Opinions of Thursday, 28 January 2016

Auteur: David Serge BEHEL

Paul Biya, le président qui veut et qui peut en 2018 !

Avec toutes les cartes battues et rebattues, Paul Biya devrait être candidat à sa propre succession en 2018 au Cameroun. A moins que le Ciel n’en décide autrement…

Paul Biya est devenu au Cameroun la version vivante d’une encyclopédie qui ne dit pas son nom ou d’un grand dictionnaire de citations. Chacune de ses tirades fait virus au Cameroun. Ce n’est plus le « qui vivra verra » d’un autre temps, c’est devenu le « pas celui qui veut, mais celui qui peut ». De quoi vous remplir tout un recueil des trouvailles de Cioran. Il ne manquerait plus qu’un « ça sort comme ça sort », l’histoire du coup de tête à Eric Chinje de la CRTV. Sur le thème du « vouloir » qui n’est pas le « pouvoir », Paul Biya a bien voulu partir depuis 1984, pendant le putsch du 6 avril, pour ne pas laisser tuer inutilement les Camerounais. Mais il a pu rester, avec les secours d’un régime qui n’était pas décidé à vivre plus longtemps les affres du Régime Ahidjo. En 1992, les observateurs sont unanimes  sur la question : John Frundi du SDF aurait proprement gagné les élections. À un moment où hommes politiques, leaders d’opinion et journalistes à la plume convaincue, tout le monde ou presque s’était retrouvé sous les pantalons du Chairman. Tous les patrons de presse locaux, et même Samuel Eboua ou François Sengat Kuoh avaient rejoint l’international Mongo Beti, aux côté de grands cerveaux comme Hameni Bieleu ou Charles Binam Bikoi. Avec un tel bataclan ligué contre soi, on ne donnait pas 48 heures à Paul Biya. Dans le même temps, la presse bruissait unanimement de slogans « Biya must go ! » pendant que les pagnes RDPC étaient offerts gratos aux plus téméraires, quand ils ne se cachaient pas sous les matelas.

« S’il s’amuse, on le débarque en 48 heures ! »

« S’il s’entête, on le débarque en 48 heures ! ». La phrase est de Samuel Eboua, porté à la fois par son expérience probante de SGPR sous Ahidjo, et flanqué ce jour-là d’un certain Charles Tchoungang dans les bureaux parisiens du mensuel « Jeune Afrique Economie » d’un moins certain Blaise-Pascal talla. Au même moment, le « chasseur du Lion », Jean-Jacques Ekindi, dézinguait à tout-va son patron d’hier. Paul Biya était pris entre mille feux rageurs. Personne ne pariait un copeck sur sa survie au pouvoir. « Biya must go ! », l’incantation en est restée là. Biya a survécu dix ans encore. Et, cette fois, il venait de comprendre, alors qu’il avait commencé à prendre ses habitudes au Palais, et qu’il était véritablement en train de devenir « l’homme-pouvoir », le slogan trouvé opportunément par Jacques Séguéla, le grand communicant français. Dix bonnes années après, Biya ne sera pas parti. La classe de l’opposition armera un autre tir au passage : « Les hommes qu’il faut pour gouverner le Cameroun en 2000 ». Le tract est en quadrichromie et agrémenté d’une belle photo d’Edouard Akame Mfoumou. Les enquêtes ordonnées à l’occasion ont pu établir que c’était un coup monté de l’intérieur du sérail, pour tailler des croupières aux frères concurrents du Sud.

Biya must go ? Dans l’intervalle, Samuel Eboua est mort ? Et avec lui ou à sa suite, d’autres braves de la croisade anti-Biya. Pour la suite, ce sera le G11, la formidable arlésienne qui aura emporté au moins mille candidats à la succession et dont les moindres ne sont pas Marafat Hamidou Yaya, victime d’avoir été trop tôt bon teint alors qu’il n’avait pas ses convictions d’homme libre dans les poches, Urbain Olanguena, un autre Edouard, mais Etonde Ekoto, celui-là, Jean-Marie Atangana Mebara, Polycarpe Abah Abah, et quelques autres. Ceux-là ne parleront pas longtemps, ils sont tous passé à la trappe de l’opération Epervier. Souvent, avec des dossiers à moitié plein. Et cela, longtemps avant le rendez-vous unilatéralement pris pour « dans vingt ans ». Il aura survécu aux 48 heures promises sur le ton d’un requiem par Samuel Eboua. Et si les Camerounais n’y prennent garde, Paul Biya aura pointé 48 bonnes années au pouvoir, battant de deux ans le record du Coréen Kim il Sung. Conséquence logique, à moins de chanter avec les fakirs, par sa faute ou malgré lui, Paul Biya n’a plus d’adversaires au Cameroun. En 2018, et très probablement au-delà. Après les nouvelles de sa mort scripturale dans les réseaux sociaux, Paul Biya est donc logiquement le seul candidat en lice pour sa propre succession en 2018.

Ce ne sont pas les candidatures alibis de ses mille adversaires, Jean Djeunga, Fritz Ngo Ngo, Gustave Essaka, le premier triumvir, Esther Dang, ou quelques autres faire-valoir, qui changeront la donne. La liste encombrée des candidats classés non gagnants sert à enfler le score de participation de la démocratie au Cameroun. Des points à l’actif de Paul Biya, validés par les observateurs internationaux qui baissent les bras, à force d’avoir le tournis de la République Populaire et démocratique de Corée. RDPC et RDPC, cherchez la nuance ! De nouvelles figures émergent, Kah Wallah, brillante candidate à la dernière élection présidentielle, ou Maurice  Kamto avec son mouvement pour la Renaissance. Tous, mal partis. La première affiche le défaut d’être une femme dans un microcosme de machos sexistes, elle n’aura pas subjectivement plus de chances que Ségolène Royal en France, ou même Esther Dang ou marie-Louise Eteki passées par là avant elle. Le second a le malheur d’avoir brillamment servi le régime et d’en avoir pris quelques casseroles. Incidemment, à l’annonce de sa candidature, il réveille de grands adversaires : ses propres frères du village. La guerre d’usure politique ratisse vraiment large au Cameroun.

Le virage à 180 degrés de l’opposition

Au tournant de la décennie 90, tout le monde en était à se rêver une carrière dans l’opposition. Même parmi les meilleurs chantres actuel du Renouveau devenu charismatique des années plus tard. Plus de vingt ans après, tout le monde rêve de rentrer dans les rangs du parti au pouvoir, y compris les plus irréductibles d’hier. En 1992, il faisait ringard et dangereux d’afficher RDPCiste, aujourd’hui le pagne à la flamme est redevenu un « must ». Il est  sorti des dessous des matelas et il n’y retournera pas de sitôt. La preuve, ils sont tous en rangs serrés pour finir président de comité de base ou de section. Mais ils ont tous le même défaut : ils veulent commencer à gravir les marches du parti par les sommets vertigineux de l’appareil du parti. Au final, Paul Biya joue contre une opposition émasculée. De toutes les formations politiques de poids qui auraient pu aligner un candidat sérieux, pas une seule n’a survécu à la guerre d’usure politique que leur mène le pouvoir en place. L’UNDP de Bello Bouba Maigari, ministre d’Etat, peu importe le portefeuille, a appris à goûter aux délices d’un pouvoir qu’il ambitionnait de renverser. Il ne se ruinera plus à l’ombre douillette de son ami de toujours dont il a d’ailleurs été le Premier ministre. Issa Tchiroma a un nouveau parti, mais son parti est à fond avec le Cameroun et son régime. Amadou Moustapha, ancien vice- Premier ministre, survit des libéralités garanties par un strapontin de ministre chargé de missions sans portefeuille. C’est utile pour payer les frais médicaux d’une santé chancelante sans se stresser.

Chapitre clos pour l’UNDP. L’UPC, parti historique, n’en finit plus de commémorer ses martyrs. La politique est devenu un exercice gratuit et à mini frais d’archéologie. Et à Yaoundé, des officines entières sont créées pour susciter scientifiquement et historiquement de nouvelles factions. Dans les bureaux de l’administration territoriale, on en dénombre quatre, en plus de la faction dite des « fidèles et des originaux authentiques ». Resterait alors le Social Democratic Front, toujours debout en dépit de la saignée de ses militants « founding fathers » et encore mal remise de la victoire qu’on lui a volée en 1992. Dans les rangs au moins, personne n’a osé mordre aux hameçons tendus par le RDPC depuis le milieu des années 90. Même lorsqu’ils étaient tentés d’y mordre, ils en étaient dissuadés par les épées de Damoclès du NEC (national Executive committee). On avait donc intérêt à se tenir à carreau.

À l’arrivée, aucun autre coq ne chante plus dans la basse-cour. Il n’est pas jusqu’aux brillants professeurs d’université et autres grands avocats qui ne rêve de prendre sa carte de parti. Avec les effigies officielles relookées du Grand patron. Tant et si bien qu’ils ont tous perdu jusqu’au réflexe élémentaire de la critique raisonnée.