Opinions of Tuesday, 24 November 2015

Auteur: cameroon-tribune.cm

Nos ambitions de croissance

Le projet de budget 2016 du Cameroun est élaboré sur la base d’un taux de croissance du Produit intérieur brut (Pib) de 6%. En 2015, d’après le Fonds monétaire international (Fmi), la croissance du Pib devrait avoisiner ce pourcentage, comme c’était déjà le cas en 2014. Il est certain que les lignes ont bougé, l’économie nationale ayant enregistré une croissance moyenne de 4,7% par an au cours des cinq dernières années (2010-2014).                                                   

Toutefois, ces chiffres, certes en progression, ne sont pas flamboyants, au regard de notre énorme potentiel et de l’ampleur des défis à relever. En clair, nos taux de croissance sont insuffisants pour faire diminuer significativement le nombre de pauvres. Les premiers résultats de la quatrième enquête camerounaise auprès des ménages, publiés par l’Institut national de la statistique (Ins), sont interpellateurs. En effet, si l’étude montre que l’incidence de la pauvreté se situe à 37,5% en 2014, contre 39,% en 2007, elle relève par ailleurs que cette baisse est mitigée, car si l’incidence de la pauvreté recule en milieu urbain, elle augmente plutôt en milieu rural. Bien plus, l’enquête révèle qu’en même temps et du fait de la pression démographique, le nombre de pauvres a augmenté au Cameroun, passant d’environ 7,1 millions en 2007 à 8,1 millions en 2014. En outre, les disparités de niveaux de vie se sont accentuées, d’une part, entre les milieux urbain et rural, et, d’autre part, entre les pauvres et les non-pauvres. A titre d’illustration, en 2014, les 20% des ménages les plus riches ont consommé 10,1 fois plus que les 20% les plus pauvres, alors que ce ratio était déjà élevé et se situait à 7,5 en 2007. Dans une ville comme Yaoundé, les bidonvilles n’ont guère disparu et l’habitat spontané et insalubre se reproduit dans plusieurs nouveaux quartiers. La face hideuse de Mokolo-Elobi, Tsinga-Elobi, Elig-Edzoa, Mvog-Ada, Etam-Bafia, Briqueterie, etc. nous rappele l’effort à consentir pour soulager les laissés-pour-compte de la croissance.                                                           

C’est dire qu’au-delà du taux de croissance en légère hausse, deux tendances se dégagent : l’augmentation du nombre de pauvres et l’aggravation des inégalités sociales. Pour y faire face à court terme, deux  batailles doivent impérativement être menées de paire : l’une visant l’accélération de la croissance et l’autre destinée à réduire les inégalités sociales.                                                       

En ce qui concerne le premier chantier, on peut noter que le Plan d’urgence triennal pour l’accélération de la croissance économique, lancé en décembre 2014, ne tourne pas à plein régime. De plus, tous les leviers n’ont pas encore été actionnés dans le cadre de la relance de la croissance. Le président Paul Biya ne déclarait-il pas dans son message de fin d’année 2014, qu’il y a « la résistance aux réformes structurelles qui entrave nos efforts pour relancer la croissance » ? De toutes les façons, la bataille pour une croissance plus forte, nettement au-dessus de 7% l’an, doit absolument être gagnée. Le Pib correspondant aux richesses créées (chaque année ou chaque trimestre) sur le territoire national, plus la croissance économique est élevée, plus un pays est riche. Et même si l’argent ne fait pas le bonheur, les économistes soutiennent que  l’accroissement du Pib a des conséquences appréciables. Car les richesses à distribuer sont plus élevées, ce qui permet d’accroître les rémunérations. Toutes choses étant égales par ailleurs,  produire plus de richesses nécessite plus de personnes. Une croissance élevée favorise donc un accroissement de l’emploi et une baisse du taux de chômage. Au total, la croissance possède cette caractéristique essentielle de s’accompagner à la fois d’une hausse des rémunérations et d’une baisse du taux de chômage. Lorsque le gâteau est plus gros, les parts peuvent être plus grosses et plus nombreuses. Si le gâteau rétrécit, les parts seront moins nombreuses et/ou plus petites. Voilà pourquoi la croissance économique est l’objet de tant d’attention.                                                                                                                          

Le deuxième grand chantier est logiquement celui d’une croissance inclusive et partagée. A cet égard, il faut multiplier les filets de protection sociale non seulement pour venir en aide aux plus démunis, mais aussi, comme le suggère l’Ins, « pour atténuer les tensions liées au sentiment d’exclusion sociale que certains sans-emplois pourraient nourrir dans le désespoir du chômage de longue durée ». Portés par notre rêve de grandeur, soyons aussi passionnés dans l’exécution de ces chantiers, car comme l’a dit Friedrich Hegel, « rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion ».