Le président de « Justice plus » parle notamment du rapatriement de la dépouille du premier chef d’Etat du Cameroun.
Le 30 novembre dernier marquait le 26 anniversaire du décès du président Ahmadou Ahidjo. On n’a pas beaucoup entendu « Justice plus ». Êtes-vous découragé ?
Vous me donnez l’occasion par cette réputée tribune et je vous en remercie, de saluer la mémoire de l’illustre africain qu’était l’ancien président de la République Ahmadou Ahidjo, en même temps montrer toute l’attention que suscite cette date à sa famille et au peuple Camerounais tout entier qui, tous, sont dans la soif d’un dénouement qui conduirait au rapatriement de ses restes, et au retour de sa famille toujours en exile au Sénégal où l’ancien président se trouve inhumé au cimetière musulman de Yoff à Dakar.
Cette situation ambiguë qui en réalité est à contre sens de nos us et coutumes qui recommandent dignité et honneur pour nos morts, se trouve d’ailleurs complexifiée par des mesures gouvernementales complètement injustes et révoltantes telles, le retrait des passeports des membres de la famille d’Ahmadou Ahidjo en passant par lui même.
Il est donc décédé avec dans sa poche, un passport diplomatique sénégalais. Je ne vous apprends rien en relevant ici, chose impensable d’ailleurs, qu’il n’a jamais touché un sous de sa pension! Plus grave, sa veuve n’en a pas encore vu les traces… Que font nos dirigeants des textes et lois de la République? Mystère et boule de Gaume.
Vous séjournez en ce moment à Dakar. Avez-vous rencontré l’ex-première dame ?
Je suis arrivé en effet à Dakar quelques jours avant la date anniversaire du décès de l’ancien président, pour porter le soutien de “Justice Plus” à la famille et particulièrement à sa veuve Germaine Habiba Ahidjo, victime collatérale de règlements de comptes et ambitions démesurées dans l’appareil politico-militaire du régime en place.
Cette femme restée digne que je rencontre tous les jours à son domicile des Almadies depuis mon arrivée à Dakar, à ma grande surprise ne présente aucun signe de rancune ou de révolte, face à toute la cabale que son mari et elle même ont subit, mais qu’ elle continue à subir encore 26 ans après le décès de son illustre époux.
J’avoue ici d’ailleurs qu’à chaque fois que je suis avec elle, j’ai du mal à réaliser que c’est bien elle que j’ai en face! C’est un privilège que beaucoup de compatriotes auraient bien voulu partager. Mais un début de soulagement m’a envahit durant ce séjour dakarois du fait de la sollicitation dont fait objet Germaine Habiba Ahidjo par des concitoyens, très souvent de passage pour des missions de travail.
Il y a toujours du monde à la porte, venu des quatre coins du Cameroun. J’ai en peu de temps rencontré des Camerounais de Paris, de Mokolo, Ngaoundéré, Douala etc… Le soir du 26ème anniversaire du décès d’Ahmadou Ahidjo, son petit salon privé était bondé de compatriotes, entre les coups de fils, la rage des compatriotes présents et l’émotion du cimetière où nous l’avons accompagné, je crois que nous l’avions fatigué ce soir là.
Que pense Madame Ahidjo des actions que vous menez dans le cadre de votre Comité ?
Elle n’a rien à penser je peux vous rassurer. Cette grande dame je le dis toujours a fait le boulot seule, pour la dignité de tout un peuple. Elle a veillé sur l’honneur du Cameroun par le fait de ne pas sous-traiter la dignité de son défunt mari, en refusant de céder aux intimidations et aux brimades de l’entourage du président Biya.
Je ne m’attarderais pas sur les divergences qui ont conduit Aminatou Ahidjo dans le labyrinthe qu’elle a empruntée, mais ce dont je suis sûr et que je peux relever ici, c’est qu’à Dakar, dans la famille Ahidjo, il y a du solide!
Les Camerounais peuvent compter sur la lucidité de Germaine et ses filles quasi présentes à ses côtés, ses petits enfants et arrières petits enfants ! Tous et chacun a un œil sur elle. “Justice Plus” porte simplement le message de cette injustice, et s’évertue à faire bouger les lignes dignement.
A quel niveau se trouve les négociations avec les autorités camerounaise sur ce dossier ?
Je vais vous faire une confidence ici qui surprendra plus d’un. Les multiples démarches que nous avons menées contrairement à ce que l’on pouvait imaginer ont reçu grosso modo la bonne compréhension des élites issues du grand Sud Cameroun, à l’opposé de ceux du grand Nord qui eux, ont multiplié des intrigues et autres moyens pitoyables pour empêcher et faire barrage aux consultations que nous menons.
Je crois et j’espère au vu des multiples contacts en cours, que l’année 2016 trouvera une issue définitive et heureuse pour ce cas qui préoccupe une bonne partie de nos concitoyens.
Après l’interdiction en février 2014 de votre conférence à Garoua, envisagez-vous d’autres actions pour obtenir le rapatriement des restes du président Ahidjo ?
Le sous-préfet de Garoua 1er qui nous a délivré l’acte interdisant cette conférence que nous avions souhaitée à l’époque n’a pas rendu service à la démocratie. C’est juste la vérité. Il a par contre rendu service à « Justice Plus » qui peut tenir aujourd’hui une conférence dans n’importe quel Etat sérieux de la planète en brandissant ce document.
Nous pensons en faire usage effectivement si la situation nous l’impose. Pour l’instant nous discutons avec beaucoup de gens intéressés par le sujet et compte tenu de l’importance de l’affaire, plusieurs de nos actions ont été différées pour des solutions plutôt inclusives.
Comment madame Ahidjo a t-elle réagi à l’enrôlement de sa fille Aminatou par le Rdpc ?
Cette question je l’avoue a traversé l’esprit de plusieurs observateurs de la scène politico-administrative camerounaise qui ne pouvaient s’expliquer un acte aussi incongru. Je n’ai pas hésité à demander pour ma part à madame Ahidjo ce qu’il en était et, par ailleurs elle s’était d’ailleurs exprimée là dessus par l’entremise d’un journal à l’époque des faits.
Toutefois, je retiens de nos discutions qu’elle n’en veut aucunement à sa fille cadette qui en définitive est majeur, sans toutefois aller à la confusion des desiderata d’hommes politiques tapis dans l’ombre.
Le président Ahmadou Ahidjo ne saurait être traité comme nous autres Camerounais ordinaires, pour la bonne et simple raison qu’il fut président de la République. Le pays qui l’a reçu à son exil et héberge encore cette famille, ne comprendrait sûrement pas aussi que cet homme tant respecté par les Sénégalais et les Africains, se trouve dépouillé des honneurs dû aux personnalités de son rang.
Avez-vous des novelles de Mme Aminatou Ahidjo ?
J’ai pour ma part essayé de rentrer en contact effectivement avec Aminatou Ahidjo par deux fois, juste pour des raisons de civilités et d’échanges de points de vu sur la situation que nous déplorons (non retour des restes du président).
J’attends qu’elle même prenne la pleine mesure de l’urgence qu’il y a à désarmer ce dossier qui ferait un bon support de réconciliation nationale. Mais pour l’instant rien n’a encore évolué et, selon mes informations, elle est installée à Yaoundé où très peu de gens arrivent à la rencontrer.
Certains vous soupçonnent de surfer sur cette question sensible pour vous construire une stature d’homme politique…
À tout seigneur tout honneur. Le feu président Ahmadou Ahidjo était premier citoyen camerounais par la politique et il a un héritage qu’il nous a laissé. Il a été à la manœuvre de l’indépendance et la réunification des deux Cameroun. Au sommet de sa gloire politique il a passé le témoin du pouvoir à Paul Biya qui est du sud Cameroun et d’obédience catholique.
Ces leviers plus haut relevés déroulent à eux seuls toute une anthologie. Comment oublier donc l’histoire de cet homme qui a posé autant d’actes dans un contexte bien connu, face à des compatriotes qui n’en voulais pas et notoirement mieux formés que lui. Après son départ du pouvoir le 6 novembre 1982, les Camerounais ont eu 33 ans pour gérer, et corriger ses erreurs à lui.
Je ne suis pas sûr qu’on ne le regrette pas aujourd’hui! Donc je vous le dis sans démagogie, un parti pro-Ahidjo est déjà bien là, retardé juste par le contexte d’insécurité que les populations vivent dans le grand Nord et à l’Est du pays.
Pour faire le distinguo entre la manière de gestion que nous observons aujourd’hui, et l’époque Ahmadou Ahidjo, il faut bien passer par la politique. Nous avons déjà du monde, il faut bien une alternance au Cameroun!