Opinions of Monday, 21 March 2016

Auteur: Salomon Mexant FOE AWONO

Le Cameroun perd 10 milliards pour sauver le bus

Les 426 millions de Fcfa déboursés par trimestre au titre de subvention pendant 8 ans, n’ont pas pu aider au maintien en vie de la société le Bus, moribonde du fait de la gabegie initiée par ses dirigeants.

Les employés, réduits à un effectif de 127 ouvriers totalement démotivés, traînent près de 14 mois d’arriérés de salaire. Le parc automobile est passé de 90 à 6 vieux bus, et l’exploitation de la structure agonisante se confine autour de deux lignes.

Officiellement, c’est en septembre 2006 que la Transnational industry Cameroon démarrait ses activités dans le domaine très lucratif du transport urbain dans la capitale politique du Cameroun, avec à la clé une intrusion dans l’univers du transport interurbain.

Sous la bannière de « le Busb», l’arrivée des investisseurs américains dans cette aventure qui apparaissait autrefois comme une espèce de résurrection de la défunte Sotuc, fut accueilli avec enthousiasme au Cameroun.

Le gouvernement qui avait cru à ce projet porté par une initiative privée, lui garantira son accompagnement à travers une grosse subvention dont l’enveloppe trimestrielle était de 426 millions de Fcfa.

L’objectif, faut­il le rappeler, était de booster la compétitivité de l’administration camerounaise, tirer la croissance de l’économie nationale, et soulager les misères des populations de la ville de Yaoundé face aux difficultés de déplacement engendrées par la disparition de la Sotuc ­ la Société de transport urbain du Cameroun.

L’extension de la nouvelle société dans des villes autres que Yaoundé et Douala était d’ailleurs fortement envisagée. C’est de manière stratégique que le Bus démarre l’exploitation de son réseau au siège des institutions par la ligne 7 Camtel­Nkolbisson.

Très vite, les activités de la jeune entreprise prennent de l’ampleur. Elles passeront d’une ligne à huit, le parc automobile reçoit graduellement plus de 90 bus, les effectifs oscillent entre 400 et 500 employés, et les recettes prennent de l’envol ­ 2 à 3 millions de Fcfa par jour.

Gabegie

La multiplication des postes de direction et leur cortège de dépenses, les salaires faramineux et autres avantages indus accordés aux responsables, et le gonflement du parc automobile dans un empressement soupçonnable à l’initiative de la direction générale de l’entreprise pilotée par un certain Lal Kassabaï de nationalité américaine en fuite depuis juin 2014, auront laissé libre cours à des erreurs managériales qui ont conduit le Bus dans le creux de la vague.

En quelques années de fonctionnement, la société le Bus s’est attachée à dessein les services de quatre fournisseurs en matériel roulant. Des bus de marques Zonda, Higer, Youton et Daf, jadis accueillis à grand renfort de publicité, ont très tôt démontré leurs limites pour plusieurs raisons.
La marque Daf acquise en seconde main n’était pas, de l’avis des experts, adaptée au climat et aux routesNdu Cameroun.

Les Youtons sont des bus dotés d’un système électronique qui donne des tournis de maintenance aux techniciens de l’entreprise. Les Higers, rattrapés par une obsolescence à peine voilée, n’auront pas survécu aux pièces de rechange achetées à tour de bras au marché de Mvog­Ada ou à la Briqueterie.

Descente aux enfers

« Certains bus n’ont jamais roulé à cause des changements climatiques », apprendon des sources proches de l’entreprise. Plusieurs de ces engins destinés à l’hiver en Occident n’ont pas fait long feu face à la canicule ambiante et les collines qui surplombent le relief du Cameroun. A ce jour, le parc automobile de la société est réduit à 6 vieux bus qui, malgré le poids de l’âge, assurent tant bien que mal 3 à 4 sorties quotidiennes pour desservir 2 lignes dans toute la capitale politique. Il s’agit de la ligne Olembé­Messassi en temps partiel et Yaoundé­Soa pour des raisons évidentes.

Certaines épaves sont régulièrement vendues aux enchères et d’autres à la casse pour des besoins de ferraille, histoire de supporter quelques charges de fonctionnement. Dans l’impossibilité de pouvoir remplir ses obligations contenues dans son cahier de charges, les dirigeants de la société tentent de s’accrocher sur la subvention du gouvernement qui est finalement suspendue du fait de l’absence de résultats probants.

La suite des faits d’armes à mettre au crédit de l’équipe dirigeante actuelle conduite par Gilbert Tsimi Evouna ­ le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé, dans sa posture de président du Conseil d’administration. Il a remplacé Philippe Dutroi, et Samuel Ajoh Mboe ­ le contrôleur financier mué en directeur général par intérim, les effectifs de la structure sont réduits à 127 personnels par voie de congé technique. Le ratio recette­charge est tellement défavorable à l’entreprise le Bus au point où le mot salaire a complètement disparu de son jargon.

Les employés réclament plus de 13 mois d’arriéré, les cotisations sociales ne sont plus reversées à la Cnps ­ la Caisse nationale de prévoyance sociale et les grognes se succèdent au sein de ce qui tient encore lieu d’entreprise.

Le tout dernier Conseil d’administration de la structure au bord de la faillite, tenu le 10 mars 2016 à Yaoundé, a failli entériner la fermeture totale de le Bus, tel que souhaité par son Pca et certains administrateurs, si le représentant du ministère des Transports ne s’était pas opposé, arguant qu’il était judicieux de prendre langue avec d’autres partenaires pour le maintien en vie de la société dans la perspective de la Can 2019.

La volonté de dissoudre la société le Bus cache mal les intentions criminelles de certains acteurs impliqués danssa chaîne de gestion.

En effet, un projet de création d’une nouvelle société dédiée au transport urbain serait dans les tiroirs. Le Bus Co, du nom de cette société prévu pour naitre des cendres de le Bus, ses promoteurs convoiteraient l’héritage que laisserait le Bus, notamment ses installations et quelques personnels. Au­delà de l’atténuation des souffrances des populations, le principal enjeu reste le contrôle du transport urbain dans la cité capitale.

Toutefois, la grosse inconnue demeure le sort que les pouvoirs publics réservent aux différents gestionnaires de la fortune publique, du moins ceux­là qui assuraient les taches de direction et de gestion de le Bus au moment où l’entreprise, aujourd’hui mal en point, bénéficiait des subventions de l’Etat.