Opinions of Thursday, 22 March 2018

Auteur: Zéphirin Koloko

Opération Épervier: où en est-on 12 ans après?

Lancée en 2006 face, elle est loin d’atteindre les objectifs escomptés Lancée en 2006 face, elle est loin d’atteindre les objectifs escomptés

Aujourd’hui, on est déjà en train d’agiter le spectre des arrestations de nombreuses arrestations de personnalités : Jean William Sollo, Bruno Bekolo Ebe… Des interdictions de quitter le territoire national ont même été signées à l’endroit de quelques-unes : Louis Max Ayina Ohandja, Nkotto Emane, Atangana Kouna, même si ce dernier semble s’être évaporé. Nombreuses sont les personnalités arrêtées dans le cadre de l’opération Épervier qui écopent des peines les plus lourdes dans nos prisons. Parmi elles, des anciens dirigeants d’entreprises publiques et des hommes politiques de haut rang tels que Jean Marie Atangana Mebara, ancien secrétaire général à la présidence de République, Ephraim Inoni, ancien premier ministre, Marafa Hamidou Yaya, ancien Sgpr et bien d’autres.

Alors que l’opinion publique se pose encore des questions sur le bien-fondé de ces arrestations, voilà qu’on apprend que Jean William Sollo, ancien Directeur général de la Camwater et Bekolo Ebe, ancien recteur de l’Université de Douala, sont actuellement en train d’être cuisinés par les fins limiers du Tribunal criminel spécial (Tcs) pour détournement des derniers publics. À Yaoundé, ce tribunal n’est pas réputé pour sa clémence. La psychose se répand et certains anciens gestionnaires de la fortune publique vivent dans la hantise d’être embastillés un jour ou l’autre.

L’opération Épervier gagne en âge, des personnalités sont de plus en plus accusées de détournements de derniers publics et personne n’est inquiété, en témoignent les rapports de la Commission nationale anti-corruption (Conac), de la chambre des comptes et des organisations non gouvernementales sur l’état de la corruption dans notre pays. Pourtant, il y a 12 ans que le président Biya affirmait lui-même sa détermination à faire rendre gorge aux fossoyeurs de la fortune publique qu’il a qualifiés de « bandits à cols blancs ». Nonobstant l’arsenal créé à cet effet, le pays reste sur sa faim en termes de résultats probants.

Face à cette croisade, il y a une réalité à la camerounaise qui veut que les détourneurs de deniers publics soient plutôt protégés. Ainsi, la Conac a été sommée de ne plus citer nommément dans son rapport ceux qui portent atteinte à la fortune publique. Les rapports de la chambre des comptes sont restés lettre morte depuis sa création. Le Consupe n’a pas jamais publié de rapport depuis le départ d’Eyebe Ayissi. A l’Anif, la dénonciation de la corruption est devenue un sujet tabou qui mérite la loi du silence. Mais à quel timing obéit les arrestations ?

Faut-il y voir des motivations politiques ? A quoi bon exposer certaines personnalités à la honte et à l’humiliation, tout en offrant une protection à ceux que le pouvoir ne veut pas voir inquiéter ? Paul Biya est un habitué de la diversion, surtout à la veille des élections présidentielles. C’est dans cette foulée qu’il préfère annoncer sa candidature. Sinon comment comprendre ces gesticulations qui n’apportent absolument rien dans le quotidien des camerounais ? Pourquoi maintenant ? Y-a-il vraiment une réelle volonté politique de lutter contre la corruption ?

Dilatoire

La constitution camerounaise stipule en son article 66(al.1) que : « le président de la république, le premier ministre, les membres du gouvernement et assimilés, le président et les membres du bureau de l’assemblée nationale et les membres du bureau du Sénat… les Dg des administrations publiques et parapubliques, les magistrats… doivent faire une déclaration de leurs biens et avoirs au début de leur fonction ».Mais il se trouve que cet article n’a jamais été mis en application camer.be. Même le projet d’article 134 (al 8) du code pénal nouvellement promulgué qui visait la lutte contre les auteurs des fraudes et d’enrichissement illicite, a été malheureusement rayé du corpus du code pénal en adoption. En voici d’ailleurs la teneur : « est punie d’un emprisonnement de un (01) à cinq(05) ans et d’une amende de 200 000 à 2millions de francs ou de l’une de ces deux peine, toute personne qui, assujettie à l’obligation de déclaration des biens et avoirs, s’en abstient ou fait une déclaration fausse ». Peut-on vouloir une chose et son contraire ?

On a un système judiciaire qui n’est ni privatif, ni persuasif, ni dissuasif ou encore moins équitable. Comment passer le temps à punir alors que rien n’est fait pour prévenir l’accès à la fortune publique ? En 2014, alors que Laurent Esso installait la procureure générale près le Tcs, Ngounou Tchokontieu, il nous apprenait que le Tcs, entré en scène depuis 2012, avait à peine rapporté 2 milliards de frs cfa. Aujourd’hui, est-on guère mieux situé ?