L’histoire donne progressivement raison aux observateurs attentifs de la scène politique camerounaise qui avaient estimé que, depuis la dénonciation du plagiat dont il est accusé, «les agissements de Maurice Kamto sont à plus de 75% déterminés par cette affaire».
Ils avaient déjà perçus les conséquences de cette sombre affaire dans sa démission précipitée d’un Gouvernement en bout de course. L’on y a ajouté la récupération à la hâte d’un parti politique existant pour se donner rapidement une posture politique, de peur d’être promptement jeté en prison pour les faits d’escroquerie et d’abus de confiance qui lui sont imputés en plus du plagiat, valise de preuves à l’appui, par son ancien étudiant.
Mais depuis que cette affaire a pris une tournure judiciaire avec les citations croisées de Maurice Kamto qui accuse son dénonciateur de diffamation et d’outrage à corps constitué, l’évidence est aveuglante. A l’approche de chaque audience, Maurice Kamto effectue au moins une sortie politique. Il n’a pas dérogé à la règle à l’approche de l’audience du mardi, 29 septembre 2015, date à laquelle le procès doit reprendre à zéro, à sa demande.
Cette fois, la peur augmentant sans aucun doute, il ne s’est plus contenté d’une sortie comme d’habitude, mais de trois sorties médiatiques dans la semaine précédant son procès.
Sous le prétexte d’apporter son soutien aux personnes placées en garde à vue administrative pour «réunion non déclarée1 et rébellion (refus d’obtempérer à l’ordre d’un sous-préfet) », le 15 septembre 2015, il a publié une déclaration dont les 3/4 sont plutôt consacrés… au lancement de la prochaine campagne de son propre parti sur « la réforme du Code électoral » (Le jour du 23 septembre).
Une Déclaration confuse dans laquelle le juriste défend le contraire de l’Etat de droit en apportant son soutien à ceux qui bafouent les lois de la République avant de s’engager lui-même à respecter les lois en vigueur…
Toujours est-il que notre mystificateur imbibé d’approximations politiques a dû juger l’impact de cette Déclaration – de mauvais aloi – insuffisant par rapport à l’objectif poursuivi, ce qui l’a contraint à se donner en spectacle devant la presse pour une interview à bâtons rompus sur des sujets hétéroclites plus ou moins réchauffés (voir Mutations du 25 septembre 2015). Une Interview dépourvue du moindre événement support.
Tout ou presque y est en effet passé : du débat clos depuis des lustres sur le prix du carburant aux accords de partenariats économiques signés et ratifiés depuis un an, en passant par l’arlésienne de la mise en place des institutions et par la question du droit de poursuite (définitivement réglée avec la mise en place de la force sous régionale mixte), sans compter le sujet saugrenu de la sécurité présidentielle.
Sur ce dernier point, Maurice Kamto se demande assez étrangement, comme en état d’apesanteur irénique, si le président Paul Biya est plus menacé dans son pays où Boko Haram exerce des ravages qu’à l’étranger, étalant ainsi au grand jour sa déconnection des réalités et sa sous-information sur le péril terroriste de Boko Haram. Il montre ainsi à tous qu’il ignore que Boko Haram, qui frappe sévèrement le Cameroun et le Nigeria, a tenté d’assassiner deux présidents Nigérians successifs à plusieurs reprises, de même que le président tchadien Idriss Déby Itno.
Il persiste assurément à croire que cette menace, qui n’est ni confinée «aux frontières» comme il l’a naguère faussement allégué ni même aux régions septentrionales du pays, explique largement le renforcement observé de la sécurité présidentielle ces dernières années.
Inversement, l’absence de telles menaces à l’étranger justifie aussi l’allègement du dispositif sécuritaire du chef de l’Etat dans les pays qui déploient des dispositifs sécuritaires plus avancés et (généralement) plus discrets, dont le moindre n’est pas l’accès à toutes les communications électroniques et la capacité d’écoute, de filtrage et d’analyse de milliards de communications téléphoniques et électroniques au même moment.
Ces balbutiements politiques – qui devaient tenir lieu de discours – ont eu pour effet d’accroître la confusion de sa communication dont le caractère brouillon ne cesse paradoxalement de s’aggraver avec le temps. Aussi a-t-il eu recours à l’arme suprême au Cameroun : se faire annoncer comme candidat à la présidentielle de 2018 par le chef de son parti à l’Ouest, sa Région d’origine, où il compte organiser son premier meeting national, comme toujours.
Alors que les leaders politiques aguerris commencent leur campagne ailleurs et l’achèvent en apothéose dans leur fief, le juriste de Baham choisit toujours de commencer par son village. Comment cet antiautochtone tonitruant peut-il expliquer ce choix qui contredit frontalement l’ambition nationale affichée de son parti ? Aurait-il revu ses prétentions politiques à la baisse ?
Les observateurs attentifs de la scène politique camerounaise décèlent quelque cohérence dans cette démarche. Le but de la manoeuvre serait purement égoïste : se soustraire à la justice de son pays ou, à tout le moins, bénéficier d’une condamnation de principe indulgente pour les faits d’escroquerie, d’abus de confiance et de plagiat pour lesquels la justice ne tardera pas à se prononcer.
Ce ne serait pas le premier maréchal de l’université qui, se sentant rattrapé par ses forfaitures, aura préféré se lancer en politique ou récupérer le parti politique du cousin pour ensuite annoncer sa candidature à l’élection présidentielle… A ceci près que, dans le cas de Maurice Kamto, une candidature annoncée trois bonnes années avant l’échéance est une hérésie juridico-politique, sous toutes les latitudes.