Opinions of Thursday, 23 March 2017

Auteur: Haman Mana

Le Cameroun en marche vers la dictature

Des étudiants arrêtés lors d'une manifestation, Archives Des étudiants arrêtés lors d'une manifestation, Archives

Dans quel pays sommes-nous? Dans quel pays continuons-nous à vivre, sans nous poser de questions sur le sens de l'évolution de notre patrie, sans nous soucier de ce que sera demain ? Voilà donc un pays où des infirmiers réquisitionnés peuvent faire une "marche de soutien, de remerciement et de déférence" au président de la République, mais où une conférence pour réfléchir sur des questions liées aux langues ne peut se tenir.

Alors qu'ailleurs on s'émeut des faveurs faites par de hauts responsables à leur entourage familial, chez nous, les épouses font leur marché dans le ministère de leur mari et les enfants sont admis à l'école d'administration, d'où ils sortent pour occuper de hautes fonctions, comme pour reproduire de façon biologique un système qui peine à s'imposer par ses actes et ses idées.

On voit non loin de nous, des gouvernements, avec bien peu si souvent, encadrer, prendre soin de populations à qui on apporte ponts, routes, hôpitaux et écoles. On voit ici et là, l'avenir que de véritables hommes d'État élus, façonnent pour leurs peuples. À la place, le Camerounais se contentera de joies faciles, factices et éphémères procurées par quelque victoire d'un football dont l'indigence la dispute à la mauvaise organisation.

Ah ! On avait découvert, grâce à l'arrivée des nouvelles technologies de l'information et de la communication, un exutoire commode, les réseaux sociaux, où s'expriment à la manière d'une tempête dans un verre d'eau, nos frustrations. Coupez! En face, on a trouvé la parade : le black-out internet, qui peut survenir à tout moment, et qui est en expérimentation dans les deux régions anglophones depuis plusieurs semaines, déjà...

C'est dans la presse donc, qu'il faut trouver le viatique nécessaire pour l'entretien de l'hygiène mentale et citoyenne ? Non, passez il n'y a rien à voir, car les acquis des héroïques" années de braise" - la fin de la censure ont été remis en cause, et désormais, c'est le "lit de Procuste" (aucune tête ne doit dépasser, sinon on la coupe) de triste légende qui est proposé à tous.

Mais que reste-t-il donc au Camerounais, pour affirmer sa citoyenneté? Peut-être ses yeux pour pleurer, ou pour voir combien au quotidien, on s'enfonce un peu plus dans la vase d'un régime qui s'abîme tous les jours dans un délitement sans fin. On est donc résolu à se faire, devant une évidence troublante : ni ses propres lois et règlements, ni le souci des formes, ni la réaction des citoyens, encore moins celle de la communauté des nations, ni même la pudeur, n'arrête plus le groupe au pouvoir à Yaoundé, dans sa lutte pour se maintenir au pouvoir, à jamais.