Opinions of Tuesday, 26 April 2016

Auteur: Dieudonné Ambassa Zang

Personne n’a le monopole de l’amour du Cameroun

La réponse de l'ancien ministre Dieudonné Ambassa Zang à la lettre du 20 avril 2016 de M. Abel Elimbi Lobè, élu municipal du Social Democratic Front (SDF) à Douala.

A l'attention de M. Abel Elimbi Lobè,

M. Biem Tong, Directeur du site d'information camerounais spécialisé sur les Droits de l'Homme dénommé Hurinews, a fait preuve de bienveillance en me faisant tenir la lettre que vous m’avez adressée le 20 avril dernier. Publiée sur les pages Facebook «Fan Club Elimbi Lobè», «Le Cameroun C’est Le Cameroun» et «Les Républicains Camerounais», ladite lettre a assurément été découverte par des milliers d’internautes, compatriotes ou non. En vous remerciant pour l’intérêt accordé à ma modeste personne, je m’empresse d’y répondre même si c’est avec quelques jours de retard.

Après lecture attentive de votre lettre, je crois comprendre que les Militants/Militantes du RDPC - parti au pouvoir- ainsi qu’à tous ceux qui ont assumé et/ou assument des hautes fonctions administratives et politiques sous le régime du Président Paul Biya devraient être voués aux gémonies. Vous leur reprochez d’avoir apporté leur collaboration au Président Paul Biya et avoir contribué activement à son maintien à la tête de l’État du Cameroun depuis le 03 novembre 1982.

Vous leur reprochez aussi leur silence et/ou leur indifférence face aux souffrances multiformes de nombreuses victimes des violations récurrentes des droits de l’homme perpétrées par le régime en place.

Ceci dit, j’observe que vous m’avez adressé cette lettre à la suite du «post» fait par M. Biem Tong sur le forum «Soutenons les Prisonniers Politiques du Camerounais» dénonçant l’injustice et les poursuites dont je suis victime pour des raisons politiques.

En tout état de cause, je ne peux qu’en déduire que vous menez une sorte de contre-campagne relativement à cette dénonciation pour l’unique et simple raison que j’ai été Militant du RDPC et ministre des Travaux publics (août 2002-décembre 2004) sous le régime du Président Paul Biya. J’espère ne pas m’être trompé dans ma compréhension de votre lettre et, si tel en était le cas, je vous présente à l’avance mes sincères excuses.

Pour dire vrai, votre posture me surprend et me désole beaucoup. Vous êtes Militant SDF, le plus important parti d’opposition au Cameroun dont l’ambition, sommes toutes légitime, est d’accéder au pouvoir en lieu et place du RDPC. Je crois savoir que l’un des axes prioritaires du programme politique de votre parti porte sur une meilleure expression des libertés publiques et une plus grande protection des droits humains des Camerounais.

Dès lors, il serait hautement souhaitable que les Militants/militantes du SDF parmi les plus influents comme vous puissent se joindre à la société civile pour dénoncer de manière systématique les cas de violations des droits de l’homme et défendre les causes justes, sans avoir à se préoccuper de la couleur politique des victimes.

Concernant mon cas, il est constant que le procès a été conduit par la collégialité des Juges du TCS au mépris des droits protégés par diverses conventions internationales et régionales auxquelles a adhéré le Cameroun notamment le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (Art. 2 et 14).

Comment une personne accusée d’avoir détourné des milliards de FCFA peut-elle se défendre si son avocat n’est pas autorisé à prendre la parole lors du procès, sous le fallacieux prétexte que ladite personne est en fuite? Un procès ne saurait être équitable si le prévenu/accusé n’a pas été en mesure de se faire représenter par un défenseur de son choix afin d’apporter la contradiction aux accusations mises à sa charge par le ministère public.

Pour votre meilleure information, le Conseil Directeur de l’Union Interparlementaire, dans sa Décision adoptée à l’unanimité à sa 197ème session tenue à Genève le 21 octobre 2015 s’est dit convaincu que la procédure ayant abouti à ma «condamnation est entachée d’irrégularités telles qu’elles ne peuvent en aucun cas justifier sa condamnation».

Si notre pays était respectueux de ses engagements vis-à-vis de cette organisation dont le secrétaire général est un Camerounais – une première pour un Africain depuis la création de cette organisation internationale le 30 juin 1889 – la Justice camerounaise aurait entrepris de son propre chef de réviser ma condamnation.

Plus sérieusement, arrivé à la tête de l’État du Cameroun le 06 novembre 1982 dans une ferveur et une liesse populaires, le «successeur constitutionnel» de Feu le président Ahmadou Ahidjo y est toujours et fêtera le 6 novembre 2016, ses trente-quatre (34) années à la Magistrature Suprême. Faut-il s’en réjouir ou en pleurer?

Sous les chaumières, les Camerounais et Camerounaises avouent que les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs: des attentes déçues et beaucoup promesses non-tenues. Et la communauté internationale ne comprend pas pourquoi et comment un pays qui regorge d’énormes potentialités comme le Cameroun a autant de mal à s’arrimer au train de la mondialisation et du développement.

La simple lecture des rapports de l’Institut national des statistiques donne à constater que le Cameroun n’a atteint aucun des Objectifs du Millénaire pour le Développement aux termes des 15 années de mise en œuvre. Pour ne pas être traité d’aigri au regard de ma situation actuelle, j’invite les compatriotes à aller voir un reportage au titre évocateur: «Pénurie d'eau dans nos villes: Le Cameroun est-il en voie de sous-développement?»

Ce reportage tranche nettement avec l’affirmation faite récemment par le ministre de la Communication et Porte-Parole du Gouvernement selon laquelle «Le Cameroun se porte bien». Et si le Président Paul Biya a pu conserver son pouvoir pendant plus de trois décennies, faire porter le chapeau aux seuls Militants/Militantes du RDPC et à ceux/celles ayant assumé des hautes fonctions administratives et politiques revient à manquer d’honnêteté.