Opinions of Thursday, 23 June 2016

Auteur: David Ekambi Dibongue

Le vrai changement se fera par les Camerounais qui en voudront !

La reprise vigoureuse des manifestations politiques par l’opposition déchire de nouveau et naturellement, le voile qui cache la dictature de M. Biya. Aussitôt, certains parlent du Retour en barbarie (1). Nous sommes dans une dictature réelle mais d’apparence molle. Quelque uns dans l’Opposition, reviennent encore à marquer des nuances (différences) dans cette étape de la lutte, sans oublier ceux qui estiment que seules les forces de gauche sont crédibles pour la lutte anti néocoloniale (2). Notre lutte est essentiellement anti néocoloniale et anti impérialiste. Mais ne devrait-elle pas avoir des étapes et des alliances tactiques?

Nous savons bien, que le retour des activités politiques de l’Opposition pouvant mettre à mal le régime néocolonial de Biya aura des réponses dictatoriales et de barbarie. Pour cela : « L’opposition doit bien garder à l’esprit que le RDPC et son administration devraient, dans les mois à venir, redoubler de violence et d’intimidations contre elle et la société civile en interdisant systématiquement toutes les manifestations et réunions. Face à cette situation, l’opposition n’aura de choix que de tourner le dos à la peur contre l’arbitraire du pouvoir M. Biya. Organiser ses meetings et les tenir quel qu’en soit le prix. Car c’est celui de la liberté. C’est le pouvoir seul de la rue qui peut imposer le changement. En dehors de cela toutes autres démarches et déclarations ne seront que fanfaronnades et folklores. (…). Le mouvement social est en marche. Les conditions objectives de vie (ou plutôt de misère) des Kamerunais ne vont faire que l’amplifier et ce malgré toutes les promesses lénifiantes servies à notre peuple (…).

La quête de la démocratie a déjà énormément coûté à notre peuple et exigera sans doute encore des sacrifices. Mais au bout, ce sera immanquablement la victoire.» (3). Ainsi c’est à ceux qui veulent effectivement la destruction du système néocolonial de s’y mettre, au prix de tout ! Cette lutte se mènera par les avant-gardes en association avec les masses populaires.

Aujourd’hui plus qu’hier où les partis politiques d’opposition doivent se mettre en place pour de nouvelles tentatives pour briser la dictature actuelle, les schémas d’hier se représentent. Nous voudrions bien être démentis. Rappelons-nous 1991, lorsque l’Opposition se structurait au sein de la coordination des partis politiques et associations : [« Du coup, Louis-Tobie Mbida crée avec Me Guillaume Apollinaire Nseth et Célestin Bédzigui l’ORD (Opposition républicaine et démocratique). Des négociations entre l’Ord et le gouvernement dirigé par Sadou Hayatou, vont aboutir à une invitation à des entretiens avec le chef d’Etat camerounais. Le 19 juillet 1991, Louis-Tobie Mbida et tous les hommes politiques de l’ORD s’entretiendront avec le président Paul Biya mais les chefs de file de l’ « opposition dite radicale » refuseront de participer à ces entrevues. Les entretiens avec le président Paul Biya en juillet 1991 permettront de mettre en place la rencontre Tripartite»] (4). Nous connaissons la désarticulation causée au sein de l’Opposition par la Rencontre Tripartite. Et également le sort historique des Résolutions de la fameuse Tripartite.

Aujourd’hui où nous nous activons pour que l’Opposition se remette sur le terrain, malgré toutes les entraves et pendant que certains partis politiques réfléchissent et structurent une capitalisation d’actions politiques communes, d’autres ne trouvent mieux que de multiplier des «Pactes». Quand bien même, leurs discours en apparence ne diffèrent en rien aux autres. Peut-être, le côté latent de ces discours reste à découvrir… Heureusement Edith Kah Walla préfère la compréhension et l’apaisement : «(…), nous avons fait une analyse de la situation politique du Cameroun aujourd’hui. Et nous avons défini une stratégie que nous sommes en train de mettre en œuvre, je ne doute pas un instant de la sincérité de l’UFP, de l’AFP, et de l’UDC en ce qui concerne le changement pour la Cameroun. (…). Maintenant, elles sont libres de faire une autre lecture de la situation et du moment politique. Peut-être ont-ils, ces partis politiques-là, une autre lecture, une autre stratégie, d’autres actions, je n’ai aucun problème avec ça. On est dans la pluralité politique. On n’est pas tous obligés de penser les choses de la même manière. Je suis certaine que nous allons tous nous retrouver quelque part sur la route, puisque nous allons vers la même destination. Mais aujourd’hui, l’heure n’est pas à la discorde au sein de l’opposition.» (5).

A côté, nos camarades marxistes-léninistes du Manidem trouvent que : «Les nouvelles coalitions surgies en cette année 2016 au seul motif que Paul Biya souhaite modifier la constitution pour se représenter sont entrain de reproduire les errements de leurs aînées des années 90. Elles ne saisissent pas la lutte du peuple comme processus contradictoire dépendant de l’évolution globale des rapports de force dans le temps et sur l’ensemble du territoire». Ils continuent : «Leur origine sociale les condamne à des gesticulations plus ou moins futiles tant qu’elles ne s’accrochent pas au bras incorruptible et intransigeant des masses populaires.» (6). Ecoutons plutôt, Ndéma Samé Alexis, président de l’Upc des Fidèles : «L’heure est à la recherche de solutions véritables pour notre pays. (…). Il est temps de s’atteler à préparer une transition consensuelle avec la contribution de toutes les forces politiques de la nation, les Organisations de la société civile, les milieux syndicaux, confessionnels, traditionnels, associatifs et militaires.» (7). Ou bien, la présidente du CPP, Kah Walla : «Le premier objectif pour nous c’est d’amener les Camerounais à reprendre leur destin en main.» (8).

Les masses populaires, comme moteur de l’Histoire, ne se retrouvent-elles pas dans ces organes et articulations de la société cités par Ndéma Samé ou bien dans le souci d’Edith Kah Walla ?

Les leçons de l’histoire

Notre lutte est essentiellement anti néocoloniale et anti impérialiste. Nous puisons dans notre passé politique, sans délaisser ce que historiquement l’Humanité a produit :

- En 1956, en plein délire sanguinaire des colonialistes et leurs agents locaux sur les patriotes kamerunais, Um Nyobè, connaissant bien Soppo Priso et Assalé, n’a pas refusé d’associer le Mouvement nationaliste upéciste dans le Courant d’Union Nationale, jusqu’à la faillite anti patriotique de ces deux leaders ; - En 1959 à Conakry, l’Upc, représentée par Félix Moumié, Kinguè Abel et Ouandié Ernest, signe un accord politique avec André-Marie Mbida, l’auteur du fameux discours de Boumnyebel, du Parti Démocrate du Cameroun (PDC) ; - Rentré au Kamerun, dans les maquis, en juillet 1961, Ouandié Ernest prend contact avec Mgr Ndongmo (à l’époque Abbé) et envoi un courrier au Dr Bebey Eyidi par l’intermédiaire d’un agent de liaison (9);

- En 1962, dans la «Voix du Kamerun» J.M. Tchaptchet demandait d’ «unir tous ceux qui doivent et peuvent s’unir» (10) - En 1978, le Parti communiste français (Pcf), bien que connaissant très bien François Mitterand, a signé le Programme Commun qui permit l’accession de la gauche au pouvoir en 1981 en France ; - En 1992, l’UPC dirigée par Michel Ndoh s’est engagée dans l’Union pour le Changement et s’est rangée derrière le candidat Fru Ndi;

- En 2011, le candidat-président, le sandiniste et marxiste Daniel Ortéga a été élu à la présidentielle de novembre 2011 sous la bannière de l’Alliance Nicaragua Unida Triunfa (le Nicaragua Uni Triomphe) avec 63% des voix. Tandis qu’en 2006, il fut seulement crédité lors de son élection à la présidence de son pays de 38%. Notons que ce raz-de marée sandiniste est le fruit de l’alliance des Sandinistes avec la puissante Eglise Catholique du Nicaragua. Et novembre 2012, le Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN), a aussi remporté avec 75% des voix, les municipales au Nicaragua.

Enfin sachons différencier le fait réel-objectif qui révèle que dans l’opposition camerounaise, les forces de gauche s’y trouvent également comme celles de droite ou du centre-droit, mais l’analyse nous commande de bien apprécier le concret, les rapports de force et l’avenir immédiat. Hormis ces fondamentaux, les forces de gauche ne pèsent pas suffisamment sur l'échiquier politique national. Aussi la modification des rapports de force ne pourra se faire qu’en alliance avec d’autres forces disponibles, indépendamment de leur substrat idéologique, à condition que nous soyons sur un programme commun : d’abord la déchéance du RDPC-Biya.

La lutte des classes ne sera pas reniée en tant que tel, mais deviendra une contradiction secondaire entre nous et nos partenaires ponctuels de droite ou sociaux-démocrates, car entre cette lutte des classes et la déchéance des anti-patriotes, comme position d’étape, un vrai patriote a-t-il objectivement à hésiter ? Ainsi, nos fondamentaux doivent nous servir à mieux assimiler la réalité socio politique camerounaise pour la transformer, au lieu de continuer à l’interpréter. Pour cette transformation, nous savons que le Manidem a un solide programme politique et il est même l’initiateur d’un Front des forces progressistes et panafricanistes révolutionnaires…

Mais Karl Marx nous apprend : «Tout pas fait en avant, toute progression réelle importe plus qu’une douzaine de programmes» (11). Nous estimons, humblement, que les masses populaires n’ont pas véritablement un problème pour les programmes des partis d’Opposition, mais, pour eux, ce sont les mêmes leaders depuis 1991, dont certains ont exprimé historiquement de multiples bégaiements, de changement d’équipes et de maillots!

La révolution camerounaise aboutira

D’un autre côté et dans ce sillage, nous entendons : «Les ténors de l’opposition ne se positionnent pas» (12), où bien : «L’UPC n’a appelé à aucune manifestation» (13).

Le Cameroun est la patrie de tous ses fils, chacun se positionnera compte-tenu de sa classe sociale, ses convictions et ses ambitions. L’actualité politique est là, à chacun de se manifester. Lénine ne s’interrogeait-il pas: «n'est-il pas évident que nous n'accomplirons pas notre tâche qui est de développer la conscience politique des ouvriers, si nous ne nous chargeons pas d'organiser une vaste campagne politique de dénonciation de l'autocratie ?» (14).

Les faits politiques, même s’ils relèvent de l’agenda d’un autre parti concernant la modification de la Constitution et l’élection présidentielle, ne sont-ils pas des faits majeurs dans la vie politique de la nation ? Lénine nous a appris : «l'une des conditions essentielles de l'extension nécessaire de l'agitation politique, c'est d'organiser des révélations politiques dans tous les domaines. Seules ces révélations peuvent former la conscience politique et susciter l'activité révolutionnaire des masses.» (15)

Nous, Nationalistes révolutionnaires, sommes depuis nos aînés jusqu’aujourd’hui, déterminés à accomplir par tous les moyens la Révolution Camerounaise, au-delà de tous les sacrifices. Nous travaillons avec tous les compatriotes qui seront disponibles.

1- Haman Mana, Retour en barbarie. Le jour n° 2154 du mercredi 30 mars 2016. P, 3 2- Opinions et Analyses. Revue électronique d’analyses théoriques du Manidem. N° 01. Mai 2016 3- Mpouma Jean Emmanuel, Election présidentielle de 2018. Quelles stratégies pour les parties et le peuple d’opposition ? Le Messager n° 4555. Jeudi 16 avril 2016. P-P, 6 et 7 4- Younoussa Ben Moussa, L’opposition camerounaise, 25 ans après. Le jour n° 2181 du mercredi 11 mai 2016. P, 2 5- Yannick Yemga, Edith Kah Walla : une transition politique s’impose. Mutations. N° 4123. Lundi 11 mai 2016. P, 4 6- Opinions et Analyses, ibid, P, 17 7- Joseph Olinga, Ndéma samé Alexis « La dispersion des forces du progrès est réelle. » Le Messager n° 4414. Vendredi 18 septembre 2015. P, 7 8- Yannick Yemga, Edith Kah Walla, ibd, 9- Boutchueng Mélanie Clarisse, Ernest Ouandié (1924-1971). L’homme et son action politique. Mémoire de maîtrise en Histoire. Université de Yaoundé I. Août 1994. P-P, 67 et 68 10- J.M. Tchaptchet, Pour que ça change. In La Voix du Kamerun n° 9 et10 Juin-Juillet 1962, p, 3 11- Karl Marx et F. Engels, Œuvres Choisies en deux volumes, t, II. Editions du Progrès. Moscou 1965, p, 87 12- Jean Francis Belibi, Manassé Aboya Endong : « Les ténors de l’opposition ne se positionnent pas ».Cameroon Tribune n° 11073/7272. Mardi, 12 avril 2016. P, 6 13- Jean Francis Belibi, Pr Louka Basile : « L’UPC n’a appelé à aucune manifestation ». Cameroon Tribune n° 11077/7276. Lundi, 18 avril 2016. P, 7 14- Lénine, ibd, p, 77 15- Lénine, i bd, p-p, 93 et 94