Opinions of Tuesday, 31 January 2023

Auteur: William Bayiha

Mafia, intérêts et influence: ces secrets que cachent les médias au Cameroun

Des identités visuelles de médias camerounais Des identités visuelles de médias camerounais

Lorsque j'ai imaginé que je devais m'inscrire en doctorat, j'ai d'abord voulu m'inscrire à HEC Montréal, avant de m'en détourner pour des raisons bien plus administratives qu'académiques. Bon, je n'avais aucune envie de préparer un Tage Mage (Cherchez sur Google ) et surtout de m'enfermer dans la rigidité des sciences de la gestion.

Si j'avais choisi cette voie sans doute plus pertinente pour mon master, j'aurais travaillé sur le paradoxe de la survie des entreprises privées structurellement déficitaires. C'est par exemple le cas des médias privés au Cameroun.

Comment les journaux, les radios, les TV et plus récemment les sites internet d'information dont les revenus sont quasi-inexistants de l'avis général, font pour publier et diffuser du contenu chaque jour, des années durant, sans jamais se restructurer, se refinancer et sans jamais déclarer faillite ?

Mon objectif aurait été de comprendre les prouesses de gestionnaires alors même que les organisations médiatiques peinent à remplir le rôle d'entreprise au sens classique de la notion dans les sciences de gestion et des organisations.
De nombreuses entreprises de presse ne disposent en effet pas de comptabilité pour être à même d'avoir une lisibilité sur les mouvements d'écriture entre l'argent et les actions qui entrent et le passif qu'elles traînent.

Encore qu'il faudrait s'interroger sur les produits même proposés en l'absence de services marketing pour les concevoir. À peine voit-on fleurir ici et là des unités commerciales souvent en charge d'encaisser quelques factures éparses.

J'aurais également pu interroger d'autres aspects liés par exemple à la gestion des ressources humaines. Il est en effet difficile d'attirer et de retenir, notamment pour les médias privés, des profils bien formés faute d'argent et de prestige professionnel.

La taille même des structures et la diversité du marché auraient de même pu être des échelles d'observation pertinentes. [...]

Seigneur ! Comment vivent les entreprises de médias au Cameroun ? Ont-elles un secret qui puissent fonder une nouvelle approche jusqu'ici inconnue en gestion des organisations ? Ou bien participent-elles d'une économie parallèle (une économie de la mafia ou économie ésotérique) où elles sont en fait des organisations alternatives mais qui avancent masquées, mais selon une rationalité qui leur est propre et qui échappe au théoricien ?

Si cette dernière hypothèse se vérifiait qu'est-ce que cela voudrait dire pour les fonctions que les médias doivent remplir au sens :

1- des théories classiques et critiques en sciences de la gestion des organisations,

2- des exigences juridiques pertinentes pour les entreprises en général et pour les médias en particulier,

3- des publics internes et externes des entreprises en tant que ces organisations sont des lieux de projection de carrière et d'agendas divers et variés,

4- de la structuration du paysage médiatique en tant que secteur à l'intersection des enjeux de pouvoir complexes dans notre contexte et enfin 5- de leur définition comme organisation médiatique ?

Je pense que réfléchir sur le fonctionnement de nos médias mérite toujours qu'on s'y intéresse. Aucune entreprise ne fonctionne par magie.

Voici ce que je pense a priori: l'absence de traçabilité dans la marche quotidienne de notre paysage audiovisuel et de la presse est à la base de moult dérives que l'on observe sur les écrans, qu'on écoute sur les ondes et que l'on lit en ligne ou dans les colonnes des journaux. Il faudra un jour y voir plus clair.