Opinions of Friday, 14 August 2015

Auteur: Jean-Claude Jamen

Le parti de Paul Biya face à ses propres contradictions

Dans une circulaire datée du 27 juillet 2015, le président national du Rassemblement démocratique du Peule camerounais (RDPC) instruit le secrétaire Général du parti et tous les militants de sa formation politique sur les conditions d’organisations des élections, les conditions pour être électeur et les conditions pour être candidat.

Il rappelle également les éléments statutaires en la matière pour les sections de l’étranger.

Cette circulaire de six pages signée du chef de cette organisation politique appelle quelques remarques notamment sur les sections de l’étranger, les Camerounais militants du RDPC vivant à l’extérieur du Cameroun, sur les conditions requises pour être candidat lorsqu’elle fait valoir l’exigence de bonne moralité par exemple, sur des questions de configuration sociopolitique lorsqu’elle parle des minorités etc.

S’agissant des camerounais de la diaspora, cette circulaire signe l’aveu d’une certaine amnésie du pouvoir RDPC dont le chef avait promis de se pencher sur la question de la double nationalité qui finalement est restée lettre-morte. Cette question de la double nationalité apparaît sans conteste aujourd’hui comme un boulet pour bien de militants de la section France et pour les dirigeants de ce parti dont certains en poste sont français et connus comme tels.

Comment concilier l’obligation de voter muni de sa carte d’identité camerounaise, de n’être candidat que si l’on est Camerounais (la double nationalité n’étant pas reconnue au Cameroun) avec cette réalité notoire et cette connaissance des membres du bureau de la section RDPC de France qui sont français ?

Plus est , la circulaire exige que ne soient « candidats au poste de président ou de présidente de section que des membres ayant occupé antérieurement un poste de membre de section ou de président, vice-président, Secrétaire ou trésorier de sous-section du parti ».Cette décision est claire et précise et son applicabilité fera des émules dans la section France notamment.

Il appartiendra aux militants et aux dirigeants du RDPC de démontrer leur lucidité et taire leur ambivalence en respectant scrupuleusement le code de nationalité du pays, la constitution qui ne confère pas la double-nationalité.

La vigilance sera de mise pour voir comment des Français qui dirigent la section France du RDPC respectent et la loi et la circulaire de leur « champion » La carte nationale d’identité camerounaise…est exigée dans le cadre des opérations électorales. Peut-on être français et avoir la carte nationale d’identité camerounaise ? Voilà un sujet qui attirera bien l’attention de tous.

L’exigence de bonne moralité exigée par le président du RDPC est une bonne chose. Elle supposait pourtant des préalables sur le plan national en termes d’exemplarité par le haut. Pourquoi le RDPC n’a-t-il jamais exclu ses membres condamnés pour de graves délits de détournements de deniers publics ? On a vu une ministre revenir faire campagne pour le parti après avoir purgé une peine de prison.

Lorsqu’on sait par exemple que la plupart des Camerounais épinglés dans « l’opération épervier » et écroués ou condamnés sont des militants de haut rang du parti au pouvoir et que cette formation politique n’a jamais daigné se prononcer sur leur cas pour les suspendre, exclure ou condamner avec vigueur leur pratique, on se demande si une telle exigence de moralité souhaitée par Paul BIYA n’est pas un vœu pieux.

On se passe volontiers des députés et maires connus dans leur passé pour des activités peu dignes mais investis par le parti des flammes. On pourrait nous opposer à juste titre qu’ils n’ont jamais été condamnés.

La circulaire du 27 juillet 2015 rappelle également la nécessité du respect des minorités. Mais de quelle minorité s’agit-il ? Cette prescription reste vague et floue car s’il s’agit de minorité ethnique, on peut constater avec peut-être un peu de regret que la citoyenneté camerounaise devrait être au-dessus de toutes sortes d’appartenances identitaires.

Est-ce à dire que le Cameroun est une multitude d’ethnies et qu’il n’a pas réussi à atteindre le stade de nation ? Si cela était vrai, cette phrase du président national du RDPC dans sa circulaire selon laquelle « le parti a besoin d’hommes, de femmes et de jeunes (…) voués avec abnégation à son service dans l’intérêt de la nation »ne serait qu’une phrase de plus.

Dans la mesure où l’adhésion à un parti est libre, le vœu d’y occuper des responsabilités également, et dans la mesure où Paul Biya exige des candidats qu’ils soient compétents et efficaces, il n’y a aucune place pour les arrangements sociologiques car si le Cameroun c’est le Cameroun donc une nation, la nôtre, seuls comptent les résultats qui le mettent au-dessus des considérations nombrilistes et des intérêts inavoués.

C’est bien à propos l’un des plus grands paris de ce renouvellement et du visage radieux que l’on attend d’un parti qui gouverne depuis tant d’années.