Le départ d’Emmanuel Nganou Djoumessi du ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, loin de surprendre, vient plutôt corroborer ce qu’une certaine opinion pensait déjà de lui.
À savoir qu’il s’est occupé de tout sauf de ce pourquoi il a été nommé. En avait-il seulement le confort intellectuel quand on sait que six mois après son installation, les milieux économiques soupçonnaient déjà un déficit de compétence à la tête du ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat).
Arrivé en décembre 2011, l’ancien infirmier d’Ayos a rarement été au diapason des importants dossiers économiques dont il avait à traiter.
Les anecdotes d’un Nganou Djoumessi contemplant le plafond ou confessant de sa petite voix guillerette « je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire mon collègue du ministère des Finances » lors des réunions avec le Fmi ne sont pas de celles qui grandissent le Cameroun.
A son insu, le blanc de Mbouda était devenu la risée des représentants des institutions de Bretton Woods. « Monsieur, je n’ai rien à ajouter », c’est ainsi qu’ils le désignaient en petit comité. Parfois en présence des cadres du Minepat qui alors étaient morts de honte.
Erreur de casting. Quand le président de la République annonce, le 9 décembre 2014, au cours d’un conseil des ministres, la mise en place d’un plan de développement sur 3 ans (plan d’urgence) dans le but d’accélérer la croissance et d’améliorer le niveau de vie des populations camerounaises, il pense que le ministre de l’Économie d’alors en sera un maître d’œuvre qualifié.
Erreur ! L’ancien secrétaire général adjoint des services du Premier ministre, jusqu’à son départ du Minepat le 02 octobre, a laissé l’impression de quelqu’un qui ne savait même pas ce que c’est le plan d’urgence.
Certains observateurs avertis en sont même venus à dire que le chef de l’État a été mal inspiré de bombarder Nganou Djoumessi au Minepat. Pour eux, le blanc de Mbouda subissait le poste plutôt qu’il ne le dominait. Fin de compte, Paul Biya a rectifié son erreur de casting en remettant les rênes du Minepat à un homme qui, selon certains commentateurs, en a dans la tête.
Nouveau souffle.
Louis Paul Motaze le nouveau Minepat est perçu comme l’artisan du redressement économique que se doit d’opérer le Cameroun. Justement la volonté présidentielle de remettre l’économie nationale dans le sens de la marche, se lit aussi dans la nomination de Séraphin Magloire Fouda, un économiste de bonne réputation, à la tête du secrétariat général des services du Pm.
L’ancien doyen de la faculté des sciences économiques de Yaoundé II, qui du reste est secrétaire général adjoint n°2 de la présidence de la République, était considéré comme l’éminence grise du chef de l’État sur les questions économiques. Très souvent, il est apparu aux côtés du président lors des audiences au palais avec les investisseurs étrangers qui frappent à la porte du Cameroun.
En envoyant ainsi l’agrégé d’économie à l’Immeuble étoile, Paul Biya aura, à l’observation, sorti le grand jeu. Il était temps ! De la coordination des études d’aménagement du territoire, au suivi des questions de population, en passant par le contrôle des projets d’infrastructures sportives en vue des Can de football féminin et masculin, respectivement en 2016 et en 2019, les chantiers sous l’ancien Minepat battaient de l’aile. Pis, Nganou Djoumessi était à bout de souffle.
Rassurer les Camerounais.
Le 31 décembre 2015, Paul Biya devra faire une première évaluation annuelle du plan d’urgence. Du coup, il est permis de penser qu’il fallait au chef de l’État du concret pour rassurer ses compatriotes, que le désenchantement gagne de plus en plus.
Bon à savoir, le plan d’urgence (d’un montant de 925 milliards à investir sur 3 ans dans 7 secteurs déterminés), vise à identifier des actions qui contribuent à lever, dans un bref délai, les goulots d’étranglements observés par-ci par-là. Dans le même temps, il faut renforcer l’efficacité des autres mesures de politique économique en cours.
Plus spécifiquement, le plan vise : le relèvement à court terme du taux de croissance de l’économie au dessus de 6 % à partir de 2014 à travers notamment l’amélioration du taux d’exécution du budget d’investissement public (Bip) en 2014 (à un niveau supérieur à 90%), l’amélioration du pourcentage des projets matures inscrits dans le budget (100%) et l’accélération du processus de signature et de mise en vigueur des accords de prêts ou de dons, l’accroissement des offres d’emplois décents en faveur des jeunes.
Motaze corrige Nganou Djoumessi
Invité du journal de 13 heures, lundi dernier, sur les antennes du poste national de la Cameroon Radio and Television (Crtv), Louis Paul Motaze a reconnu qu’il faut revoir la politique des grands projets au Cameroun. Le nouveau Minepat a dénoncé, sans mettre de gants, la multiplication des projets infructueux au Cameroun:
«Le premier constat qu’on peut faire, c’est que nous avons une floraison de projets et il faut se demander combien marchent… J’ai eu à faire cette réflexion au cours d’une rencontre avec les membres du gouvernement pour définir ce que c’est qu’un projet.
Sert-il à quelque chose d’avoir un projet tout simplement parce qu’on a l’appui d’un bailleur de fonds et puis quand on lance, on se rend compte que les frais d’indemnisation ne sont pas là, le décret d’expropriation n’est même pas là, et du coup, on a mille projets comme ça et seulement un, deux ou trois marchent ?», s’est-il interrogé. Et de renchérir sur les mêmes antennes : «Moi, je préfèrerais une situation où on a dix projets et les dix marchent au lieu d’en avoir plusieurs et ça ne marche pas». Nganou Djoumessi a dû se sentir visé par ces critiques pertinentes.
Dans la même lancée, l’ancien directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) soutient qu’une réflexion doit être menée dans ce sens avec les autres membres du gouvernement et le Premier ministre, si on veut assurer l’efficacité des projets gouvernementaux au Cameroun.
Il souligne qu’« un débat est très important parce que lorsque le chef de l’État lance un certain nombre de projets, il faut savoir que la bonne réalisation de ceux-ci, surtout s’ils se réalisent en même temps, les effets positifs ne s’additionnent pas. Ils se multiplient.
Il y a un effet multiplicateur. Donc, il faut vraiment s’assurer que toutes les conditions sont réunies pour qu’on dise qu’un projet existe. Et comme je le disais sur ce premier point, il faut se concentrer sur un certain nombre de choses et Dieu seul sait s’il y en a.
Si vous voyez ce que veut faire le chef de l’État pour le plan d’urgence, si vous voyez ce qu’il veut faire pour la CAN, je vous assure, si on réalise seulement cela en y ajoutant d’autres projets comme des projets autoroutiers, des projets miniers comme le fer de Mbalam, les barrages hydroélectriques, on transforme radicalement le paysage du Cameroun.»
À la fin, Louis Paul Motaze propose de mener les réformes structurelles contenues dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (Dsce) dont on lui attribue la paternité intellectuelle.
Panique dans les réseaux Nganou
Ceux qui ont accompagné Nganou Djoumessi dans sa déprédation de la fortune publique doivent être aux abois depuis le 02 octobre. Le départ de leur parrain mettra forcément en lumière la forêt des concussions et de l’enrichissement illicite qui avaient cours au Minepat. Ce n’est plus un secret que la propension à l’accumulation des richesses a fait de l’ancien Minepat, un homme totalement déconnecté.
En effet, en très peu de temps, le sieur Nganou Djoumessi s’est bâti discrètement une colossale fortune domaniale. En un laps de temps très cours, l’ancien préfet de la Menoua (région de l’Ouest), ajoutent ses détracteurs, a installé autour de lui un puissant réseau de détournements et de corruption, transformant ainsi le ministère dont il avait la charge en cimetière de dossiers.
D’après des témoignages concordants, pour faire avancer leurs dossiers, les usagers et autres partenaires du Minepat étaient obligés de délier les cordons de la bourse. Il se susurre même dans les couloirs de l’Immeuble rose que les marchés les plus juteux de ce département ministériel étaient généralement attribués aux proches parents et affidés du ministre.
Dans l’une de nos éditions, nous rapportions déjà comment, grâce aux poches de corruption qu’il a érigées à tous les étages, Emmanuel Nganou Djoumessi était devenu immensément riche en quelques années seulement passés à la tête du Mineapt. On lui attribuait alors, aux noms des tiers, des immeubles et de nombreux comptes bancaires au Cameroun et surtout à l’étranger.
On comprend que le retour de Louis Paul Motaze au Minepat sème la panique parmi ceux qui pillaient avec l’ancien maître des lieux. Du coup, il est à craindre que les orphelins de Nganou Djoumessi créent des blocages autour de l’action du nouveau (ancien) Minepat. Lui qui, à peine nommé, n’a pas manqué de soutenir qu’il connaît la maison.
« Là où j’étais comme secrétaire général des services du Premier ministre, je sais heureusement aussi quelles sont les attentes, quels sont les défis. Avec les attentes du chef de l’État, on peut commencer à mener des réflexions avec nos collaborateurs», a-t-il indiqué à la presse. C’est tout dire.