Depuis que les médias du monde entier sont focalisés sur les attaques meurtrières qui frappent aveuglement nos frères dans la Région l’Extrême-Nord, les populations ne savent plus à quel Saint se vouer.
Une nécessaire compassion qui ne saurait cacher les lacunes du pouvoir.
Ces attaques ont entraîné, comme il se doit, un sentiment de compassion à l’égard de nos compatriotes victimes d’un conflit qui les dépasse.
Il nous souvient néanmoins que c’est bien notre président de la République, devant ses parrains français, qui déclarait la guerre contre la secte islamique Boko Haram. C’est lui encore qui prétendait que ces terroristes n’allaient pas nous « dépasser », comme jadis les « maquisards ».
Si lutter contre les terroristes était chose facile, cela se saurait. On voit bien que des Etats mieux outillés que le nôtre peinent à en endiguer le phénomène. Lorsque le Kenya a été victime d’attaques encore plus meurtrières, comme la France, les Usa, Israël, la Syrie…, il ne serait jamais venu à l’idée d’aucun citoyen responsable, de critiquer ouvertement le gouvernement de son pays tant une telle situation est difficilement gérable.
On a d’ailleurs vu qu’en France, la popularité du Chef de l’Etat François Hollande est montée en flèche au lendemain des attaques contre l’hebdomadaire satirique « Charlie Hebdo ». Nous n’acceptons pas le fait que malgré de telles attaques inédites, quelqu’un au sommet de l’Etat, même de manière feinte, ne montre ni compassion, ni émotion. Partout ailleurs, même chez des pires dictateurs, de tels événements feraient sortir du « bunker présidentiel, tout individu sensé représenter son peuple.
Le président de la République tchadienne Idriss Deby Itno, dès un attentat dans son pays connu, descend sur les lieux, se rend dans les hôpitaux pour réconforter blessés et familles endeuillées : ce type d’action n’a pas de prix.
Au Cameroun, un homme qui s’accroche au pouvoir à coups de fraudes électorales répétées et de bidouillages de la constitution, ne condescend même pas à s’adresser aux citoyens inquiets, ne serait-ce que pour les mobiliser contre un danger dont les conséquences à terme pourraient paradoxalement le pousser à prendre en urgence un avion vers une destination inconnue et surtout incertaine. L’exemple du Maréchal Mobutu Sesse Seko est encore frais dans certaines mémoires.
Quel mépris pour les victimes ! Quel dédain ! Quelle suffisance se rapprochant d’une morgue haineuse envers les Camerounais ? Faire signer un communiqué de condoléance par son Secrétaire général, malgré la gravité de la situation est plus que d’une légèreté blâmable ; c’est une faute politique. A un tel niveau d’inconscience, l’homme qui agit ainsi, même s’il est un Chef d’Etat, n’est en rien un « Homme d’Etat ».
L’unité nationale en guise de cache-sexe
Dans un pays ruiné par plus de trente années d’incompétences cumulées, un tel article va certainement faire jaser. On va nous faire remarquer que quand un pays est attaqué, l’unité nationale doit passer avant toute autre considération. Tout le monde doit se regrouper autour du Chef de l’Etat, Chef des armées : certes ; mais encore faudrait-il qu’il y en ait un. Ce que nous voyons nous permet d’en douter.
L’unité nationale ne doit pas servir uniquement de cache-sexe mal ajusté pour masquer le fait que pendant ce temps de guerre, le clan Biya continue à s’enrichir à travers des intermédiaires dans les divers contrats liés au conflit. Qui contrôle ce que fait, Mebe Ngo’o, le « fils » de Biya, gravement mis en cause par l’Amiral Nsola dans d’autres dossiers, à la tête de nos forces-armées actuellement ?
La véritable unité nationale eût consisté à associer toutes les forces politiques, la société civile à la gestion de cette crise qui sera longue, coûteuse en vie humaine et en moyens financiers. Une nouvelle structure, ne serait ce qu’issue du parlement est nécessaire pour éviter que des gens qui enfoncent notre pays dans les ténèbres depuis le 06 novembre 1982, ne l’enterrent définitivement.
La situation nécessite plus que jamais une cohérence dans l’action gouvernementale. Ailleurs, un conseil de défense siègerait tous les jours autour du président de la République; au Cameroun, le simple conseil des ministres n’est pas réactivé, maintenant les divers responsables en alerte permanente, dans l’attente des « hautes instructions de la très haute hiérarchie ». Comment être cohérent face à un adversaire aussi déterminé si la stratégie n’est pas pensée collectivement et en évolution régulière ?
Des formules provocantes
Bien que Paul Biya ne soit pas sorti « pleurer » avec ses concitoyens, on va le voir bientôt, recevant le président de la République fédérale du Nigeria, bomber le torse et nous sortir des formules provocatrices comme il a l’habitude. C’est presque beau d’indiquer que reste longtemps au pouvoir qui peut ; mais il serait mieux d’y rester pour travailler dans l’intérêt général. Occuper le pouvoir tout en y créant un « vide sidéral » sera sans conteste ce que le président Paul Biya réussira l’exploit de laisser à la postérité.
Avec la tournure que prennent les choses, celui qui se croit fait pour rester au pouvoir, risque de diriger bientôt un champ de ruine. Mais les Camerounais vont-ils laisser leur pays sombrer à cause de l’insuffisance d’un homme et son clan ? Les députés dans un sursaut d’orgueil, ne vont-ils pas exiger la création d’une commission parlementaire pour savoir ce qui se passe réellement sur le terrain ?
Que se passera-t-il si les terroristes frappent à Douala ou à Yaoundé ? Nous en tremblons par avance ; on verra alors si au Cameroun, celui qui prétend gouverner le « peut » vraiment. S’il est vrai que Paul Biya n’a pas créé la secte Boko Haram qui nous menace, il sera tenu pour responsable si notre pays n’arrive pas à endiguer le véritable fléau: c’est la règle en la matière.