“Les coups d’État en Afrique notamment, ne sont pas la manifestation d’une tare congénitale ou la marque d’une fatalité. Ils s’inscrivent au contraire dans un processus qu’on peut analyser et expliquer.
De nombreux dirigeants accèdent au pouvoir en Afrique par tricherie électorale et s’y maintiennent après avoir muselé les institutions par le même processus frauduleux. Il est du ressort de l’armée de mettre fin à de tels régimes illégitimes.
De nombreux dirigeants parvenus au pouvoir en Afrique à la faveur d’un processus irréprochable, ont succombé à la tentation de la confiscation du pouvoir et ont sombré dans l’ivresse du pouvoir.
Lorsqu’un individu parvenu au pouvoir de façon démocratique s’attelle à conserver le pouvoir ad vitam aeternam avec le soutien des institutions, il est aussi du devoir de l’armée de mettre fin à cette dérive.
L’armée doit avoir un rôle de gardien et de protecteur des institutions. Pour le député Burkinabè Laurent Bado, « Si une armée africaine laisse un individu violer la légalité républicaine et/ou voler la légitimité populaire sans réagir, elle se rend coupable de non-assistance à peuple en danger» .
Laurent Bado conclut son propos en appelant aux coups d’État moralisateurs : « J'ai l'intime conviction que si la fraction armée du peuple destituait systématiquement les usurpateurs du pouvoir et autres délinquants à col blanc en vue de restaurer, le plus rapidement possible, la légalité dans la prise du pouvoir et la légitimité dans sa gestion, la moralisation de la vie publique en Afrique serait rapidement et définitivement acquise au profit d'une démocratie gouvernante et non plus gouvernée. Vive les coups d’État moralisateurs ! » .
De nombreux dictateurs utilisent l’armée embourgeoisée pour endiguer toute aspiration à la démocratie et à la liberté en matant de manière sévère toutes velléités de révolution et toutes revendications citoyennes.
L’armée républicaine doit être au service du peuple et non au supplice du peuple. Elle doit servir et défendre le peuple et non un individu ou un groupe. Lorsqu’un jour le peuple aspire à être libre, l’armée républicaine se doit d’être à ses côtés pour l’aider à dissiper les ténèbres et briser les chaînes de la dictature.
Les coups d’État « salvateurs », « moralisateurs » et « démocratiques » se justifient aussi par la trajectoire prise par les régimes et par la mauvaise gouvernance. Pour épargner un pays du chaos et de la décrépitude, pour restaurer la démocratie et mettre en place des institutions fortes, pour redresser une économie chancelante et mettre le pays sur la voie du développement, il y a des moments dans l’histoire où les putschs se sont présentés comme une nécessité et se sont avérés être salvateurs.
Aussi illégitimes, soient -ils certains coups d’État ont recueilli l’adhésion du peuple. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, des coups d’État en Afrique et dans le monde [ont marqué le début de transformations positives] et ont conduit à l’instauration de véritables démocraties
Les tripatouillages constitutionnels, le refus d’alternance, le musellement de l’opposition politique, les élections truquées, la dévolution monarchique du pouvoir, les dérives dictatoriales sont les causes sous-jacentes aux coups d’État.
Il ne s’agit pas pour nous de faire ici l’apologie des coups d’État. Les putschs sont à éviter car chaque putsch porte en soi les germes d'un autre putsch. Mais il est des situations où les coups d’État s’avèrent être nécessaires, salutaires, salvateurs et démocratiques.
Rempart contre la dictature, forme d’exercice du droit de résistance à l’oppression, qu'il soit perpétré par ceux qui contestent le pouvoir et projettent de s'en emparer, le coup d’État «salvateur» ou «démocratique » est à manier avec une grande prudence. ”