« Quand vous avez deux enfants et que l’un se plaint constamment, il faut l’écouter et résoudre son problème sans quoi la situation peut exploser un jour et il sera difficile de recoller les morceaux » ces propos sont du sénateur Nfon Victor Ei Mukete.
Pour lui, il ne fait aucun doute que les anglophones sont marginalisés au Cameroun. A l’en croire, beaucoup de textes de loi sont inaccessibles à la population camerounaise d’expression anglaise à cause de la barrière linguistique.
Ces textes étant rédigés en français uniquement. Pire, précise le chef supérieur de Kumba, certains officiels de Yaoundé tiennent des discours en français lorsqu’ils sont en visite de travail dans la partie anglophone. Ce qui est une aberration.
« Est-ce qu’un anglophone peut tenir un discours en anglais à Ebolowa ?» s’insurge le doyen d’âge de la chambre haute du parlement. Comme pour dire que tenir un discours dans une langue étrangère de celle des populations locales c’est prêcher au désert.
« Quand je parle ainsi certains interprètent en disant que je prône la division du Cameroun. Non. Je suis pour un Cameroun uni et indivisible. Et comme Kwame Krumah le disait, l’Afrique doit rester unie. Les dommages causés aux Noirs par les colons sont inimaginables » poursuit le sénateur.
C’était vendredi dernier 27 novembre 2015, au palais de congrès de Bamenda. A l’occasion de la cérémonie de dédicace de son livre intitulé « Mon odyssée : l’histoire de la Réunification du Cameroun avec des correspondances authentiques des vrais artisans ».
Jude Waindim, secrétaire général auprès de la Communauté urbaine de Bamenda croit savoir qu’une odyssée est un long et difficile voyage. C’est pourquoi à travers cet ouvrage les générations actuelles et futures ont le privilège de vivre un monument de l’histoire du Cameroun.
Le contenu est une sorte d’encyclopédie de l’histoire, précise le Sg de la Cub pour qui le choix de Bamenda pour la dédicace de ce livre est une reconnaissance de l’apport du Nord-Ouest dans le chemin périlleux de la réunification du Cameroun.
Patriote pur sang
Le Pr Martin Ndumu, président de la cérémonie de dédicace trouve en Sa Majesté Nfon Victor Ei Mukete, un patriote pur sang qui, malgré les manœuvres de Dr Endeley à vouloir l’indépendance du Southern Cameroon (partie anglophone) en se rattachant au Nigéria était resté maître de sa conviction en prônant cette indépendance par le rattache à leurs frères et sœurs de la République du Cameroun (d’expression française).
Ainsi Nfon Victor Ei Mukete avait rejoint John Ngu Foncha dans sa logique de l’indépendance du Cameroun occidental en se rattachant au Cameroun oriental. Pour Martin Ndumu, ce livre est un don pour le Cameroun. Un Cameroun où la justice, l’égalité et le respect des droits de l’Homme doivent être de mise.
Malheureusement, regrette le mathématicien, ces préceptes ne sont pas observés. La marginalisation des anglophones par le régime francophone de Yaoundé a pris le dessus sur l’égalité entre les enfants d’un même pays. L’historien, Pr Victor Julius Ngo, est d’avis que Sa Majesté Nfon Victor Ei Mukete vient de réaliser un excellent travail.
Toutefois, précise-t-il, l’histoire du Cameroun est complexe et excitante de telle sorte que chacun pense détenir la vérité de cette histoire. Il remonte à la Première Guerre mondiale et la partition du Cameroun en deux par les vainqueurs.
Aussi dans sa note de lecture, il constate que l’ouvrage de Nfon Mukete montre que les anglophones étaient non seulement impliqués mais avaient joué un rôle primordial dans le processus de réunification des deux Camerouns.
Sa Majesté le chef des Bafaw avait même en 1952 rencontré en France des Camerounais de la partie francophone. Ils avaient mis sur pied une plateforme sur cette question de réunification. Dr Endeley, leader du Knc penche pour l’indépendance en joignant le Nigeria parce que son épouse était une Yuruba du Nigéria.
Son parti va perdre graduellement sa popularité d’une part parce que la Grande Bretagne n’était pas prête à intégrer l’Etat autonome indépendante du Southern Cameroon dans son trésor et d’autre part le Kndp de John Ngu Foncha était en voie d’obtenir des financements du Cameroun francophone tel que l’énoncé la correspondance « controversée » de Soppo Priso et John Ngu Foncha.
Aussi le Knc est incapable de payer la facture d’hospitalisation d’un de ses officiels en la personne de S.K. George, interné dans une formation sanitaire à Londres. Les responsables de cet hôpital arrêtent le traitement et S.K. George décède. C’est dire si la Grande Bretagne avait dès le départ frustré l’indépendance de la Southern Cameroon.
Victimisation
Il constate également dans cet ouvrage que le président Ahmadou Ahidjo était plus préoccupé par la stabilité du Cameroun francophone (menacé par les maquisards) que la réunification du Cameroun anglophone et francophone. Et lorsque Ahidjo se rend à Londres en 1959, il tient un discours dans lequel il affirme : « nous allons négocier à part égale avec nos frères du Southern Cameroon ».
Malheureusement les choses vont momentanément chambouler avec l’indépendance de la partie francophone le 1er janvier 1960. En septembre 1960, le Cameroun francophone fait son entrée dans le cercle de la Société Des nations (Sdn). Ahidjo œuvre dès 1961 à la victoire du Kndp pour la réunification.
Dès lors Abubakar Awolowo reçoit une instruction qui consiste à procéder au limogeage de Nfon Victor Ei Mukete du parlement nigérian ou il avait défendu seul contre tous la nécessité et l’urgence de l’indépendance du Southern Cameroon en se rattachant à ses frères francophones séparés par les colons.
Une autre controverse est soulevée lors de la tripartite de 1961, lorsque Augustine Ngom Jua soutient que tous les projets de loi présentés au parlement francophone doivent également être examinés à la chambre du parlement anglophone avant adoption.
Le coup d’éclat intervient lorsqu’on lui rétorque que les lois adoptées au parlement francophone seront imposées au parlement anglophone et partant à la population anglophone. Et le Pr Victor Julius Ngo de conclure que la victimisation des anglophones a été faite par les anglophones depuis 1960. Pour sa part, le Pr Anthony Ndi voit en cette production de 573 pages réparties en 17 chapitres, un apport significatif dans la compréhension de l’histoire de ce pays.
Si pour lui, l’histoire ne se répète pas, il remarque que le livre présente les 66 artisans et leurs rôles respectifs dans l’accomplissement de la réunification du Cameroun. Il constate que même à plus de 90 ans, Sa Majesté Nfon Victor Ei Mukete se souvient encore des choses de son enfance.
L’ancien secrétaire général du Knuc (Kamerun National United Congress) relève dans son ouvrage que la route Victoria (Limbe Ndlr)-Mamfe-Bamenda était inscrite dans le budget de la réunification.
Malheureusement 54 ans après, cette route n’est pas toujours bitumée. Pour partir de Bamenda à Buea, on doit passer par l’Ouest et le Littoral. Le gouverneur Adolphe Lele Lafrique Deben Tchoffo voit pour sa part en Sa Majesté Nfon Victor Ei Mukete une bénédiction pour notre nation. Il remercie ce dernier pour cette œuvre qui vient enrichir les connaissances de la génération actuelle et future.
« Nous sommes tous des fils et filles de ce pays béni, le Cameroun » a conclu le numéro I de la région du Nord-Ouest.