Dans cet échange à bâtons rompus avec le messager, la Présidente de l’Alliance des Forces Progressistes (AFP), s’étend sur Akere Muna, le candidat de son parti, soutenu par la plateforme Now, l’éventualité d’une candidature unique de l’opposition, le diplomate américain, la candidature de Paul Biya, la crise anglophone, la commission Musonge…
Les questions portent sur l’actualité de la vie politique nationale. Vous soutenez un candidat majeur à l’élection présidentielle d’octobre prochain. C’est dire par là toute la vigilance qui vous anime en ce moment pour surmonter les différents écueils qui se dressent sur le parcours jusqu’à Etoudi. Le candidat Akere Muna peut-il y arriver?
Bien sûr, sinon nous n’aurions pas jeté notre dévolu sur sa personne. Sans vouloir prêcher pour ma propre chapelle, je vous invite à passer au crible d’une évaluation patriotique et objective tous les postulants. Vous n’aurez aucun mal à aboutir à la même conclusion que nous. À savoir que le profil de carrière, les compétences, la notoriété internationale et l’expertise de cet éminent avocat plaident en sa faveur aux yeux de tout patriote en quête d’une Nouvelle République exempte de corruption, de détournements des deniers publics, du trafic d’influence, du tribalisme, de la stigmatisation des compétences, fléaux qui ont plombé l’essor de notre mère patrie pendant près de quatre décennies. Si vous ajoutez à cela la particularité de l’homme, reconnu comme quelqu’un de parfaitement à l’aise et accepté tant dans la communauté francophone qu’anglophone, on ne peut qu’en conclure qu’il est on ne peut plus qualifier pour la magistrature suprême.
La plate-forme NOW, en français maintenant, est-elle prête de mettre de l’eau dans son vin en soutenant la candidature de Maurice Kamto ou de Joshua Osih?
Je ne saurais me substituer à la plateforme dont je ne suis que la Secrétaire Générale. Bien que notre parti, l’AFP en soit signataire, il revient à cette instance de se pencher sur une telle éventualité si nécessaire et en temps utile. Cela étant dit, nul ne pouvant être plus royaliste que le roi, permettez que nous nous en tenions à la position plusieurs fois réitérée de notre candidat sur cette question. En effet, dès l’annonce officielle de sa candidature, Akere T. Muna a toujours affirmé sa volonté de placer l’intérêt républicain au-dessus de ses intérêts en tant que candidat. Il en découle effectivement que si les autres postulants de l’opposition adoptent le même discours trans-partisan qui prenne en compte les intérêts bien compris de chaque combattant, eh bien, nous devrions pouvoir générer cette grande mouvance des forces entrantes, toutes choses qui faciliterait encore plus la prise du pouvoir. Cependant dans l’intérêt supérieur de la République les leaders que nous sommes nous devons éviter de saisir cette perche dans un esprit de chauvinisme. Nul ne devrait aller à de telles négociations avec l’idée que c’est lui le candidat consensuel sinon il se rétracte. Ce serait contre-productif. En d’autres termes, et pour répondre à votre question, je dirai qu’autant Akere T. Muna doit être préparé à l'cher du laisse, autant tous les autres postulants devraient se mettre dans la même prédisposition spirituelle.
L’ambassadeur des États-Unis au Cameroun, Henry Peter Barlerin a été convoqué par le Minrex pour avoir suggéré au Président Biya de penser à son avenir politique, en s’abstenant croit-on savoir, de briguer un énième bail pour Etoudi. Le ramdam qui en a suivi a ému l’opinion. Votre lecture sur cet épisode?
J’ignore pourquoi la sortie de l’ambassadeur des États Unis a causé une telle levée de bouclier. D’autant plus que ce diplomate n’a fait que reprendre à son compte ce que l’essentiel des camerounais disent tous les jours. Je ne pense pas que l’ambassadeur ait outrepassé ses compétences en prodiguant ce conseil amical au gouvernement d’un État ami. Le Cameroun n’est d’ailleurs pas le premier pays au monde dont la situation de crise sociopolitique emmène les puissances à tirer la sonnette d’alarme d’une manière ou d’une autre. Je ne vois pas en quoi l’ayant dit, ce diplomate a enlevé quoi que ce soit à la souveraineté du Cameroun. D’autant plus que le chef de l’État est libre d’en tenir compte ou pas. N’oublions pas que nous sommes avant tout victimes d’un système qui a mis le pays à genoux. Ce qui revient à dire que la non candidature de Paul Biya à elle seule ne serait en rien une panacée. Ce n’est pas d’un remplacement de Paul par Pierre dont nous avons besoin, mais d’une révolution systémique qui devra lors de la Troisième République repenser les piliers sur lesquels notre Etat-Nation doit reposer.
Les élections sénatoriales du 25 mars se sont déroulées de manière chaotique dans le sud-ouest et principalement dans le Lebialem. Les bureaux ont dû déménager dans la Menoua, croit-on savoir. Pensez- vous à l’heure actuelle que les opérations de vote peuvent se dérouler dans les régions anglophones du pays?
Nous sommes effectivement très préoccupés par la situation de guérilla qui prévaut non seulement au NoSo mais aussi dans le septentrion avec Boko Haram. D’où l’urgence pour le Chef de l’État justement de comprendre qu’ils lui veulent du bien, ceux qui lui prodiguent des conseils allant dans le sens de l’exhorter à se concentrer non pas sur la chasse à un énième mandat mais plutôt à se donner pour dernière mission de prendre le taureau par les cornes pour pacifier personnellement le pays et veiller à l’organisation des élections libres et transparentes même si celles-ci doivent emporter sur leur chemin son propre parti. Il est face à une alternative dont les conséquences impacteront durablement sur les générations actuelles et à venir. En tant que sa fille, si je pouvais m’adresser à lui personnellement, je lui conseillerais de faire échec et m't aux griots prévaricateurs qui sifflotent sur sa tête à travers des appels à candidature. S’il venait à choisir la République plutôt que le parti, je suis sûre que le peuple lui pardonnerait les ratés de sa dispensation.
Une partie de l’opinion pense à ce jour que les Occidentaux s’opposent à la candidature de Paul Biya. Qu’en pensez-vous?
Je n’en sais pas plus que vous. L’AFP n’est pas dans le secret des échanges diplomatiques. Quoi qu’il en soit, Paul Biya est plus que jamais face à sa conscience. C’est à lui de décider en dernier ressort.
La Commission Musonge. Quelle lecture faites-vous de son rapport?
Le Rapport de cette commission a juste enfin repris et rendu publique les griefs qui ont poussés nos frères anglophones à se radicaliser. Ce qui importe, ce n’est pas le rapport, mais davantage ce que le Chef de l’État en fera. Il peut choisir d’en faire bon usage comme il peut choisir d’écouter les thuriféraires va-t-en-guerre du régime. Je pense que nous devons attendre pour voir le traitement qui sera accordé au dit rapport. Toutefois, il est bon de noter que le terme “fédéralisme” est enfin sorti du maquis. C’est un indicateur susceptible de nous renseigner sur l’etat d’esprit tant de ceux qui étaient en mission que de leurs interlocuteurs. Ce que l’AFP a toujours soutenu c’est qu’on ne peut diriger un peuple en foulant au pied ses préoccupations sans en payer la note un jour ou l’autre. Nous y sommes.
La société camerounaise est divisée plus que jamais. Le repli identitaire est prégnant. A votre avis, quelles sont les causes d’une telle situation ?
Pour vous répondre en quelques mots, je dirai que le tribalisme qui s’exprime tous azimuts aujourd’hui n’est que la résultante d’une gouvernance qui des décennies durant a fait la part belle à la dimension ethno-tribale sacrifiant au passage la CITOYENNETÉ sans en mesurer les conséquences ravageuses à moyen terme. Justement, l’un des chantiers majeurs de la Nouvelle République sera de réapprendre aux camerounais à être citoyens. Car la citoyenneté trans-tribale est le rock sur lequel l’État-Nation doit impérativement se bâtir. En ce sens, il faudra une relecture de notre loi fondamentale ainsi qu’une réorganisation de du pouvoir administratif qui tienne compte tant de notre histoire commune que de l’impératif de bâtir une cohésion nationale parée à toutes secousses.
Amnesty international vient de commettre un rapport où il renvoie dos à dos les séparatistes et les forces de sécurité. N’est-ce-pas là une légitimation des groupes armés qui sévissent dans la partie anglophone du Cameroun?
Je pense que le rapport d’Amnesty est tout simplement réaliste. Ce n’est pas en occultant les faits graves qui sont perpétrés dans cette partie du pays que nous allons trouver une solution durable. Le fait que vous les journalistes ne soyez pas équipés pour faire un vrai journalisme d’investigation dans cette guerre nous oblige à ne nous en tenir qu’à de tels rapports ainsi qu’aux images glaçants qui nous parviennent par réseaux sociaux interposés. Le double langage et les propos parfois très irresponsables de certains membres du gouvernement nous fondent à penser que des choses graves se déroulent certainement tout près de nous. D’où l’urgence d’un cessez le feu et d’un retour à la table de négociations.
Êtes-vous pour ou contre une force de maintien de la paix, ou d’interposition au Cameroun?
Si la situation ne s’améliore pas, il est même de l’intérêt de l’État du Cameroun que de recourir à une force d’interposition pour limiter les exactions.
Que pensez-vous des cotisations des militants du RDPC et des différents appels pour qu’il soit candidat aux élections présidentielles d’octobre?
D’abord pour la plupart, ils prennent juste un peu sur les fonds issus des détournements divers. Cela s’apparente un peu à un blanchiment d’argent doublé d’une manœuvre pour maintenir le système aux fins d’en jouir encore et encore.
A 85 ans avec 36 ans de règne à la magistrature suprême, que peut encore le Président Biya pour le Cameroun?
Rien du tout. Biologiquement il est épuisé. Techniquement il est à un âge où on ne saurait se réinventer politiquement. Il a donné ce qu’il pouvait donner. La seule dernière mission qui lui incombe c’est de bien manœuvrer pour nous épargner l’implosion sur toute l’étendue du territoire. Des bruits de bottes sont déjà présents dans le septentrion et dans le grand ouest. Son départ devient donc une exigence du bon sens.