Opinions of Wednesday, 1 June 2016

Auteur: Vincent-Sosthène FOUDA

Le peuple camerounais doit organiser des funérailles à Anne-Marie Nzié

Anne-Marie Nzié est décédée après une longue vie sur terre, 84 ans ! Elle a consacré plus de 70 ans de sa vie à la musique, dans les naissances, les mariages, les veillées, en temps de pluie et en temps de soleil. Oui nous pouvons nous demander à quoi sert la musique ? Elle ne sert à rien aurait répondu René Char mais elle nous permet de vivre. Elle est l’aliment de l’amour voilà pourquoi dans une même maison parents grands parents et enfants fredonnent « Sarah ».

Anne-Marie Nzié en chantant l’amour a donc traversé les générations, réconcilié les parents et les enfants dans une génération pas très lointaine où parents et enfants ne parlaient pas de « cette chose-là » qu’est l’amour.

Elle a animé les veillées de jeunes filles de nos mères, elle a adulé la virilité de nos pères, elle a su mieux que quiconque nous pousser vers le beau dans nos ténèbres, ne l’oublions point il n’y a qu’une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté et Anne Marie Nzié nous a aidés à la trouver.

C’est au peuple aujourd’hui de faire rayonner cette beauté en l’accompagnant à sa dernière demeure de colombes, elle qui a su chanter « la liberté » qu’y a-t-il de plus libre qu’une colombe qui est esprit et corps ? Anne-Marie Nzié qui fut « un sage de tête et de corps » mérite de notre part des funérailles patriotiques.

Y-a-t-il plus patriote que le peuple ? Tout le peuple, nous le peuple, ce peuple de gueux, le peuple de peu, le peuple de rien, le peuple de chien, le peuple de maigres, le peuple de cette odeur blême je veux dire nous. En effet les politiques organisent des funérailles nationales et ou officielles pour les leurs, et nous que faisons-nous ?

Nous devons apprendre à suivre dignement le cercueil des nôtres, depuis la morgue jusqu’à la maison, de la maison à l’Eglise ou à la Mosquée, puis au cimetière pour porter et manifester notre douleur et souligner notre reconnaissance à ceux et celles qui nous quittent. C’est humain la reconnaissance.

Ce n’est pas à un autre de le faire, ce n’est pas à l’Etat de nous donner « un morceau de ciel », c’est à nous de le cueillir et de l’offrir car il est à là, il suffit de lever la main pour l’atteindre. Ensemble avec la pluie, l’air froid, le ciel sombre, unissons-nous à cette nature pour dire à Anne-Marie Nzié que quand nous serons tous morts, la musique, les poèmes, sa voix resteront pour témoigner de ce qu’était le monde, de ce qu’était le Cameroun, le Cameroun visible et invisible.

Je vous appelle à cet acte citoyen, républicain et patriotique, c’est ce que nous partageons ensemble.