsification de l'Histoire et le mensonge.
Il est honteux que les hommes du parti au pouvoir se posent en champions de la "défense de l'Unité du Cameroun pour laquelle tant de Camerounais se sont sacrifiés" alors que ce sont les seuls patriotes qui ont mené cette lutte pendant que les "aujoulatistes" les combattaient...
Il est honteux que notre Chef d'Etat assimile le fédéralisme à la division et l'oppose à la République en l'excluant d'avance du "dialogue républicain" alors que de nombreuses républiques fédérales à commencer par notre grand voisin nigérian, existent de par le Monde et sont des exemples de cohésion et de solidité.
Vétéran de l'UPC et de l'ALNK et tout dernier survivant des leaders nationaux de la lutte pour l'Unification et l'Indépendance du Cameroun, et surtout celui-là même qui après l'assassinat du Président Ouandié, bien que ciblé par les services spéciaux français et ceux de Fochivé, monta au créneau comme porte-parole de l'UPC pour dénoncer le Référendum d'annexion du Cameroun Occidental du 20 Mai 1972 lancé par les fantoches de Yaoundé, j'atteste qu'il n'y a que des renégats de la doctrine et du combat de l'UPC qui peuvent reprendre à leur compte le discours du régime sur la crise anglophone pour chercher un poste ministériel et des prébendes.
10.- Pour toutes les raisons ci-dessus, nous pensons et avons toujours affirmé non seulement que le régime du Président Biya ne peut pas trouver une solution viable à la crise anglophone, mais qu'il faut absolument dégager le Président Biya du pouvoir pour envisager la solution de la crise anglophone dans un cadre nouveau. Hélas l'opposition camerounaise est sans vision stratégique de lutte. Ce qui constitue un véritable drame pour toute la nation.
b) L'impasse stratégique de l'opposition camerounaise, un drame pour toute la Nation
11.- A l'occasion des réactions des partis politiques et des leaders d'opinion aux vœux du Chef de l'Etat à la Nation, nous avons fait le triste constat que dans toute l'opposition camerounaise, seule l'UDC de M. Ndam Njoya, à travers la déclaration de son Vice-Président, M. Cyrille Sam Mbaka a une vision stratégique de lutte correcte:
" L'échéance électorale en perspective oblige l'opposition, toutes tendances confondues, à serrer les rangs, à faire bloc et à agir de concert" - ("La Nouvelle Expression" n° 4637 du 03 Janvier 2018).
Encore faudrait-il ajouter que cette vision correcte deviendrait erronée si les dirigeants de l'UDC pensaient que seul le candidat de leur parti devrait être le candidat de convergence de l'opposition, ce qui ne leur ressemble pas .... Il est vrai.
12.- Dans le même journal, les partis dits radicaux déclarent "agir pour un vrai dialogue national"
" Ce vrai dialogue national est une nécessité pour sauver le Cameroun du cycle chaotique dans lequel il ne cesse de s'enfoncer. Ce vrai dialogue ne peut pas être conduit par ceux qui, au pouvoir actuellement, sont à l'origine de ces crises multiples que notre pays connait".
Mais si le CPP, l'UPC-MANIDEM et le MANIDEM dissertent sur le contenu du "vrai dialogue national" qu'ils proposent, ces partis ne disent ni comment procéder pour "imposer le vrai dialogue national", ni comment s'y prendre pour faire accéder au pouvoir une équipe capable de conduire le vrai dialogue national.
En clair, ces partis en sont réduits à la gesticulation médiatique et n'ont aucune stratégie de lutte digne de ce nom.
13.- Toujours dans le même journal, le Sénateur du SDF de l'Ouest M. Etienne Sonkeng expose en ces termes la stratégie du plus grand parti de l'opposition camerounaise pour battre le Président Biya en 2018 dans un scrutin uninominal à un seul tour:
" Il y a un sérieux problème d'éducation politique des masses; et si les populations comprennent, lors des prochaines élections, tout le monde se dit" on a assez souffert de ce diable qu'est le régime en place. Mettons-nous d'accord que l'on doit voter tout le monde sauf le diable". Si on s'accorde ainsi, peu importe si le SDF gagne ou pas, alors il y aura ce changement dont a besoin la population"
Hélas, mille fois hélas, ce raisonnement est faux, archi faux. Il ne peut pas y avoir de changement avec la règle: "on doit voter tout le monde sauf le Diable."
Ce que Monsieur le Sénateur perd de vue, c'est que les militants du "diable" et ceux des alliés du Diable, voteront naturellement pour le Diable; et comme ils sont plus nombreux sur toute l'étendue du territoire national et contrôlent encore le vivier électoral du Grand Nord, ils arriveront en tête de tous les partis d'opposition condamnés par leurs propres leaders à faire du "chacun pour soi" au lieu de "faire bloc".
Peut-on douter désormais que le déficit de formation politique ne se trouve pas au niveau des masses, qui semblent avoir largement compris que l'opposition doit faire bloc ?
Bref, il ne peut y a avoir de changement dans notre pays que s'il y a une convergence volontariste des partis et des militants de l'opposition sur un candidat ou une candidate de l'opposition qui soit en mesure de créer un nouveau rapport des forces politiques dans le pays....
14.- On aura fait le tour des stratégies erronées de l'opposition en évoquant les fameuses "plateformes de lutte contre la corruption" pour soutenir tel candidat dynastique ou tel professeur, et en abordant la question des primaires de l'opposition...comme en France.
a) s'agissant des "plateformes", qui veut-on tromper ? Il apparaît évident que la lutte contre la corruption n'est ici qu'un leurre! Un attrape-nigaud. Les leaders de ces plateformes ont passé le plus clair de leur temps à éviter tout engagement réel contre le régime, pour préparer leurs candidatures à l'élection présidentielle. Ils étaient aux abonnés absents, injoignables, quand nous avons porté plainte contre M. Biya pour violation de l'article 66 de la Constitution, qui est à la base de toute la corruption au Cameroun.
Nous en déduisons que ces Messieurs veulent seulement accompagner la 'victoire" de Paul Biya et se positionner pour des recompositions politiques néocoloniales futures.
b) Pour ce qui est de la proposition d'organiser des "primaires de l'opposition" comme en France, elle se heurte à deux données spécifiques des réalités politiques camerounaises:
Primo : elle livre la candidature de l'opposition aux "malins" qui, en évitant tout engagement politique sérieux contre le régime - le plus souvent dangereux et ruineux - ont passé leur temps à amasser un pactole parfois auprès du régime, pour se présenter à l'élection présidentielle, le moment venu.
Secundo: cette proposition ignore aussi une spécificité incontournable de la problématique de l'élection présidentielle au Cameroun, à savoir le contrôle par le parti au pouvoir du vivier électoral du Grand Nord. Dans ce contexte camerounais, l'opposition peut désigner n'importe quel candidat, avec ou sans primaires, si ce candidat ne peut pas mettre le parti au pouvoir en difficulté dans le Grand Nord, l'opposition perdra.
c) Quatre propositions concrètes en vue du déblocage stratégique:
15.- Anglophones et francophones, rétablissons la vérité historique. Dénonçons les vrais coupables de la mauvaise gestion de la question nationale dans notre pays: préparons un vote sanction massif contre Paul Biya et son régime aux prochaines élections.
16.- Pour que ce vote sanction ait toute sa force, inscrivons-nous massivement sur les listes électorales. Mobilisons tous les partis politiques et associations patriotes dans cette tâche.
17.- Dénonçons la tentative de marginalisation de la présidente de l'UPC - fille du Grand Nord, portée à la tête de l'UPC au vu et au su de l'opinion nationale et internationale - par le Secrétaire Général et un groupe de tribalistes viscéraux, agents du parti au pouvoir chargés de torpiller la candidature de cette jeune dame nordiste à l'élection présidentielle de 2018.
Faisons de la lutte contre cette marginalisation de Mme Habiba issa celle de toute l'opposition camerounaise;.
Le Ministre de l'AT/D dispose d'ores et déjà de preuves suffisantes, à travers les lettres de protestation militantes, que l'actuel Secrétaire Général a déposé avec la complicité de congénères Bassa'a, un faux rapport de travaux du Congrès pour prétendre que c'est cette instance qui l'a promu "N°1 de l'UPC". Il faut mettre fin à ce véritable banditisme politique.
18.- Enfin, à la lumière de tout ce qui précède sur l'impasse stratégique de l'opposition qui est un véritable drame national et devant le constat désolant que les partis d'opposition reprennent souvent le discours du régime sur la crise anglophone soit par ignorance soit par corruption,
• Nous proposons la tenue dans les meilleurs délais des états généraux de l'opposition camerounaise avec deux points à l'ordre du jour: la crise anglophone et la désignation d'un candidat ou d'une candidate de l'opposition à la présidentielle de 2018
Que tous ceux qui veulent travailler à la réussite de ces états généraux prennent attache avec le Cdt Kissamba :
698 99 34 51 et 678 87 71 26. HAUTE CONSIDERATION NGOUO WOUNGLY MASSAGA, CDT KISSAMBA, CDT GAMA, Ancien Collaborateur du Dr Kwame Nkrumah, Premier Président du Ghana, Tout dernier survivant des leaders nationaux de la lutte pour l'Unification et l'Indépendance du Kamerun.
Yaoundé, le 10 février 2018