Opinions of Thursday, 25 August 2022

Auteur: Jean Michel Nintcheu

Mettant en doute la qualité de la formation des ingénieurs camerounais, Jean Michel Nintcheu saisi Etoudi

Le député Jean Michel Nintcheu a envoyé une lettre au ministre de l'enseignement supérieur Le député Jean Michel Nintcheu a envoyé une lettre au ministre de l'enseignement supérieur

Le député Jean Michel Nintcheu a envoyé un important courrier au ministre de l'enseignement supérieur. Cette note est relative à ce qu'il appelle faillite du système éducatif dans les universités publiques et privées du Cameroun.

La lettre très appréciée par les internautes, est devenu sujet de débat qui donne d'ailleurs raison au député.

QUESTION ORALE AU MINISTRE D'ÉTAT, MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR SUR LA FAILLITE DU SYSTÈME DE FORMATION DANS LES UNIVERSITES PUBLIQUES ET PRIVEES AU CAMEROUN.

Monsieur le Ministre d'État,

Georges Jacques Danton disait : « Après le pain, l'éducation est le premier besoin d'un peuple. » Nous parlons de l’éducation parce que c’est un droit, c’est vrai. Il ne fait aucun doute que l’éducation est un enjeu crucial pour le développement de notre pays. A ce propos, Benjamin Disraeli, premier ministre du royaume uni au 19e siècle disait : « De l’éducation de son peuple dépend le destin d’un pays »

Cette année 2022, sur 135 082 candidats ayant effectivement pris part aux épreuves, ils sont 89 522 lauréats. Je vous parle ici des lauréats du Baccalauréat 2022.

C’est donc presque 90 000 jeunes et presque autant de familles qui voient leur travail de longue haleine couronné de succès. A ce nombre s’ajoutent les lauréats du General Certificate Examination (GCE). Nous pouvons tous ici nous imaginer les questions brûlantes qui viennent à l’esprit de ces nouveaux bacheliers et de leurs parents : quel est le prochain défi ? Qu’est-ce que je fais ensuite ? Il s’agit de questions que nous avons également le devoir de nous poser comme nation et comme représentants du peuple. Qu’offrons-nous comme outils à nos jeunes pour leur assurer un avenir et favoriser leur contribution efficace à la nation ? Individuellement, quelle est ma contribution ? J’ai pensé opportun d’apporter le questionnement ici. C’est plus précisément sur le devenir de ces jeunes lauréats du baccalauréat et de leur apport à notre nation que porte mon propos.

Qu’avons-nous à offrir à nos bacheliers ? En 2022, ils sont 420 000 étudiants répartis dans 11 universités d’État et 350 Institutions privées d’enseignement supérieur (IPES). Ce sont 420 000 futurs techniciens supérieurs, ingénieurs et j’en passe. J’espère que vous serez surpris si je vous dis que beaucoup de nos professionnels, ingénieurs obtiendront leurs diplômes sans avoir véritablement été dans un laboratoire ou un atelier d’application. Si vous n’êtes pas surpris, alors cela confirme qu’au-delà de nos inquiétudes, il y a urgence à agir. Nous devons savoir que le laboratoire est à la formation ce que le plateau technique est à l’hôpital.

Monsieur le Ministre d'État,

la question se posait hier, elle conserve malheureusement toute son acuité aujourd’hui. Comment pouvons-nous répondre à notre besoin de techniciens supérieurs qualifiés, d’ingénieurs en grand nombre ? Nous aurions pu dire que la multiplication des Institutions Privées d’Enseignement Supérieur et l’engagement de nos universités d’État à répondre à cette demande tient toutes ses promesses. Hélas ! Les équipements et les infrastructures mises au service de ces enseignements font défaut et sont souvent tout simplement absents. Quand la formation pratique est remplacée par de la théorie, on peut craindre voire s’inquiéter de la compétence réelle de nos futurs gradués. Il y a assurément un déficit majeur dans la qualité des formations offertes. Les effets s’en font sentir directement au sein des populations. Des immeubles et même des ponts qui s’écroulent occasionnent des pertes en vies humaines et en capitaux énormes. Nous faisons face à des incendies récurrents dans les marchés, dans les résidences et dans les commerces du fait généralement de l’incompétence des personnes ayant réalisé l’installation électrique. Là encore, des pertes financières et en vies humaines sont à déplorer. Il en résulte une crise de confiance en nos institutions, en nos formations et par ricochet en nos diplômes nationaux.
Une formation de mauvaise qualité est un obstacle majeur quant à la capacité de nos jeunes diplômés à connaître du succès dans l’entrepreneuriat. Pourtant, l’entrepreneuriat est désormais incontournable puisque notre marché de l’emploi n’est pas en capacité d’absorber tous nos jeunes diplômés. Nous comprenons pourquoi nos maisons s’écroulent si les ingénieurs, architectes, ou techniciens impliqués dans la conception et la réalisation de ces ouvrages sont mal formés.

A l’heure où on voit installés des IPES jusque dans des résidences privées, des publicités qui passent tous les jours sur les médias alertent le citoyen que je suis. On entend des promesses qui peuvent être fallacieuses. Certains parlent de faire de vous un ingénieur de conception à partir d’un BTS. Alors que nous nous rappelons que la formation d’ingénieur requiert de solides fondements, qui ne sont pas couverts par le BTS. D’autres parlent de reconnaissance des acquis personnels et professionnels donnant accès directement à un master sans diplôme de base préalable. Des universités d’Etat qui se lancent dans les formations professionnelles sans enseignants en nombre et en qualité et sans laboratoires adéquats. Tout ceci est questionnable et donne l’impression que la tutelle académique se résume à un poste de payage.
Beaucoup d’espoirs étaient fondés dans la formation professionnelle pour l’autonomisation des diplômés et pour alimenter le développement technologique et industriel du Cameroun.
Nous constatons malheureusement un échec puisqu’en l’état actuel, même les formations supérieures industrielles et technologiques produisent des cohortes de chômeurs. Le besoin demeure pourtant immense. Ne serait-il pas indiqué de nous assurer de la qualité des diplômes que nous offrons et qui doivent façonner l’avenir de nos diplômés de l'enseignement supérieur et partant de notre pays?

Je conclurai par deux citations. Koffi Annan : " L’éducation est tout simplement la consolidation de la paix sous un autre nom. C’est la forme la plus efficace des dépenses de défense.". Un sage chinois, conseiller de son empereur, confia à ce dernier, il y a de cela plusieurs siècles : "Si vous voulez détruire un pays ennemi, inutile de lui faire une guerre sanglante qui pourrait durer des décennies et coûter cher en vies humaines. Il suffit de lui détruire son système d'éducation et d'y généraliser la corruption. Ensuite, il faut attendre 20 ans, et vous avez un pays constitué d'ignorants et dirigé par des voleurs. Il vous sera alors très facile de les vaincre".

Hon. Jean Michel NINTCHEU,
Deputé