Le président du PCRN, Cabral Libii a profité de la célébration de la journée du 1er mai pour adresser un message aux travailleurs camerounais. Il dénonce la volonté du gouvernement de Paul Biya d’infantiliser et de museler les mouvements syndicaux du pays. CamerounWeb vous propose l’intégralité de la lettre de Cabral Libii.
Chers frères et sœurs, chers confrères et consœurs travailleurs,
Ce 1er mai 2022, nous sommes appelés pour la 136ème fois au Cameroun à fêter le travail sous la thématique centrale de "la protection des emplois et de la productivité".
En honorant ce moment historique avec le monde entier, je vous invite à apprécier cette réflexion sur l’émancipation du syndicalisme dans notre pays. Car, ne l’oublions jamais, la productivité et la protection des emplois dépendent de l'amélioration des conditions de travail et de la protection des droits du travailleur. D'ailleurs, le 1er mais est un acquis mondial du courage syndical.
Malheureusement, rendu au 1er mai 2022 au Cameroun, le texte particulier annoncé par l’article 5 de la loi de 1990 portant sur la liberté d’association, devant régir l’activité syndicale est toujours attendu. L’attente a déjà duré 32 ans.
Le Gouvernement continue inexplicablement à refuser de renforcer le meilleur outil de dialogue social qu'est le syndicat. Apparemment pour nos dirigeants actuels, le syndicalisme émancipé doit attendre au motif qu’il y a risque de politisation. Il est donc contradictoire avec une telle posture de prétendre à la productivité et de la protection des emplois.
Cette attitude d'infantilisation et de musèlement est historiquement erratique et rétrograde car, le nationalisme politique camerounais qui a bel et bien pris source dans le syndicalisme d’inspiration marxiste de Gaston DONNAT, s’en est émancipé depuis belle lurette. Et même, la COSATU en Afrique du Sud est l’alliée historique de l’ANC. En France la CGT a dérivé du Parti Communiste Français tandis que le socialisme a inspiré la CGT- FO, tout comme la CFDT est portée par la Droite politique Française.
Pour moi, l’adoption d’une loi syndicale préalablement discutée avec les syndicats, est une priorité. Ce d’autant qu’en la matière le Cameroun, membre de l’OIT, a déjà souscrit souverainement à une batterie de textes internationaux auxquels il faudra désormais se conformer. Il s’agit notamment de :
- La Convention N° 87 de l’OIT concernant la Liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 ;
- La Convention n° 98 de l’OIT concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective, 1949 ;
- La Convention de l’OIT concernant l’égalité de rémunération entre la main d’œuvre féminine et la main- d’œuvre masculine pour un travail égal, 1951 ;
- La Convention n° 111 de l’OIT concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, 1958 ;
- La Convention N° 135 de l’OIT concernant la protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise et les facilités à leur accorder, 1971 ;
- Les résolutions adoptées par la conférence internationale du travail concernant l’indépendance du mouvement syndical en sa session du 26 juin 1952.
Curieusement, après toutes ces ratifications, le Cameroun en matière syndicale s’est contenté d’une législation contenue dans des textes épars et surannés pour certains :
- La loi n° 092/007 du 14 Août 1992 portant code du travail, en ses articles 13 à 22 ;
- La loi n° 68/LF/19 du 18 novembre 1968 régissant les syndicats des fonctionnaires et son décret d’application n° 69/DF/7 du 07 janvier 1969 ;
- Le décret n° 2000/287 du 12 octobre 2000 modifiant et complétant le décret n° 94/199 du 07 octobre 1994 portant Statut Général de la Fonction Publique de l’Etat en ses articles 21 (Droits du fonctionnaire), article 51 (2c) sur le bénéfice de décharge de service par le titulaire d’un mandat syndical.
Encore regrettable, le mouvement syndical ne jouit pas pleinement dans la pratique, de ces avancées théoriques. Les syndicalistes font généralement l’objet de détentions, d’intimidations, de punitions ou d’atteintes diverses. Ils sont cantonnés au meilleur des cas, à l’expression médiatique.
Pour libérer les énergies professionnelles, il faut éviter des accumulations de frustrations.
La démocratie c’est la discussion permanente organisée. Les objectifs de rentabilité des employeurs doivent composer avec les intérêts des employés. Le droit de grève doit être exercé librement et accessible à tous les corps de métiers civils y compris la police et la magistrature. Il y va de l’épanouissement de l’humain gage de productivité.
Chers confrères et consœurs travailleurs, œuvrons ensemble afin qu’advienne le Cameroun qui protège et qui libère nos énergies.
Bonne fête du travail.
Hon. Cabral LIBII