Opinions of Friday, 25 August 2017

Auteur: camer.be

Paul Biya ou le fonds de commerce des Chinois et des Camerounais

La photographies de Paul Biya est un business lucratif pour les commerçants chinois et camerounais La photographies de Paul Biya est un business lucratif pour les commerçants chinois et camerounais

Cela peut paraître anodin, mais le commerce de la photographie du président de la République du Cameroun, dans les carrefours de Douala, nourrit bien son homme. Et c’est à Bonanjo que la magie opère. Ici, les vendeurs du portrait officiel du chef de l’Etat, ne manquent pas. Voici plus de 15 ans qu’André, la quarantaine révolue, pratique cette activité. Cadre photo dans la main gauche, carte géographique du Cameroun dans l’autre, il sillonne les carrefours du premier arrondissement de Douala. Ces routes semblent le connaître. Il les traverse d’un trottoir à un autre, à l’aveuglette.

André présente sa marchandise aux automobilistes et aux curieux qui passent par là. Il ne scande pas le nom de ses articles: « pas besoin, c’est suffisamment visible », dit-il d’entrée de jeu. Alors, le président de la République se vend presque tout seul. Une fois vendu, le cadre est aussitôt remplacé par un autre, que notre vendeur sort de son sac à dos. Son commerce n’est pas périodique, mais connaît tout de même des basses saisons et des hautes: « les photos du chef de l’Etat se vendent beaucoup au moment des nominations des hauts cadres de l’administration publique», déclare-t-il.

André en a vendu une trentaine en deux semaines, et c’est un bon score pour lui. « Trente (30) photos en deux semaines, ça fait, souligne-t-il, du bien au porte-monnaie ». Le sourire qu’il affiche en dit long sur son chiffre d’affaires. Pourtant, au début de ce reportage, André était sceptique quant aux informations à nous révéler. Parler de la photographie du président, c’est comme parler directement du président. Pour lui, c’est presque tabou.

« J’avais peur. On ne sait pas qui est qui. Et surtout, je ne savais pas ce que vous ferez de ces informations. Il fallait que je sois prudent », se défend-il. Rassuré donc, le commerçant, se livre. Il vend les photos du chef de l’État depuis plus de 15 ans dans les mêmes rues de Douala. Au-delà d’une activité lucrative, c’est une passion pour cet homme. « Je suis fan du président Paul Biya, c’est le père de la nation ! », dit-il.

Les photos de Paul Biya, qu’il vend ne sont pas actuelles. Elles datent d’un certain temps. Le président a l’air plus jeune et tout frais. Dans une photo ¾, il est vêtu d’une veste bleue nuit. Paul Biya a des traits tirés, un front lisse. Il affiche un sourire fier et inspire la sérénité. A la question de savoir pourquoi pas un cliché actuel, le vendeur tente une réponse: « C’est la photo officielle! Avant, ce n’est pas celle-ci que je vendais, mais une autre qui faisait un gros plan sur le visage du président.

Maintenant c’est celle-ci ! Qui sait ? Peut-être qu’elle changera mais pour le moment, on vend celle-ci. Elle est belle, vous ne trouvez pas? ». La beauté, la jeunesse et l’élégance du président seraient donc un atout majeur de vente. Et les acheteurs ne se font pas prier. « Ce n’est pas le premier cadre photo que j’achète. C’est le troisième. J’en ai une dans mon bureau, une autre dans le hall qui mène à mon bureau et une autre chez moi, oui chez moi, c’est surprenant ! », S’exclame un acheteur rencontré à un carrefour de Bonanjo.

Mais d’où proviennent ces photographies du chef de l’Etat, commercialisées dans les rues? La réponse est assez surprenante. « De Chine ! », répond André. Avant d’ajouter : « Je me ravitaille au marché chinois à Akwa. Il y a des grossistes camerounais qui les ramènent de « l’Empire du milieu » pour nous les vendre ». Qui est l’artiste photographe à l’origine de ce cliché à succès? Personne n’accepte de délier la langue. « C’est un secret que nous gardons jalousement », se vante alors Liu, commerçant chinois au lieu-dit « Douche municipale » à Douala.