Plus qu’un retour aux sources de ses ancêtres africains, la candidature de Dieudonné à la prochaine présidentielle camerounaise pourrait n’être qu’un biais pour tenter d’exister dans le débat politique français.
« Est-il sérieux, Dieudonné ? » Le polémiste franco-camerounais a toujours misé sur l’impossibilité de répondre à cette question. Quand il s’accoquinait avec des théoriciens de l’extrême droite française, il gardait sous le coude l’excuse de l’ambiguïté humoristique. Quand il infusait, dans ses sketchs, des propos apparemment trop révisionnistes pour être sérieux, il espérait bien qu’on y lirait, un tant soit peu, une conviction personnelle.
Que penser alors de sa candidature déclarée à la prochaine élection présidentielle du Cameroun, alors qu’on sait qu’il avait tenté de se présenter à celle de France, en 2012 ?
Bien sûr, depuis ses déboires judiciaires de 2013, le clown décati affirme régulièrement sa volonté de se retirer au Cameroun, pays de son père. Dès 2014, il arbore un boubou et présente, à son théâtre parisien de la Main d’or, le one-man-show « Asu Zoa » dédié aux questions africaines. Mais plus personne n’ignore le goût immodéré de Dieudonné pour la pirouette.
Attaque en règle contre la Françafrique
De même que son spectacle « africain » est, en creux, un tacle à la victimisation présumée excessive des morts de la Shoah, sa candidature à la succession de Paul Biya se veut une attaque en règle contre la politique française en Afrique. Cette fois, la démarche a le mérite d’être avouée, explicitement motivée par l’annonce, le 5 décembre dernier, de la candidature de Manuel Valls, ancien ministre français de l’intérieur qui appela à l’interdiction des pièces du Franco-Camerounais.
Est-ce le public qui rit du happening ou l’humoriste qui se moque de son public ?
Si le comique de répétition est un ressort bien connu de la satire, les blagues les plus courtes sont souvent les meilleures. Depuis l’originale candidature de l’humoriste Coluche, en France au début des années 80, les vraies-fausses campagnes électorales d’amuseurs publics ne ressemblent qu’à de pâles copies, de celles de Christophe Alévêque ou Dieudonné en 2012 à celle de Laurent Baffie, cette année. En Italie, le comique Beppe Grillo a fini par inquiéter, avec son « mouvement 5 étoiles », comme mit mal à l’aise l’ambition présidentielle ambiguë de l’Ivoirien Adama Dahico en 2010.
Est-ce alors le public qui rit du happening ou l’humoriste qui se moque de son public ? Si le détour africain de Dieudonné n’est qu’un prétexte pour régler ses comptes français, c’est aux Camerounais qu’il manque de respect. A tous les Camerounais, sauf peut-être à Paul Biya…