L’image est saisissante: Ngannou assis par terre, les yeux hagards, comptant avec minutie les étoiles tournant de façon sphérique autour de sa tête après un coup de poing pesant six tonnes asséné par son impitoyable adversaire du soir.
Il restait le dernier espoir d’une fierté nationale admise en aux urgences ces derniers temps, tellement le Cameroun est englué dans un trou noir d’une série longue, douloureuse et interminable de défaites sportives.
Déjà hier le sympathique showman et à priori invincible Cédric Doumbé a perdu le match pour un microscopique tesson de bouteille infiltré miraculeusement - dans un ring normalement bien curé - dans son gros orteil. Une chance d’ailleurs, car au vu de l’entame du combat, il y avait toutes les raisons de penser que le tchétchène Baki s’apprêtait à faire d’une simple bouchée l’enfant terrible de Douala, le balançait au sol telle une feuille morte au gré de ses envies.
Ces deux défaites cinglantes de Cédric et Francis sont un énorme coup dur pour les camerounais qui tentaient de se réfugier dans les sports de combat après l’indescriptible honte subie en Côte d’Ivoire quelques semaines auparavant. Ne pas gagner une CAN est une option normale dans un tournoi aussi relevé. Mais ne pas gagner avec un jeu indigent en se faisant surclasser par notre éternel rival voisin et surtout voir la Côte d’Ivoire remporter le trophée sous notre nez en nous volant au passage notre bien national le plus inaliénable, le « Hemlé », est l’humiliation suprême que le Cameroun ait vécu en cent ans !
Que ce soit dans les autres catégories de football et d’autres disciplines sportives, le Cameroun est éliminé partout ! Plus rien ne brille! On n’a donc plus aucune étoile à présenter au monde. Et ça tombe au mauvais moment ; quand nous venions juste d’adopter le surnom arrogant de « continent »! Ou allons-nous nous cacher désormais ? Pourrions-nous encore regarder les autres pays étant debout et fiers?
Il existe un parallèle qu’on peut faire entre le déclin des victoires sportives et la baisse du rayonnement du pays. Et vice-versa. La victoire de la Côte d’Ivoire à sa CAN organisée presque parfaitement chez elle est aussi l’aboutissement et la continuité d’une série incroyable de victoires économiques et du développement de ce pays sorti de la guerre il y a juste moins de 20 ans! Le Sénégal qui a gagné la CAN et rafle presque tous les trophées des autres catégories du football est aussi sur une dynamique de développement exponentielle. Alors qu’ils était longtemps à la traîne, en 2024, le budget du pays de la Teranga (7 000 milliards de FCFA) dépasse désormais celui du pays des lions (in)domptables (6 000 milliards FCFA).
Ces dernières années le Cameroun semble donc marquer le pas, voire regresse sur tous les plans: L’unité nationale s’est effilochée en lambeaux, le pays vit une saignée des bras et de cerveaux vers le Canada pire que la traite négrière il y a 400 ans! L‘Électricité et l’eau potable sont devenues des produits de luxe faisant même envier la période du moyen âge. La corruption s’est enkystée, le tribalisme s’est métastasé, le chômage de masse des jeunes s’est enraciné, et la situation de guerre (au NOSO ou à l’extrême Nord) s’est normalisée.
Nous vivons donc dans une espèce d’Etat zombie où rien -en dehors de l’alcool et du sexe- ne fait plus se réjouir, ou la majorité des jeunes rêvent de partir et où tous les projets de développement entamés ne font que moisir. Un pays défait donc !
Le pire n’est donc pas de constater la défaite du pays, ce qui est très grave, c’est de n’entrevoir aucune piste de solution, aucune lueur d’espoir. Au contraire, la logique de la recherche effrénée du bouc émissaire a pris le dessus. Désormais les camerounais adorent le cannibalisme et le sang frais. Pour conjurer le mal profond que nous vivons, il n’est pas rare que les compatriotes choisissent un individu -parfois dicté par des motivations politiques ou tribales- pour le dépecer en petites pièces. On a même choisi une expression : « On te fait bouffer la tontine! ».
Mais après la mise à mort de la cible , la joie est passagère, mais la situation du pays ne change pas. On revient à nos moutons , nos mêmes problèmes, nos mêmes douleurs quotidiennes, nos mêmes plaintes. Sans lueur d’espoir.
Voilà donc la vraie défaite du pays: L’absence du lueur d’espoir! Il ne nous reste plus que le destin, la chance ou Dieu pour nous sauver. Mais quand?