La république des crapules. Le sulfureux Parfait Mbapou, cerveau présumé d’une affaire d’escroquerie en bande organisée a donc été libéré de prison le 20 septembre dernier ainsi que ses comparses.
L’enquête préliminaire menée par la gendarmerie avait permis d’avoir quelques détails croustillants de cette affaire hors norme. Mbapou et consorts, expliquait le colonel Jean Alain Ndongo, avaient mis en place une véritable machine à escroquer de nombreuses personnalités en se servant, pas moins que du nom du contre-amiral Joseph Fouda, conseiller spécial du président de la République, qui fut aussi pendant longtemps l’aide de camp de Paul Biya. Bilan des opérations: plusieurs centaines de millions extorqués avec un mode opératoire digne de la mafia.
Malgré la gravité des faits, le tribunal militaire, sans autre forme de procès, a décidé de libérer tous les mis en cause. Circulez, il n’y a rien à voir !
L’affaire paraît tellement invraisemblable que personne n’y aurait accordé le moindre crédit si elle n’avait pas été racontée face caméra par le colonel en charge de l’enquête et si des conversations téléphoniques n’avaient pas fuité.
Dis-moi qui tu fréquentes…
De quoi l’affaire Parfait Mbapou / contre-amiral Joseph Fouda est-elle le nom ? D’une société malade, gangrénée par la corruption, le vol, les passe-droits, le chantage, les détournements de fonds publics, les raccourcis, la brutalité et le vice. A peu près toute notre élite semble souillée et il n’y en a pas une pour sauver les autres.
Sinon, par quelle alchimie un gusse, notoirement connu pour être un escroc doublé d’un maître chanteur a-t-il pu devenir un intime de pratiquement toute la hiérarchie sécuritaire du Cameroun et de très hautes personnalités de la République en commençant par le Saint des saints : la présidence de la République ?
De deux choses l’une : soit c’est que nous accordons à ces personnalités plus de crédit qu’elles n’en ont intrinsèquement et qu’en réalité elles sont d’une extraordinaire insignifiance ; soit ce sont des complices décomplexés ou assumés du sieur Mbapou dans l’escroquerie et les chantages de toutes sortes. Car, c’est connu : on ne compagnonne généralement qu’avec ses semblables. Dites-moi qui vous fréquentez et je vous dirai qui vous êtes…
La guerre des gangs…
Mais en réalité, à défaut d’être une victime, Mbapou est au moins un simple pion, un homme lige, un apache, un peu comme ces nombreux riens aux mains de hautes personnalités corrompues, qui les utilisent pour toutes sortes de basses besognes. Il n’est en réalité que la face visible de la déliquescence de l’Etat du Cameroun désormais livré aux mains de gangs rivaux. La pègre règne. Ils pillent à tout va. Ils sont insatiables.
Le Cameroun de Paul Biya a cessé depuis longtemps d’être un pays normal. Dans un pays normal, toute personne qui veut un agrément pour l’importation de n’importe quelle marchandise ou un titre foncier pour son terrain s’adresse à l’administration concernée et suit la procédure. Sans qu’il y’ait besoin du piston intéressé de quelque conseiller spécial, fût-il du président de la République.
Dans un pays normal, tout citoyen qui veut rencontrer un ministre de la République n’a pas besoin des services monnayés d’un bonimenteur. Un homme d’affaires peut dédouaner sa marchandise au port sans avoir à graisser la patte de la cousine ou de la nièce de… On est nommé ministre, directeur général ou haut fonctionnaire pour ses compétences, son éthique et non sur la base des juteux pots-de-vin payés à la coterie. C’est ça le pays normal que le Cameroun a cessé d’être, laissant le champ libre aux forbans.
La pourriture n’est plus supportable…
Combien sont-ils, ces Camerounais qui ont été escroqués par ce gang ? Combien sont-ils qui ont craché au bassinet après avoir subi un odieux chantage sur la foi de fausses accusations de financement du terrorisme ou de toute autre incrimination kafkaïenne ? On ne le saura peut-être jamais. L’institution judiciaire dans cette affaire semble avoir capitulé. Et pour cause. Ceux qui ont rencontré Parfait Mbapou depuis sa sortie de prison décrivent un homme d’une sérénité troublante malgré la gravité des faits qui l’accablent. Il semble sûr de son fait. Comme s’il tenait vigoureusement son petit monde par les burnes. « Si je tombe vous tombez ». Une tactique éprouvée de la mafia.
Une chose est sûre ; la pourriture a atteint le seuil du supportable. Le Cameroun a grand besoin de faire sa toilette intime. Il faut nettoyer les écuries d’Augias, semblent crier le peuple. Qui pour faire ce job de salubrité publique ? Certainement pas Paul Biya, aujourd’hui âgé de 92 ans, épuisé par le poids des ans et débordé. La puanteur est désormais devant sa propre porte.
Y a-t-il là-dedans au moins un qui ne soit pas souillé ou touché par la gangrène ? Il faut l’espérer. 2025 semble bien loin. D’ici là, il risque de ne plus rester grand-chose de notre patrimoine commun : le Cameroun.