Monsieur le Ministre,
Suite à votremission en Italie effectuée au courant de cette semaine à l’occasion de laquelle vous avez signé une convention d’accompagnement avec l’université de Florence, relativement au Programme d’Investissement et de Développement des Marchés Agricoles (Pidma), pour accompagner le départementministériel dont vous avez la charge, dans la production et la transformation du manioc en farine, permettez-moi de vous signifiez à travers cette épître, que vous avez définitivement enseveli ce qui constituait jusqu’à lors l’orgueil des Camerounais.
Votre département ministériel a bénéficié de la Banque Mondiale et des partenaires au développement de 49 milliards de francs Cfa pour booster la production dumanioc, du maïs et du sorgho. Vous affirmez à travers une chaîne de télévision de la place que vous avez déjà construit etmis en service, dumoins votre département ministériel, une usine de transformation du manioc à Sangmelima.
S’agit-il de l’usine construite par la chambre de Commerce du Cameroun en vue de la production de la semoule à base de manioc appelé ‘’Akwa kwa’’ ou alors d’une autre usine dont nous n’avons pas connaissance? Si c’est le cas, il nous semble que la chambre de Commerce du Cameroun n’est pas sous la tutelle du ministère de l’Agriculture pour confondre ses réalisations à celles de votre département ministériel.
Par ailleurs, dans le cadre du programme Pidma, avez-vous envisagé la valorisation des feuilles de manioc qui manifestement sont riches en vitamine B12 et qui sont abondamment consommées par les populations sous différentes formes ainsi que les rafles des tiges de sorgho et demaïs ?
Il nous semble que non puisque vous n’en faite pas allusion dans vos différentes sorties médiatiques au sujet du Pidma. Aujourd’hui, vous sollicitez l’expertise italienne pour accompagner votre département ministériel dans la production et la transformation du manioc en farine, car selon vous, les Italiens maîtrisent la production des farines.
En passant, Monsieur leMinistre,
connaissez-vous l’école polytechnique de Yaoundé ? De tout évidence Oui. Connaissez-vous la Faculté des SciencesAgronomique (Fasa) de l’université de Dschang ? Indubitablement oui, ceux d’autant plus que tous les ingénieurs agronomes ou presque sorties de cette autre grande école sont vos collaborateurs, c'est-à-dire des fonctionnaires.
Avez-vous connaissance ou entendu parler de l’Ecole Nationale Supérieure des Sciences Agro Industriel (Ensai) de l’université de Ngaoundéré connue à l’époque sous le nom de Ensiaac ? Probablement oui et votre collègue Ministre de l’Enseignement Supérieur peut vous édifier mieux que nous par rapport à cette prestigieuse école qui existe depuis 1984 soit 31 ans aujourd’hui.
Pour votre gouverne, l’Ensai de l’université de Ngaoundéré est le temple,mieux, la référence dans la sous-région Afrique Centrale, dans la production et le développement de savoir-faire et d’expertise en Industrie agroalimentaire et en biotechnologie.
Bien plus, si vous en formulez la demande, un conteneur de 40 pieds serait insuffisant pour vous faire parvenir les mémoires des étudiants qui ont travaillé sur la transformation dumanioc en tous ses dérivés avec la collaboration de leurs enseignants. Dès lors, quelle expertise cherchez-vous si loin, à coup de milliards de francs Cfa alors que vous pouvez l’obtenir sur place, à moindre coup, avec un avantage comparatif conséquent.
Les ressources financières qui seront mobilisées dans le cadre de votre collaboration avec l’université de Florence auraient été très utiles à l’université de Ngaoundéré pour la réhabilitation des ateliers de simulation des grandes écoles ainsi que l’équipement de ses laboratoires de recherche appliquée.
Vous venez ainsi de poser, de notre point de vue, un acte anti patriotique majeur, de faire perdre un grand pari à l’université de Ngaoundéré notamment à sa communauté scientifique, de sous-estimer, ridiculiser et à la limite cracher sur l’intelligence et l’expertise camerounaise dans le domaine agroalimentaire et de ramer, in fine, à contre courant de l’émergence du Cameroun.
Vous empêchez les Camerounais, qui cultivent pourtant le manioc, de parler avec autorité de la transformation du manioc, éventuellement en farine, pour nous mettre paradoxalement à l’école italienne où on ne cultive, ni ne mange du manioc.
Ce que vos amis de l’université de Florencemettront à la disposition de votre département ministériel, en termes d’expertise ou de savoirfaire, ne tombera pas du ciel. Ce sera le fruit du travail. Doit-on par là comprendre que nous sommes inaptes ou incapables à faire le travail que vous confiez aux Italiens ?
Votre acte contribue à encourager les Camerounais à l’immigration dans l’espoir que le travail qu’on pouvait leur confier sur place, en restant dans leur pays et en étudiant dans leurs universités, leur sera plutôt donné en hexagone.
En outre, dans une de vos sortiesmédiatiques, vous entendez encourager les Camerounais à cultiver les légumes de ‘’ foléré’’ de son nom scientifique,Calice d’Oseille de Guinée, en vue de produire des boissons naturelles pour, dites-vous, concurrencer le Coca Cola. De grâce, Monsieur le Ministre, épargnez-nous une autre humiliation en allant chercher une expertise en Occident pour apprendre aux Camerounais à produire des boissons gazeuses à base des extraits naturels.
Pour finir, nous voudrions porter à votre connaissance, Monsieur le Ministre, qu’en 1999 soit 16 ans aujourd’hui, à l’Ensai de l’université de Ngaoundéré, un enseignant et un étudiant en fin de cycle de ses études d’ingénieur ont réalisé l’exploit de fabriquer du vin de table à partir des extrais naturels du fruit de ‘’Cassimanga’’.
Vous ne trouverez, nulle part dans le monde, un tel breuvage au goût raffiné et au timbre exceptionnel, puisque nous en avons dégusté le produit fini. C’est un exemple parmi tant d’autres, pour vous faire savoir que dans cette prestigieuse école, on travaille depuis des années à la frontière de la connaissance où des résultats visibles et palpables sont produits.
Votre ministère a été saisi par cet ingénieur pour développer le projet au début des années 2000, notamment dans la vulgarisation de la culture de ce fruit pour en assurer l’approvisionnement enmatière première en quantité. Et comme on aurait pu s’y attendre, pas de suite favorable.
L’ingénieur est aujourd’hui salarié quelque part dans une entreprise privée probablement chinoise et l’enseignant affecté depuis des années à l’université de Yaoundé 1 à Ngoa Kellé et les connaissances développées par ceux-ci parquées dans les archives de l’université.Affaire classée ! Voilà le sort réservé à ceux qui innovent dans la République du Cameroun des temps modernes.
Au terme de notre correspondance, qui n’est rien d’autre qu’une ultime interpellation en faveur de nos dirigeants et gouvernants qui semblent complètement déboussolés et déphasés sur les enjeux de la mondialisation, nous essayons le coeur brisé, de parvenir à sauver ce qui peut encore l’être, dans un Cameroun complètement à la dérive. Ainsi, nous vous souhaitons, Monsieur le Ministre de l’agriculture, bon vent dans l’exercice de vos fonctions.