Le Cameroun n'est pas le Tchad, ni le Gabon encore moins le Togo. Il a une histoire politique si particulière dans le giron français en Afrique. Un peu comme l'Algérie. Cette histoire politique dont les souvenirs sont encore si vifs et douloureux, malgré les cendres versées dessus par l'État postcolonial, ne doit en aucun cas être insultée.
Il est un fait indéniable: Paul BIYA agit comme le Haut Commissaire de la France au Cameroun. Depuis peu, il est reçu en pension par Emmanuel Macron en France. Son emploi de temps “chargé” l’illustre à souhait : Jeux olympiques, célébration du 88e anniversaire de la Libération, audiences avec le sulfureux et peu recommandable Nicolas SARKOZY et semble t-il, intense travail stratégique de sélection par Monsieur Emmanuel MACRON, Paul BIYA, Chantal BIYA, Franck BIYA etc. … pour nommer le prochain Président de la République du Cameroun en 2025.
Très sérieusement, on devrait mettre un tel arrangement politique, au cas où celui-ci existerait, sur le compte d'une faute diplomatique grave pour Emmanuel MACRON et son gouvernement. En effet, avec les nombreux problèmes que connaît déjà la France en Afrique francophone ces dernières années, et après le coup politique spectaculairement foireux mené par Emmanuel MACRON au Tchad, et ayant abouti à l’intronisation de Deby fils au prix de plusieurs dizaines de morts, il n’est pas utile à la France d’ouvrir un autre front de défiance en Afrique. Comme on le sait, c’est la politique paternaliste menée par la France en Afrique qui a déclenché les défiances politiques que Paris subi désormais en Afrique de l’Ouest. C’est cette politique menée au mépris de la volonté d’une partie du peuple africain qui a entraîné la fin progressive de l’influence et, peut-être bientôt de la présence, de la France dans certains pays d’Afrique de l’Ouest. Que la France le tienne pour dit : le Cameroun, pays de UM NYOBE, OSENDE AFANA, OUANDIE ERNEST, etc., pays où, plus qu'ailleurs en Afrique mis à part l'Algérie, demeure un lourd passif non encore soldé entre le peuple et l'État français ne saurait subir sans réagir le diktat de quelques politiciens françafricains nostalgiques et en manque de sensations fortes.
La diplomatie française et les stratèges français savent, mieux que quiconque, que le poids du passé ferait de la mise en œuvre d'un aventureux projet de "vote Elyséen" le début d'une déflagration générale du pays et de l'Afrique Centrale. Malgré les apparences, les Camerounais sont très politisés et pour cause : ils sont servis par la mémoire des Grands leaders nationalistes de l'UPC.
Paris devrait éviter de réveiller de vielles et très profondes blessures au Cameroun. Ces blessures graves dont la principale conséquence politique est l'indépendance en trompe l'œil et la construction d'un État croupion qui a accouché du catastrophique régime BIYA. Ce régime dont il faudra un siècle au moins pour oublier les préjudices graves sur le développement et la modernisation du pays, la construction de la cohésion et de la concorde nationales. Aussi, ce qui se jouera lors de la présidentielle de 2025 est d’une symbolique et d’une importance historique majeure : il s’agit de la première élection libre et transparente du Président de la République depuis l'indépendance!
La France ne peut pas imposer aux Camerounais un membre du gang à BIYA en 2025. En effet, aucun mais alors aucun membre du régime RDPC (qui sont pour la plupart déjà épinglés par une justice aux ordres ou attendent de répondre de leurs crimes, et notamment ceux du pillage des caisses de l'État et des crimes de sang, devant une justice véritablement indépendante) n’a la compétence morale nécessaire pour prétendre présider aux destinées du Cameroun dès 2025. Et ça les Camerounais le savent et le proclament publiquement. Même ramené de Paris à bord du vol présidentiel français aux côtés d'Emmanuel MACRON, à bord d'un avion militaire ou d’un navire de guerre français, ce Président de la République " voté par MACRON" et adoubé par ELECAM et le conseil constitutionnel ne gouvernera pas le Cameroun. Au mieux, il gouvernera une partie, certainement congrue, du Cameroun actuel, avec l'armée d'occupation française, et encore!
Il n'est pas à exclure que le projet MACRONIEN pour le Cameroun, relayé par des dignitaires du régime paniqués à l'idée de perdre le pouvoir au terme du scrutin présidentiel à venir au regard de la mobilisation exceptionnelle des Camerounais pour les inscriptions sur les listes électorales d'ELECAM et de l'expression multiforme du rejet d'un pouvoir éternitaire, incompétent et kleptocratique, ne soit qu'une manipulation de plus.
En tout état de cause, il est vraiment préférable que ce soit effectivement une simple manipulation.
En 2025, le peuple a, enfin et pour la première fois depuis l'indépendance de son pays en 1960, rendez-vous avec le choix démocratique, libre et transparent de son dirigeant politique suprême. Toute personne, toute autorité, civil ou militaire, tout membre de la communauté internationale qui tentera de faire échouer ce rendez-vous historique assumera d'être l'ennemi national.