Opinions of Monday, 15 February 2016

Auteur: Aboudi Ottou

Paul Biya, le président candidat

Le chef de l’Etat camerounais affirmait début juillet 2015 que «l’élection présidentielle est certaine mais lointaine». Lui et les siens se comportent pourtant comme en année électorale.

#PaulBiya Depuis le début de l’année, Paul Biya ne tarie pas d’annonces. Il en a encore fait à l’occasion de son traditionnel discours à la jeunesse le 10 février dernier: «je viens de prescrire le lancement d’un plan triennal «Spécial Jeunes», doté d’une enveloppe globale de 102 milliards de francs CFA. Ce plan devra faciliter et accélérer l’insertion économique de notre jeunesse.» Mais l’affaire a tout l’air d’une annonce de campagne tant elle est imprécise. D’où viendront les 102 milliards de francs CFA? A quoi servira exactement cet argent?

Qui en aura la charge? Et quand débutera précisément le plan? Même le quatuor de ministres (donc le ministre du Travail et de la Sécurité sociale et celui des PME, de l’Economie sociale et de l’artisanat) qui s’est fait le devoir de commenter ce discours sur le plateau de la chaine de télévision Canal 2 International n’a pas pu donner plus de précisions sur ces questions. Par son imprécision, cette déclaration ressemble à une autre, faite le 10 février 2010, soit moins d’un an avant la présidentielle d’octobre 2011.

«Je saisis cette occasion pour vous dire que j’envisage de mettre à l’étude la création d’une École supérieure de formation au football qui, en liaison avec le ministère des Sports et de l’Education physique et le ministère de la Jeunesse ainsi qu’avec la Fédération et les Académies existantes, aura pour mission d’encadrer et de perfectionner les jeunes qui manifesteront des dispositions exceptionnelles pour notre «sportroi »».

L’annonce avait fait mouche. Mais on n’en a plus entendu parler jusqu’à nos jours. Au cours de cette adresse à la jeunesse, Paul Biya du haut de ses 84 ans, s’est aussi donné du mal à gommer la distance qui le sépare du reste de la population, dont la moyenne d’âge est d’une vingtaine d’années seulement. Il s’est ainsi employé à convaincre de sa proximité avec les jeunes et de sa maîtrise de leurs problèmes.

Aussi, a-t-on attendu le président utiliser des expressions comme «génération androïde», saluer ses jeunes compatriotes «qui se sont illustrés ces derniers temps par des innovations d’une grande valeur» ou encore blâmer ces jeunes qui «s’intègrent dans la fonction publique seulement en quête d’un matricule».

Cadeaux

Cette volonté de séduire, on l’avait déjà sentie lors de son message à la nation le 31 décembre dernier. Paul Biya s’était alors chargé lui-même d’annoncer les bonnes nouvelles : «Le souci qui m’anime demeure la promotion de la qualité de la vie dans notre société. Je sais que cela doit passer par une amélioration du pouvoir d’achat de nos populations. Malgré la conjoncture difficile actuelle, j’ai prescrit au gouvernement deux mesures significatives: revoir à la baisse les prix du carburant à la pompe et revoir à la hausse le montant des allocations familiales versées aux travailleurs.

Ces mesures prendront effet dès le 1er janvier 2016.», avait-il déclaré. A la suite, le prix du super avait baissé de 20 francs CFA et celui du gasoil de 25 FCFA. Les allocations familiales avaient augmenté de 1000 francs CFA par mois et par enfant. Pour l’économiste Dieudonné Essomba, au regard de leurs faibles impacts sur le pouvoir d’achat, ces mesures n’ont eu pour seul intérêt que «d’augmenter l’attractivité du discours présidentiel» et «de réchauffer la confiance des Camerounais, de plus en plus déçus, faute de résultats palpables».

Trois semaines plus tard, on apprenait des responsables du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation que «le président de la République a débloquer quatre milliards de francs CFA pour l’achat de 177 automobiles pour le compte des gouverneurs, préfets et sous-préfets». Ce jourlà, chaque gouverneur repartait avec une Peugeot 508 dernier cri et une Toyota Land Cruiser V8.

On avait déjà observé de telles attentions à la veille de la présidentielle de 2011. Le quotidien Mutations (édition du 22 janvier 2016) citant des sources dans le sérail apprend même que, «Après les autorités administratives, la sollicitude du chef de l’Etat va s’étendre aux magistrats. En réalité, tous les acteurs impliqués dans le processus électoral prochain sont en train d’être désintéressés de manière progressive par la très haute hiérarchie ».
Cache-cache

Début juillet, lors de la visite de François Hollande au Cameroun, Paul Biya affirmait pourtant que «les élections présidentielles camerounaises de 2018 sont certaines mais encore lointaines. Nous avons le temps de réfléchir et le moment venu, les Camerounais et les amis français et du monde sauront si je suis candidat ou si je prends ma retraite. »