Souvenons?nous que le premier congrès panafricain de 1919 à Paris avait adressé une pétition à la conférence de paix de Versailles.
Cette pétition demandait aux puissances victorieuses de la Première Guerre mondiale de mettre les anciennes possessions africaines de l’Allemagne, à savoir le Togo, le Kamerun, l’Afrique du Sud?Ouest, le Tanganyika et le Ruanda?Urundi sous contrôle international, pour qu’elles soient tenues par fidéicommis pour les habitants comme des pays qui deviendraient ultérieurement autonomes.
Cette demande s’est traduite par le système des mandats sous lesquels ces territoires furent confiés à la Société des Nations (SDN). Le Kamerun, on le sait, fut confié au début des années 1920, en partie à la France et en partie à la Grande?Bretagne.
Le panafricanisme s’est développé en Afrique dans les territoires sous influence britannique, Sierra Leone, Côte de l’Or et Nigeria en particulier, et n’a étendu son influence ailleurs, en l’occurrence dans les territoires sous influence française, que tardivement.
Mais curieusement, il ne semble pas que les originaires du Cameroun sous mandat confié à la Grande? Bretagne aient été au contact du panafricanisme, ou du moins aient adhéré à cette idéologie.
Et pourtant, l’éveil politique des «Southern Cameroonians» s’est produit dans le cadre du National Council of Nigeria and Cameroons (NCNC) créé en 1941 par Nnamdi Azikiwe, panafricaniste. On peut regretter que cette mutation ne se soit pas produite, car l’influence néfaste de la France sur l’histoire du Cameroun réunifié aurait été tempérée, sinon mise en échec.
Le Cameroun réunifié n’aurait probablement pas été l’État néocolonial que nous, panafricanistes, avons tant de difficultés à libérer! Car encore, lorsque le Cameroun sous tutelle française est finalement touché par la grâce du panafricanisme, l’Union des Populations du Cameroun (UPC), créée le 10 avril 1948, étant la section camerounaise du Rassemblement Démocratique Africaine (RDA) d’inspiration panafricaniste, la France est déjà déterminée à éradiquer toute velléité panafricaniste des territoires sous son influence, comme en témoigne l’élimination de Barthélemy Boganda de la scène en 1959.
Félix?Roland Moumié, président de l’UPC, prend certes part à la conférence des peuples de décembre 1958 à Accra, mais l’UPC est interdite depuis juillet 1955. Le Cameroun «indépendant» et réunifié prend bien part à la conférence des chefs d’État à Addis Abeba en mai 1963, mais Ahmadou Ahidjo, peu influent, est remorqué par les ténors du groupe de Monrovia anti?panafricaniste.
L’anti?panafricanisme du Cameroun officiel atteint son apogée avec Paul Biya, président de la République depuis le 06 novembre 1982, qui n’hésite pas à proposer en 1987 ce qu’il appelle Libéralisme communautaire comme alternative au panafricanisme qu’il loge à la même enseigne que la négritude, lesquels, écrit?il, «ont plus d’un quart de siècle. Non seulement elles datent, mais elles n’ont pas subi avec succès l’épreuve des indépendances.» Le panafricanisme, inscrit dans l’hymne du Cameroun – «De l’Afrique, sois fidèle enfant!» est l’un de ses versets – est renié par les gouvernants du pays imposés par la France.
Des Camerounais, intellectuels, dont feu le Pr. Marcien Towa ou le philosophe Sindjoun Pokam, des activistes de la société civile, tel feu le Pr. Maurice Tadadjeu, ont oeuvré pour que le panafricanisme retrouve ses lettres de noblesse. Mais, c’est dans le domaine de la politique que le panafricanisme a été sorti des amphithéâtres et des débats feutrés pour être proposé comme projet politique.
L’auteur de la présente chronique a créé en 1996 un parti politique, l’Union des Populations Africaines (UPA) qui a présenté sa candidature à l’élection présidentielle en 1997, 2004 et 2011. L’Upa, le Manidem et le Moci ont signé en juillet 2013 une plate?forme du Front Progressiste et Panafricaniste (FPP), avec pour finalité de fusionner pour donner naissance à un grand Mouvement panafricaniste.
Plus récemment encore, une chaîne de télévision, Afrique Média, s’est créée pour magnifier le panafricanisme; certains panelistes de cette chaîne, par leurs écarts de langage, ont fourni au régime néocolonial anti?panafricaniste des prétextes pour empêcher Afrique Média de propager le panafricanisme si dangereux pour les intérêts de ses maîtres.
À la fin de l’article précédent publié dans Intégration n° 199 du 17 août 2015, nous avions annoncé que le présent article relaterait les manifestations du panafricanisme depuis 1963. Il nous est apparu plus judicieux, cette chronique s’adressant principalement au public camerounais, de traiter du rapport du Cameroun au panafricanisme et d’enchaîner avec les manifestations de cette vision politique depuis le compromis d’Addis Abeba, étant donné que ces manifestations se sont intensifiées ces dernières années, conduisant à la renaissance du panafricanisme. Cette renaissance a inspiré un néologisme heureux dont la compréhension coule de source: le néopanafricanisme.