Opinions of Sunday, 15 October 2017

Auteur: camer.be

Le Cameroun a vraiment changé sans Paul Biya

Cameroun que Paul Biya a laissé le 14 septembre n'est déjà plus celui qu'il a laissé Cameroun que Paul Biya a laissé le 14 septembre n'est déjà plus celui qu'il a laissé

Où est passé Biya? C’est la question que se posent les camerounais, au moment où le retour de l’escalade dans les régions anglophones donne l’impression d’embraser tout le pays. Le Président de la République, parti du Cameroun jeudi, 14 septembre dernier pour prendre part à la 72e Assemblée générale de l’Onu n’est pas revenu dans son pays, alors que son séjour Onusien approche déjà les deux semaines. Si les camerounais ont pris l’habitude de vivre loin de leur président, ils s’accommodent moins de certains événements curieux, qui ne surviennent qu’une fois le Chef de l’Etat sorti du pays. Lorsque Boko Haram accentue ses exactions à l’Extrême-nord du Cameroun, causant la mort d’un Chinois, et enlevant dix autres, le Président de la République n’est pas au pays. Il n’est pas en «séjour privé en Europe», mais il est en France pour prendre part au Sommet de Paris sur la sécurité au Nigéria. C’est d’ailleurs au cours de ce sommet qu’il prendra la décision historique de déclarer la guerre au Nigéria.

C’est aussi d’ailleurs au cours de cet événement que celui qui est à l’époque accusé de ne pas aller soutenir ses soldats en guerre, trouvera des mots justes pour montrer le manque d’organisation de son armée. «Je dois dire que Boko Haram utilise des tactiques assez différentes et assez pernicieuses. Plus généralement, ils attaquent la nuit, à partir de minuit, une heure du matin. Combien d’unités sont en éveil à ce moment-là ? Et puis, ils observent et profitent de la fluidité, de la liberté dans le pays pour envoyer des observateurs le jour. Ils utilisent donc l’effet de surprise et la supériorité numérique. Là où vous avez quinze soldats, ils envoient cent personnes avec un armement lourd. Nous sommes en train d’analyser tout cela et il y aura une réponse», dira le Chef des armées.

Restons dans la guerre, mais cette fois dans la coopération militaire. Nous sommes le 09 septembre. Le Cameroun tremble sous les pas d’un contingent de 200 militaires qui marchent dans les rues de Yaoundé. En l’absence du Président de la République, on croit d’abord à un renversement du régime. Mais il n’en est rien. Ces militaires camerounais, en uniforme des Nations unies, partis de leur base d'Ekounou, se dirigent vers le quartier général de l'armée. Si Yaoundé tremble, c’est parce que depuis le 06 avril 1984, le Cameroun n’a plus connu pareil mouvement militaire dans les rues de la capitale politique. Si oui, au cours de la parade du 20 Mai, où la tenue militaire est utilisée pour montrer la force de frappe du pays de Paul Biya, et non pour montrer l’indignation de ceux qui la portent.

Celle qu’on appelait « La grande muette » sort de son mutisme, et décide de parler. Les 200 soldats camerounais de la Minusca ne sont qu’une infime partie des 1 300 militaires camerounais envoyés en mission de maintien de la paix en République centrafricaine. Ils revendiquent 18 mois d'arriérés de soldes : «Nous réclamons douze mois de soldes lorsque nous étions sous la responsabilité de l'Union africaine et six mois comme casques bleus» de la Mission des Nations unies pour la sécurisation en Centrafrique (Minusca), lance, sous anonymat, un soldat. L’événement inédit sera traité au plus haut sommet de l’Etat, frôlant parfois un incident diplomatique entre le Cameroun et l’Union africaine.

Nous ne sommes plus à Yaoundé, mais à près d’une centaine de kilomètres de là. Depuis l’aube, la rupture d’une buse à Manyaï (Département du Nyong-et-Kéllé) ce 21 octobre 2016 bloque la circulation entre les deux grandes métropoles du pays. Des passagers se ruent vers la Camrail pour rallier Douala. Devant l’afflux de passagers, la décision d’ajouter des wagons est prise. Le train N°152, plein et roulant à toute vitesse déraille au niveau d’Eséka, et fait plusieurs morts (79 de sources officielles, et près de 200 de sources officieuses). Le Président de la République, sorti du pays le 23 septembre 2016, pour prendre part à la 71eassemblée des Nations Unies, ne regagne le terroir que quelques jours après la catastrophe. Des informations vont révéler qu'il avait fait un détour par Genève en Suisse. Il recevra d’ailleurs Idriss Déby à Etoudi le 28 octobre 2016.

Un an plus tard, retour à L’Onu. Paul Biya, qui n’avait plus quitté son pays depuis la catastrophe d’Eséka est bien présent à la 72e Assemblée générale. Quelques jours après son départ de Yaoundé (il quitte le 14 septembre 2017), un incident géologique inhabituel se produit sur la route Bafoussam-Batmendjou. La terre s’ouvre, et coupe net la circulation et isole l'un des plus importants arrondissements de la région de l’Ouest. Quatre jours plus tard, c’est sur la route nationale N°3 que la route est coupée en deux. Il s’agit d’une buse au niveau d’Ebombe, qui sera réparée en 24 heures. Trois jours plus tard, une explosion réveille Bamenda. Survenue dans la matinée du 21 septembre aux environs de l’Hôpital régional, elle blesse trois policiers.

Le lendemain, c’est à Douala, tout près des installations de la Scdp, qu’une autre bombe explose. De fabrication artisanale, elle ne cause aucun dégât. Le même jour, dans toutes les localités des deux régions anglophones du Cameroun, c’est une explosion sociale généralisée. Des milliers de personnes envahissent les rues, et demandent la sécession du Cameroun, au nom de la nébuleuse Sorthern Cameroon National Council (SCNC), une organisation clandestine qui milite depuis plusieurs années pour la sécession de la partie anglophone du Cameroun.

Parti depuis quelques semaines, l’Assemblée générale de l’Onu terminée, le Président de la République n’est toujours pas rentré dans son pays. Parti de New York, des sources l’annoncent à Genève. Quand va-t-il décider de rentrer ? Personne ne peut le dire. Mais une chose est sûre, le Cameroun qu’il a laissé le 14 septembre n'est déjà plus celui qu'il a laissé.