Nous avons appris sans surprise vendredi dernier que notre confrère amadou Vamoulké était incarcéré. L'ancien Directeur général de la Crtv est allé grossir les rangs des dignitaires camerounais à la prison de Kondengui à Yaoundé. Il avait d'abord été relevé de ses fonctions il y a à peine un mois. Comme lui, d'autres anciens dirigeants, ministres, secrétaires généraux de la présidence de la République, grands clercs de l'Etat croupissent toujours dans les geôles de Kondengui, du Sed ou de New-Bell à Douala.
Seul motif commun et officiel: ils sont reconnus coupables de détournement des deniers publics. Sauf miracle, amadou Vamoulké restera en détention aussi longtemps qu'il plaira à ceux qui ont décidé de son interpellation, plutôt qu'à ceux qui ont apprécié sa gestion de l'office public de radio et télévision qu'il aura dirigé pendant 11 ans. Nous ne remettrons jamais en cause le principe sacré qui voudrait que tout dirigeant qui a reçu la mission de gérer la fortune publique, doive en rendre compte dans la diligence et dans la plus grande transparence.
Comme le disait un haut responsable camerounais dans un ouvrage qu'il laissé à la postérité avant de nous quitter pour l'éternité: " l'argent public brûle les doigts; il faut donc l'utiliser en toute responsabilité, sachant qu'à tout moment, on peut être appelé à en rendre compte à la nation". Ce principe doit demeurer un dogme immuable pour tous.
Ce qui ressort du vocabulaire politico-judiciaire dénommé "Opération Épervier", créée officiellement pour combattre la corruption et le détournement des deniers publics, c'est son caractère solitaire et arbitraire dans lequel elle est menée. Elle est solitaire parce que le juge peut puiser dans l'arsenal répressif du Code pénal, un motif qui réponde à un article qui enverrait en taule tout présumé coupable.
L'idéal aurait pourtant voulu que, quand un responsable accède à de nouvelles fonctions, qu'il soit connu en ce moment-là son patrimoine personnel. Il en serait de même à la fin de sa mission, ou d'une éventuelle inculpation pour motif "d'enrichissement illicite".
Pour cette vérification normale, il a été délibérément ignorée la mise en application de l'article 66 de notre Loi fondamentale qui en fait pourtant appel. L'arbitraire ici est volontairement entretenu: entre un détournement franc des deniers publics, et une réelle faute de gestion.
Tout est mis dans le même sac. Pour le premier, on distrait l'argent public à des fins personnelles. Pour le second cas, on a acheté le nécessaire de bureautique alors que c'est le carburant qui était inscrit sur la ligne budgétaire utilisée.
Tout gestionnaire, à un moment donné est amené à faire ces arbitrages pour ne pas handicaper le fonctionnement de sa structure. À ce stade, les inspecteurs d'Etat et autres agents d'investigation trouveront toujours des poux même sur des crânes nus du gestionnaire désigné préalablement à conduire à l'abattoir.
au-delà de ces deux écueils connus dans notre environnement, le volet politique de l'"Opération Épervier", avec ses équilibres voulus tel qu'on en use pour l'entrée dans les grandes écoles, tel qu'on veille dessus pour celle au gouvernement, avec son nivellement, avec ses errements volontaires, avec ses règlements de compte, sont aussi des composantes à ne pas à écarter du déroulement organisé de ce souci déclaré "d'assainir les comportements" des gestionnaires de la fortune publique.
Nous pensons profondément qu'on devrait intégrer dans chaque interpellation d'un haut responsable, l'équation individuelle. Celle-ci inclurait: les antécédents et la dimension morale du présumé coupable. Dans cette éventualité, amadou Vamoulké dont on connait l'intégrité morale, les compétences professionnelles qu'il a mises contribution, quand il prit de gros de risques à un moment difficile où le Cameroun voulût compter sur ses fils fidèles et courageux, pour empêcher que le pays ne sombrât pas dans le chaos. Ils sont encore nombreux, des compatriotes qui se souviennent de l'engagement légaliste de Vamoulké pendant le putsch manqué du 6 avril 1984.