La campagne "HeForShe" a été lancée en août dernier. Difficile de dire, actuellement, si le pays réussira à réduire le fossé entre l’homme et la femme.
Des spots publicitaires à la radio et à la télé, des grandes affiches qui se multiplient dans les rues des grandes métropoles, une campagne qui bat son plein. Le gouvernement camerounais semble déterminé à doper sa politique de promotion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes.
Pour cette nouvelle campagne, il se donne pour objectif de faire participer deux millions d'hommes et garçons au Cameroun dans le combat pour l'égalité des sexes et les droits des femmes, en les encourageant à prendre des mesures contre les inégalités rencontrées par les femmes et les filles. Il devient pressant de scolariser la jeune fille et de la rendre plus autonome.
Ces derniers mois, il est prouvé que la femme et la jeune fille camerounaises sont devenues la force de l'instrumentalisation des forces de Boko Haram, de toute forme d'armée et même de la vie familiale. Leur rôle va au-delà de la lutte au front où elles manient armes et munitions autant que les hommes. C'est encore elles qui doivent garder la famille debout pendant les missions de leurs maris dans les zones de guerre ou pour toujours, quand ces derniers ne reviennent pas. C'est encore elles qui actionnent les bombes là où on les attend sur le terrain de la réconciliation.
Ces femmes gagneraient à être instruites afin d'être de véritables pionnières de ces familles. Elles gagneraient à avoir le discernement nécessaire pour prendre elles-même leurs propres décisions.
322 mille hommes ont officiellement adhéré à la campagne. Mais les habitudes peinent à suivre les avancées du cadre juridique et règlementaire. Un peu à l'image de la condition actuelle de la femme et de la jeune fille, ce n'est pas vraiment une priorité nationale ; car les maux semblent plus profonds que la volonté de changement.
L'analphabétisme
Ce projet est mis sur pied alors qu'il a été prouvé que 43,6% des jeunes camerounaises souffrent d'analphabétisme. Le phénomène est surtout visible dans les régions de l'Extrême-nord (29%), du Nord (31,9%), l'Adamaoua (40,1%) et l'Est (42%) et touchent des adolescentes dont l'âge oscillent entre 10 et 19 ans. « L'analphabétisme au Cameroun touche surtout les populations des zones rurales, où des millions d'enfants sont sous scolarisés voir pas du tout scolarisés.la faute à de nombreuses pesanteurs d'ordre politique, socioculturel et économique... », déclare une responsable de l'UNESCO.
L'organisation soulève également le fait que « des milliers d'enfants vivant dans les villes sont des illettrés car faute de moyens ou de délinquances ils quittent trop tôt les bancs de l'école ». Suivant une enquête camerounaise menée auprès des ménages, les chiffres révèlent que les filles de ces régions sont moins scolarisées que les garçons. Or, sur l'ensemble du territoire national, les statistiques globales présentent une légère domination du taux d'alphabétisation des filles sur celui des garçons. Soit 56,4% contre 56%.
Le clivage est plus marqué dans les métropoles que sont Douala et Yaoundé avec des taux respectifs de 77,6% et 75,9%. Selon les résultats de l'enquête conduite par l'Unicef, 21,6% d'adolescentes de 15 ans et plus n'ont pas achevé le cycle primaire. Et 59,5% de filles de 15-19 ans n'ont pas achevé leurs études secondaires. Ce qui dénote d'une forte déperdition scolaire. C'est aussi dans ces régions sous scolarisées que la femme et la jeune fille sont devenues de véritables bombes à retardement et des instruments de la stratégie guerrières des bandes armées.
Mariages précoces
Plus de 36 % de filles sont mariées avant l'âge de 18 ans. « Parmi les causes figurent en bonne place les considérations culturelles, notamment dans la zone septentrionale du pays », nous confie Claire Manga, une militante de la cause. « Elles sont parfois confinées aux travaux champêtres et aux travaux pastoraux tandis que l'accès à l'éducation leur est prohibé. Plusieurs d'entre elles sont donc obligées de contracter le mariage à l'adolescence », ajoute-t-elle. Une enquête à indicateurs multiples révèle que le mariage précoce des jeunes filles demeure préoccupant au Cameroun.
Le phénomène touche un peu plus d'une fille sur dix soit 11,4% avant l'âge de 15 ans, et plus d'un tiers d'entre elles, soit 36%, avant l'âge de 18 ans. La même source explique que 22,3% des filles de 15-19 ans étaient déjà mariées en union libre, trivialement appelée concubinage, avec des conjoints de 10 ans leur ainés. Régulièrement, ces mariages précoces les obligent à abandonner l'école. Les résultats de cette enquête témoignent que ce phénomène est plus répandu dans le septentrion où les taux de scolarisation sont les plus bas. Le prétexte ici est le soit disant respect des traditions.
Le repassage des seins
En 2006, on estimait qu'environ une fille sur quatre avait subi le repassage des seins. Pratique exercée sur des jeunes filles, généralement avant ou en début de puberté. Elle consiste à exercer une pression quotidienne sur la poitrine à l'aide d'instruments préalablement chauffés tels que la pierre à écraser, la spatule en bois, la louche, le pilon, les noyaux de cerises. Dans certains cas, ce massage se poursuit par la compression de la poitrine dans une étoffe. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les mutilations altèrent ou lèsent intentionnellement les organes génitaux externes de la femme, pour des raisons non médicales.
Les spécialistes de la santé sont unanimes les mutilations génitales freinent l'épanouissement de la femme sur tous les plans. Pour le Dr André M., gynécologue, « les mutilations n'ont rien à voir avec la fécondité et l'embellissement de l'organe de la femme, comme le laissent souvent croire ceux qui l'encouragent. Au contraire », explique-t-il. « Elles exposent les victimes aux infections et irritations qui peuvent conduire à la mort, » rajoute-t-il. Même si les campagnes de sensibilisation contribuent à dissuader quelques auteurs, il faut cependant reconnaitre que le phénomène sévit toujours, notamment dans la partie septentrionale du pays où l'excision est une calamité résistante.
Les abus
Trois adolescentes sur dix en son victimes sur le marché du travail. Bien que le travail des enfants soit formellement proscrit, nombre d'adolescentes sont pourtant contraintes de travailler avant de pouvoir être suffisamment matures. Selon l'enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM 4), trois adolescentes sur dix participent au marché du travail comme femmes actives ou comme chômeuses. La proportion des jeunes filles travaillant est plus élevée dans les régions du Nord, de l'Extrême Nord et de l'Ouest avec des proportions respectives de 50,4%, 46% et 39,4%. Selon la même enquête, le taux de chômage des jeunes filles tout comme celui des adolescents de sexe masculin est marginal et touche à peine 1 à 2% de ces catégories de population dans les villes de Yaoundé et Douala. Elles qui sont encore censées se préparer avant d'entrer dans la vie active.
La fécondité
Dans l'ensemble, le taux de fécondité est élevé chez la jeune fille camerounaise. Une fille sur quatre est mère avant l'âge de 18 ans. Ce qui contribue à plus de 12% du taux de fécondité nationale et à 25% du taux de mortalité maternelle survenue lors des enfantements. Soit quatre cas de décès sur les 20 chaque jour des suites d'accouchement. D'après l'enquête à indicateurs multiples 2014 (MICS 5), l'on compte 119 naissances vivantes pour 1000 femmes âgées entre 15 et 19 ans, comparativement au taux global de fécondité générale qui est de 165 naissances vivantes pour 1000 femmes de 15-49 ans.
Les régions de l'Est, du Sud et Centre enregistrent chacune 206, 183 et 117 naissances vivantes sur un panel de 1000. Et donc les taux de fécondité d'adolescentes les plus élevée. L'Institut National de la Statistique (INS) constate par ailleurs que la fécondité des adolescentes diminue au fur et à mesure que leur niveau d'instruction augmente.
Face à tous ces maux, la femme camerounaise reste en ce jour une véritablement faiblesse pour un pays qui se veut autonome et qui prône l'égalité des chances. Cette femme qui subit notamment tous ces sévices reste ancrée dans les traditions, elle a encore du mal à devenir autonome. La violence morale reste donc l'un des facteurs qui ne favorise pas son indépendance.