Opinions of Wednesday, 2 March 2022

Auteur: Jean Pierre Békolo

Le cinéaste camerounais Jean-Pierre Bekolo dénonce le racisme des Ukrainiens contre les Africains

Pour Békolo l'attitude des autorités ukrainiennes est tout simplement du racisme Pour Békolo l'attitude des autorités ukrainiennes est tout simplement du racisme

Des Camerounais, Ivoiriens, et autres Africains sont actuellement empêchés par les autorités ukrainiennes de fuir les âpres du combat qui oppose actuellement l’armée de la Russie aux soldats de l’armée ukrainienne à Kiev. Pour Jean Pierre Bekolo, cette attitude est tout simplement du racisme. Un racisme à la peau dure et précisément envers la peau noire qu’il condamne dans la tribune ci-dessus que la rédaction de CamerounWeb vous propose.

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"Nier comme le fait l'Union Européenne ce que nous avons vu et entendu sur le traitement des étudiants noirs en Ukraine confirme bien que nous les noirs vivons dans un monde où la dernière bataille que nous devons mener reste celle de notre couleur de peau. Imaginez cet étudiant noir seul visible parmi les blancs Ukrainien essayant d'entrer dans le train... et ces Ukrainiens au lieu de penser à fuir et se sauver, trouvent le temps d'exclure celui qui fait tache, avant de penser à se sauver eux-mêmes ! Comme quoi la haine est plus forte que la vie !

Pour ceux qui doutaient encore que le racisme existe, cette histoire des Ukrainiens qui empêchent aux noirs de sauver leur peau alors que l'apocalypse est annoncé, est une parfaite définition du racisme.

J'ai joué et rejoué cette scène dans ma tête, je n'arrive pas à comprendre. En effet le racisme ne se comprend pas… quand on n’est pas raciste. La haine pour le noir est "une réaction épidermique". Je n'arrive pas que face à la détresse, face à la mort, notre couleur de peau "noire" puisse encore être un problème pour les non-noirs. Je pense beaucoup au principe d'identification qui est important dans le cinéma, et je me demande s'il est vrai que nous sommes plus affectés par une situation si la personne impliquée nous ressemble ?

La première fois que j'ai visité la Suède, quand j'ai vu que les Noirs étaient tous originaires de la Corne de l'Afrique et qu'ils avaient tous des visages très fins, je n'ai pu m'empêcher d'avoir honte qu'ils aient été choisis comme certaines personnes adoptent des enfants sur la base de leur supposée beauté physique. J'avais honte de mes pensées et je ne pouvais pas les partager, mais aujourd'hui je sens que mon intuition n'était pas totalement fausse. Je ne peux m'empêcher de penser à Aimé Césaire qui parlait dans les Cahiers d'un retour au pays natal de ce nègre "grand comme un Pongo qui était comique et laid". Je ne peux m'empêcher de penser à mon professeur de philosophie qui nous demandait si le gorille était laid. Après que nous ayons tous ri et admis que le gorille était laid, il a répondu que c'était parce que nous le comparions à nous, les humains, mais que si nous prenions un gorille pour ce qu'il est, c'est-à-dire un être vivant différent, la question de la laideur ne se posait plus.

Parce qu'il est toujours question du blanc qui reste la référence, parce que le blanc a du mal à gérer les différences, narcissisme oblige, le déni comme celui de l'Union Européenne face aux événements en Ukraine rende acceptable pour ce déploiement de racisme chaque fois qu'il est question de l'Autre, de cet "Être et le Néant". Dois-je faire semblant de ne pas voir ce que je crois avoir vu ? A moins de me convaincre que j'ai mal vu, donc que j'ai des problèmes de vue ou que je ne vois pas vraiment ce que je vois. Peut-être s'agit-il de cette "saisie d'être vu" dont parle Sartre !"