Opinions of Tuesday, 19 April 2016

Auteur: Dupleix Kuenzob

Où sont passés les jeunes ?

Le 20 juin 1987, dans son discours à l’Assemblée Nationale, Monsieur Paul Biya déjà à sa 5e année comme Président de la République reconnaissait fort éloquemment que : « La retraite n’est pas une sanction, c’est l’aboutissement normal d’une carrière passée au service de l’État; elle correspond à une aspiration légitime au repos.»

Depuis lors, les temps ont passé et ont même changé. La population a augmenté. Elle s’est rajeunie. Les enfants et les jeunes (les moins de 35 ans) représentent 79,28% de la population totale contre 3,32% pour les personnes âgées soit 65 ans et plus.

Le Président lui-même, octogénaire est encore en fonction et rappelle que "Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut". Avait-il dit en réponse à un journaliste. Evoquait-il par là une question de rapport de force ?

Les attitudes de certains hauts commis de l’Etat qui refusent de libérer leur bureau et de faire valoir leur droit à la retraite ne sont-elles pas les prolongements voire une interprétation à la lettre ou une pâle copie pratique de cette réponse ? Nous dirions alors plus généralement que "ne reste pas en fonction ou à son poste qui veut, mais qui peut".

Le "coup de balai" du Ministre des finances en Mars 2016, même si cela peut paraitre un épiphénomène ou une goutte d’eau dans la mer, mérite d’être salué notamment par les jeunes qui peuvent au moins de ce côté-là aspirer à accéder à des postes de décision.

Malheureusement, cet acte est resté un nom événement pour une population dite essentiellement jeune. Où sont passés les jeunes ? La jeunesse a-t-elle perdu le sens du discernement pour ne pas reconnaitre ce qui est bon pour elle ? Pourtant, c’est en félicitant ce genre d’initiative que l’on encourage les travailleurs dans leur labeur.

A ce titre, le Ministre des enseignements secondaires et le Ministre des finances ont montré leur sympathie pour la jeunesse, leur désir pour l’éclosion d’une nouvelle et jeune génération de décideurs, à l’effet de rechercher la performance. Car l’usure du pouvoir est un puissant facteur de réduction des résultats et du rendement.

Aussi, la longévité à une position est le ferment et le levain de la création des réseaux maffieux. Alors que l’alternance est source de changement fut-il infime, puisque tout nouveau venu a pour ambition légitime de marquer son temps. C’est la raison pour laquelle il est bon de vivre en permanence l’alternance, ce qui permet de donner la possibilité aux autres personnes voire générations de faire valoir leurs compétences.

Alpha Oumar konaré, ex Président de la commission de l’UA affirmait qu' "on ne peut pas vivre notre jeunesse et vivre aussi la jeunesse de nos enfants à leur place". Cela est malheureusement le cas au Cameroun. Les jeunes vont à la retraite alors que leurs grands-pères sont encore en activité. Parfois à la même place ou ils ont fait ces enfants.

Faut-ils les chasser à coups de fouet ? Il faut craindre que le spectacle entendu du côté du Minfi ne se réédite ailleurs et dans le temps. Pour se faire, les jeunes devraient se montrer intéressés par l’acte posé par les deux ministres et encourager les autres membres du gouvernement, les directeurs des entreprises publiques et parapubliques dans ces voies. L’alternance viendra de ce côté et de cette manière-là. A savoir montrer de quelle nature sont les bonnes actions attendues par la plus grande portion de la population.

Les PARTIS POLITIQUES DE L’ALTERNATIVE devraient eux aussi reconnaitre ces avancées et aider l’administration et notamment ceux qui travaillent dans le sens de l’intérêt général et faire des alliances stratégiques avec eux (à travers des déclarations de soutiens à leurs actions) quitte à ce que ceux-là deviennent indésirables dans leur propre camp pour que le peuple se rende compte des éventuelles supercheries des gouvernants.

La politique c’est une question de rapports de force. Ne dit-on pas que la voix du peuple c’est la voix de Dieu ? Si les uns et les autres ont longtemps cru que le vote ne sert à rien puisqu’il serait truqué, l’expression massive et publique des jeunes en faveur d’une cause noble comme celle de faire partir les résistants à la retraite est une occasion idoine pour les jeunes de sortir en rangs groupés indépendamment des chapelles politiques et des appartenances tribales pour dire que ‘‘Nous voici, nous avons du répondant. Essayez-nous et vous verrez si le Cameroun va tomber’’.

Fondé sur cette aspiration à voir les personnes atteintes par l’âge de la retraite à assumer leur maturité, nous avons la faiblesse d’inviter la jeunesse à se lever pour réclamer la mise à la retraite de toutes ces personnes qui ont peur d’être servies puisqu’elles auraient passé le temps à se servir. Cette peur de quitter les avantages acquis se manifeste aussi bien dans le milieu professionnel qu’en politique.

Pourquoi des gens qui ont longtemps travaillé à servir le pays ont-ils si peur de quitter les affaires ? Est-ce un aveu d’avoir travaillé contre les intérêts du peuple ? Est-ce la peur de voir ses offenses se retourner contre soi ? Nous ne pouvons être naïfs de croire que c’est par amour pour le pays que l’on s’accroche à son poste. Peut-on imaginer des joueurs de football ou de handball refuser de quitter le stade à la fin des 90 minutes de jeu sous prétexte qu’ils ne sont pas encore fatigués ?


C’est pour rassurer ces acteurs politiques et surtout ramener les jeunes dans la politique que nous avons lancé la campagne pour le changement du lexique des relations partisanes au Cameroun en demandant de partir du mot partis politique de l’opposition à partis politique de l’alternative. Un tel chantier appelle l’implication et l’engagement déterminés de la jeunesse sans laquelle, c’est plus des deux tiers de la population camerounaise qui sont ignorantes des ressorts du changement.

Pour ne pas perpétuer les risques de refus de se retirer de la scène, il importerait que les textes de loi et réglementaires soient plus exigeants en matière de limite d’âge d’exercice et que la loi fondamentale du pays, au-delà de la limitation des mandats électifs, limite aussi l’âge maximum pour être candidat aux hautes fonctions de la République.

Quant aux fonctionnaires, à partir d’un certain âge proche de la retraite, il conviendrait impérativement de leur affecter des jeunes pour la prise progressivement de la relève.

Un tel état de préparation psychologique et même spirituelle les amènerait à avoir à l’esprit que si ‘‘partir c’est mourir un peu’’, ils auraient au moins le mérite et la satisfaction d’avoir transmis le savoir et les compétences qui leur font s’accrocher au poste à la génération inférieure.