Dans un système politique normal, personne n’aurait parié son maintien à la tête du gouvernement.
Philémon Yang, nommé Premier Ministre pour la première fois le 30 juin 2009, vient d’être indirectement confirmé à son poste. Une nouvelle fois, serait-on tenté de dire, à la suite du réaménagement ministériel du 02 octobre 2015. Sa reconduction dans le gouvernement formé le 08 décembre 2011, à la suite de l’élection présidentielle d’octobre de la même année était compréhensible.
En sa qualité de directeur de campagne, il avait conduit son candidat à la victoire. Cette fois-ci, l’on peut difficilement comprendre pourquoi il n’a pas été limogé en 2015. D’abord parce que c’était le premier gouvernement mis en place après les élections législatives et municipales couplées du 30 septembre 2013.
A l’occasion de ces scrutins, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, formation politique au pouvoir, dont est issu Philémon Yang, a certes largement remporté ces élections. Mais, le Premier ministre a été doublement battu à ces élections dans son département
d’origine (Momo) dans la région du Nord-ouest. Ensuite, s’agissant de l’animation de l’action gouvernementale, Paul Biya dans un message à la nation le 31 décembre 2012 avait décrié l’inertie du gouvernement, même s’il a été depuis lors beaucoup moins critique, tout au moins publiquement.
On pourrait y ajouter son tempérament que certains trouvent amorphe et son peu de charisme. Toutes choses qui ont propulsé au devant de la scène (pendant quatre ans) le Secrétaire Général de ses services. Louis Paul Motaze apparaissait parfois et de manière visible plus puissant en pratique dans le système que le Premier ministre.
On n’oublie pas des actes de défiance que certains ministres, théoriquement sous son autorité, à l’instar de l’ex-ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna, et l’ancien Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural, Essimi Menye, ont posés ces derniers mois à l’égard de la primature. Ces ministres «indisciplinés» ont été limogés et son ancien Secrétaire Général des services nommé ailleurs. Il n’est cependant pas sûr que cela suffise à ramener l’autorité sur l’équipe gouvernementale.
Magistrat de formation, né le 14 janvier 1947, Philémon Yang est décrit par Jeune Afrique de juillet 2010 comme un homme qui présente «une image loyale et sûre». «Il a les phrases, l’allure et le réserve très british que Paul Biya apprécie chez ses plus proches collaborateurs», selon le magazine panafricain.
C’est peut-être ces qualités qui lui valent son maintien à la tête du gouvernement, même si un tabloïd local avait fait part, il y a plusieurs mois déjà, de sa volonté de démissionner. Cette information avait - chose rare au Cameroun - fait l’objet d’un démenti formel dans un communiqué publié dans le quotidien gouvernemental «Cameroon-Tribune» quelques jours après.