Opinions of Friday, 26 June 2015

Auteur: Gabriel Makang

Le President Hollande au Cameroun: Un deplacement pour rien

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Le président François Hollande aurait bien voulu être en train de préparer l’un de ces communiqués laconiques du genre « La France est très préoccupée par la situation au Cameroun et demande à toutes les parties de se retenir », sur la position de la France sur les événements violents qui se seraient déroulés au Cameroun. Au lieu de cela il fait ses valises pour rencontrer ce « dictateur » que les présidents français ont boudé pendant près de 15 ans.

Comme si l’humiliation des visites répétées du président de l’Assemblée nationale, des ministres des Affaires Etrangères et de l’Intérieur au Cameroun dont le but était de réchauffer des relations tendues après la foireuse affaire Boko Haram ne suffisait pas.

Mais ses conseillers et stratèges ont conclu que le Cameroun est un pays important dans ce qu’ils voient comme étant l’empire français et qu’il fallait tout faire pour le garder sous son influence, même si cela suppose rencontrer le président au Cameroun dans ce qui commence à ressembler à une allégeance de la France au président Camerounais.

C’est même l’ordre normal des choses. Si pendant des années cet ordre a été perverti lorsque les président africains allaient faire valider leurs gouvernements à Paris, c’est parce que les leaders africains n’avaient pas compris qu’ils étaient en réalité en position de force.

La normale c’est que c’est le pays endetté, celui qui manque de ressources et qui manifeste un plus grand besoin aille faire allégeance au plus riche. Et dans ce cas-ci, les pays africains.

La situation est plutôt délicate pour François Hollande. Le président français ne peut continuer à bouder le président Paul Biya et à éviter le Cameroun s’il veut ramener celui-ci dans son giron d’influence ou tout au moins ralentir la chute libre l’économie de la France en même temps qu’il ne veut ni le légitimer, ni l’encenser par une visite d’Etat.

Alors il coupe la poire en deux en programmant une visite de quelques heures qui a un fond de mépris que les autorités camerounaises n’ont pas aimé. Ce snob recevra une réponse bien appropriée.

La visite du premier ministre camerounais Philémon Yang en Chine au cours de laquelle il a signé un accord de 121 milliards de Franc CFA à 2 semaines de celle du président Hollande au Cameroun est un message clair à la France: Le Cameroun a d’autres partenaires importants et peut se passer de la France.

Il est souverain et peut librement choisir avec qui il traite. Le partenariat stratégique avec la Chine est là pour rester et il sera renforcé.

C’est dire que la visite d’un président français au Cameroun ne fait pas rougir les Camerounais de fierté, pas plus qu’une absence de visite de 15 ans ne les a embêtés. Les chefs d’Etat ne rendent pas des visites d’amitié à d’autres pays. Ils y vont pour faire des affaires. Et dans le cas précis les affaires avec la France nous coutent cher et sont foireuses.

Et cette visite bien qu’elle soit une victoire diplomatique du Cameroun aux yeux du monde entier n’a de prestige que pour ceux qui sont encore embrumés par la mentalité de colonisé. Les chefs d’Etat de ce pays (la France) ont cessé il y a des lustres d’apparaitre au public africain comme des « sorciers » blancs ayant avec eux la solution de nos problèmes de développement.

Ils sont devenus synonymes de rapine, de colporteurs de mort, de destructeurs, et d’envahisseurs.

Les informations diffusées par certains mediums au service de la France évoquant dans le calendrier de cette visite entre autres une réévaluation des accords de défense et économiques, le remaniement ministériel ou le rapatriement des restes du feu le président Ahidjo sont une vaine tentative de cacher la défaite diplomatique et militaire de la France face au Cameroun.

Ils n’ont pour but que de l’aider à sauver la face, se cachant une fois de plus derrière un discours paternaliste. Un peu comme au plus fort du conflit contre Boko-Haram, elle faisait croire que, bien que sollicitée par le Cameroun (nous savons tous qu’elle ne l’était pas), elle limiterait son soutien au renseignement alors que c’est elle qui voulait rentrer dans la gestion d’un conflit d’où elle avait été écartée.

Ce genre de désinformation ne semble pas perturber les autorités de Yaoundé qui ont décidé de laisser la France sauver la face tant que cela ne change pas les faits sur le terrain.

Même si les 2 présidents avaient décidé d’évoquer des sujets de fond, quelle discussion sérieuse entre chefs d’Etat peut bien être tenue en quelques heures de visite et en une heure d’entretien ? Même comme les chefs d’Etats en général ne finalisent que les textes préparés à l’ avance par leurs collaborateurs, les visites importantes se comptent en jours pas en heures.

Ce n’est pas en une heure d’échanges que l’on va traiter de problèmes sérieux engageant l’avenir d’un pays. Aucun accord sérieux ne sera signé. L’atmosphère de froideur et de méfiance qui règne entre les deux capitales n’est pas propice à ce genre de calendrier.

Le Cameroun et la France sont engagés, chacun de son coté dans une lutte à mort, le premier pour son indépendance et émancipation et le deuxième pour la survie de son mode de vie dans des positions irréconciliables. Apres tout, la France a essayé de mettre le Cameroun à feu et à sang.

Les autorités camerounaises sont bien conscientes du jeu du chat et de la souris que les deux pays jouent et savent que la France qui a tenté de renverser le pouvoir de Yaoundé par la force n’hésitera pas, si une occasion lui était donnée de recommencer. Et les autorités camerounaises ne peuvent plus reculer maintenant dans leur marche vers l’indépendance.

La France commence à le sentir et fait ici probablement son baroud d’honneur sachant que les dés sont jetés et que le Cameroun est une proie perdue pour elle. C’est principale la raison pour laquelle le président François Hollande va limiter sa visite à quelques heures n’ayant rien à y gagner. S’il avait eu l’espoir de retourner la dynamique des relations entre les 2 pays en sa faveur, il y aurait fait une visite d’Etat.

Ces leaders qui entretenaient des relations cordiales avec le président Bongo qui avait mis plus de 40 ans au pouvoir ne s’embarrassent pas de ce genre de sentiments. C’est aussi parce qu’il sait avoir perdu le Cameroun qu’il fait tout pour tenir verrouiller son emprise sur les pays qui lui restent.

En Cote d’Ivoire elle va tout faire pour qu’Alassane Ouattara soit réélu au besoin par la fraude ; en Centrafrique elle a mis la présidence, le premier ministère et tous les ministères importants sont sous la surveillance et la supervision de conseillers français, principalement des militaires; au Benin, elle commence à préparer la succession du président Yayi Boni en poussant sur la scène publique un de ses agents en la personne du Lionel Zinsou, co-auteur en 2013 avec Hubert Védrine du Rapport Védrine sur les stratégies de reconquête de l’Afrique et ancien cadre de la banque des Rothschild, promu premier ministre.

Même si le président Biya décidait de lâcher du lest en accordant une ou deux petites doléances à son homologue français pour lui éviter une franche humiliation, ce déplacement finalement n’aura servi à rien.