Félix Onana Etoundi qui dirigeait l’Ecole régionale supérieure de la magistrature jusqu’en juin 2016 est accusé de mauvaise gestion. Son avocat dénonce « un règlement de compte ».
L’affaire secoue l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), une institution panafricaine de normalisation juridique qui regroupe 17 Etats du continent. Au centre du différend qui oppose les dirigeants de cet organe, se trouve le cas du magistrat camerounais Félix Onana Etoundi, ancien directeur général de l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (Ersuma), l’une des structures de l’Ohada.
Janvier 2016, le secrétaire permanent de l’Ohada demande au cabinet Price-Waterhouse- Coopers (Pwc) de faire un audit des différentes institutions de l’Ohada dont l’Ersuma basée à Porto Novo au Bénin. La période d’audit couvrait 2010 à 2014. Le cabinet Pwc a la particularité d’avoir assuré la gestion financière et comptable de l’Ohada au cours de l’exercice 2015, suite au départ du directeur financier et comptable d’alors arrivé en fin de contrat.
Lorsque Pwc débarque à Porto Novo pour démarrer sa mission à l’Ersuma, le directeur général, Félix Onana Etoundi récuse ce cabinet. Motif pris de ce que Pwc ne peut être juge et partie. Félix Onana Etoundi estime que Pwc ayant établi et défendu les états financiers de l’Ohada devant le Conseil des ministres au titre de l’exercice 2014, le même cabinet ne saurait procéder à l’audit des documents qu’il a élaborés lui-même. La demande en récusation pour violation des principes fondamentaux du code de déontologie des professionnels comptables n’a pas été examinée.
Le 25 avril 2016, Pwc rend son rapport au secrétaire permanent de l’Ohada. Le rapport d’audit impute à Félix Onana Etoundi des dysfonctionnements dans la gestion de l’Ersuma. Une procédure disciplinaire est engagée contre le Dg de l’Ersuma lors du Conseil des ministres de l’Ohada qui s’est tenu les 16 et 17 juin 2016. 12 jours plus tard, le 29 juin 2016, le conseil de discipline qu’a présidé le président du Conseil des ministres, le congolais (Brazzaville) Pierre Mabiala rend son verdict. Il est reproché au Dg de l’Ersuma d’avoir « engagé l’institution au plan financier sans avoir reçu l’autorisation écrite du secrétaire permanent ni rendu compte à celui-ci par écrit des accords de financement signés. Il n’a pas davantage transmis copie de ces accords au secrétaire permanent. Ces comportements sont des fautes qui entament l’éthique et la déontologie de l’Ohada», lit-on.
Félix Onana Etoundi est également accusé d’insubordination et de malversations. Toutefois, la décision du Conseil de discipline n’impute à Félix Onana Etoundi aucun montant de malversations encore moins le mode opératoire. Suite à la procédure intentée contre lui, le Conseil des ministres a décidé de mettre « fin aux fonctions de directeur général de Félix Onana Etoundi ».
Niveau de sanction
Suite à cette « révocation inique », des recours ont été exercés devant les instances compétentes auprès desquelles les conseils de Félix Onana Etoundi, dont Me Eugene Balemaken, comptent faire valoir les vices de forme qui ont entaché cette procédure. « Alors qu’il attendait que le Conseil des ministres se prononce sur la récusation du cabinet pour cause de suspicion légitime, Félix Onana Etoundi a été surpris au Conseil des ministres par un rapport définitif de l’audit que le président du Conseil des ministres a distribué séance tenante aux membres du Conseil, alors même que ce point n’était pas inscrit à l’ordre du jour.
Malgré les fortes réserves du ministre délégué auprès du ministre des Finances chargé du Budget du Cameroun et des ministres centrafricains et congolais (Kinshasa) qui se sont opposés à la violation des procédures s’agissant d’un dossier qui n’était pas inscrit à l’ordre du jour, le Conseil des ministres a malgré tout examiné le dossier », dénonce Me Balemaken.
Fort des dispositions de l’article 10.5 du statut du personnel de l’Ohada, l’avocat de Félix Onana Etoundi précise que le « conseil de discipline a pour rôle de donner un avis consultatif à l’autorité disciplinaire chargée des poursuites et de la sanction, c'est-à-dire au président en exercice du Conseil des ministres. Or dans le cas d’espèces, non seulement le conseil de discipline a été présidé par le président du Conseil des ministres mais aussi le conseil de discipline s’est autorisé de prononcer directement la sanction au lieu du simple avis qu’il était appelé à donner ».
Au surplus, d’après les textes de l’Ohada, deux niveaux de sanctions sont appliquées au personnel de l’institution. Le premier degré comprend : l’avertissement écrit, le blâme et la mise à pied d’une durée de huit jours. Dans le second degré on retrouve : l’ajournement dans l’avancement, la suspension et le licenciement.
« Aucune de ces sanctions n’a été infligée à Félix Onana Etoundi », martèle son avocat. Sur le fond, la défense de Félix Onana Etoundi relève s’agissant de l’insubordination que ce motif n’est pas caractérisé dans la décision. En d’autres termes, le Conseil de discipline de l’Ohada ne dit pas en quoi, comment et à l’égard de qui le Dg de l’Ersuma s’est rendu coupable d’insubordination.
Conseil d’administration
S’agissant de l’accusation selon laquelle il a engagé l’Ersuma en matière financière sans l’autorisation du secrétaire permanent de l’Ohada, l’avocat de Félix Onana Etoundi se reporte à l’article 12 du statut de l’Ersuma. « Le directeur général contribue à la mobilisation des ressources nécessaires aux activités de l’Ersuma et rend compte au conseil d’administration », énonce le texte.