Ce risque résiste à l’atrophie d’une déliquescence préprogrammée, à l’ombre de l’indifférence étatique trentenaire. Cette indifférence cultivée et érigée en modèle de gouvernance qui dans une dynamique rigoureusement déterministe devra rencontrer sa destinée par les chemins qu’elle a choisis d’emprunter pour l’éviter…
L’ostracisme de ceux de ces jeunes à consonances non condescendantes les contraint, sous le poids d’un renoncement revendiqué, au retranchement, au retrait, à la marge: l’ordre asymétrique sous-jacent au désordre apparent laisse peu de place au mérite, encore moins à l’arbitraire de mélange aléatoire.
Et pour ceux qui manifestement ont une autre ambition que l’invisibilité et l’indifférence il ne leur reste que le désert… le désert puis la mer… la mer puis la mort… la mort ou l’exil à travestir des trajectoires loin des ors de la république. La sève imbibée de vert rouge jaune coule sur l’autre rive, elle se construit dans l’ascèse de l’exil mais vibre au rythme des pulsations de son pays de cœur: le lointain pays organisateur. Le lien invisible viscéralement tissé au fil des années se révèle indivisible à l’épreuve de la distance.
Le désintéressement affiché pour sa descendance est le même face à son exode hémorragique, le seul exutoire aux frustrations d’une jeunesse héritière d’un défaut de planification qui à terme obscurcit ses perspectives… Une émigration trop souvent improvisée, non accompagnée… Une émigration qui avec son lot de péripétie demeure néanmoins l’une des soupapes maintenant le fragile équilibre, entretenant la cohésion moratoire de l’illusion de démocratie, moratoire de cohérences coercitives de cette génération qui, mangeant sa propre chair, rétrécit l’horizon national en proposant à sa jeunesse comme option principale le sens unique vers le nord, vers le chemin de l’exil! Une jeunesse adversaire de l’adversaire à son développement intrinsèque… adversaire de ces aînés qui laissent éparpiller son sang-neuf à travers le globe en un cheminement qui arrache ses jeunes pousses à leurs racines dans un déchirement sentimental d’une brutalité silencieuse,
subséquent de la contrainte à la pérégrination, à l’errance, une souffrance du départ qui avec le temps et les réalités d’autres mondes s’estompe sur l’autel du pragmatisme. Capable d’absorber le formalisme idoine d’exigences d’ailleurs, cette jeunesse fait son lit avec une aisance nonchalante au hasard de ces ouvertures, gardant cependant en mémoire l’idée romantique d’une époque qui n’aura jamais existé…
Elle exerce ses talents dans le creuset de codes identitaires alternatifs, loin de la dictature du patronyme, loin d’une méritocratie à plusieurs vitesses, sur les berges indifférentes à la brutale immanence de son murmure originel, se créant une identité alternative, fragmentée, à cheval entre appartenance originelle et intégration dilutive; ces nouvelles vies restent néanmoins viscéralement indexées à la terre natale.
Les interactions sont quotidiennes du fait des technologies contemporaines, de placements financiers, d’implications associatives voire d’allers-retours. L’attachement à la terre natale, au drapeau tricolore, de même que des rayonnements individuels trop souvent le reflet de son étoile dorée, n’empêchent pourtant pas de jouer à se faire peur en remettant tous les ans cette stabilité présente entre les mains de fonctionnaires, autochtones d’ailleurs, surpris parfois de l’étendue de leurs prérogatives… Vouloir se libérer de ces contraintes aura pour conséquence de vivre à la marge de sa patrie séculaire, déchus de ses droits ne gardant que ses devoirs.
Là où d’autres nations perçoivent une force et articulent ce trop-plein d’énergie en micros-alcôves structurées pour en réduire la complexité, là où d’autres nations créent pro-activement les conditions d’un environnement favorable afin de se réapproprier ces compétences aussi diversifiées que nécessaires, prérequis d’une synergie pour le développement, d’une réussite collective, d’une émergence réelle et durable, certains chez nous y voient « LE » risque et observent passif la discrétionnaire débauche de ressources de ces bailleurs de fonds anonymes, au moins aussi significative que celle de l’aide publique au développement… Et cette jeunesse, loin de chez elle, continue d’enrichir les plus riches gardant le pays de ses pères à l’orée de son affect.
Dès lors, cette jeunesse est reléguée au rang d’observatrice de la vie publique, lestée du soupçon de conspirationnisme; comme quoi la mise en distance sortirait son esprit de l’obscurité de la pensée unique et mettrait en lumière ses velléités de renouvellement. Un lexique arboré d’une sémantique recréant les conditions de défiance et de désintéressement de la classe dirigeante à son égard.
Cette indifférence oppressante qui, pour la génération suivante, ouvrira de nouveau la voie vers le sens unique, vers le nord, vers l’exode… refermant ainsi la boucle de cette cyclique fortement récurrente, mimétique d’une théorie du chaos, dont le bruissement de ce texte n’aura la prétention de remodeler les variables de départ, les conditions initiales dont pourtant quelques infimes variations pourraient sur le long terme faire évoluer cette cyclique vers une trajectoire moins entropique, moins exclusive, plus intégrative, plus vertueuse.
En ces temps de convergence des informations et des idées, d’interdépendance des économies, de conjugaison des efforts et de migration tous azimuts, les nations fortes se renforcent à la fois par l’intégration de leur émigration dans une stratégie collective et par le développement de leur attractivité afin d’inciter, d’accueillir et de conserver une immigration à la fois jeune et qualitative… Dans le même temps, ailleurs, qu’elle soit économique, politique ou intellectuelle, l’émigration de cette même jeunesse génère encore pour d’autres des patriotes de seconde zone!