Opinions of Thursday, 17 September 2015

Auteur: Jean François CHANNON

Pourquoi Paul Biya doit rompre le silence

En choisissant de conduire d’autres attentats kamikazes en territoire camerounais, au lendemain du retour au Cameroun du président de la République, les criminels de la secte islamiste et terroriste, considérablement affaiblis par nos forces de défense, entendent s’imposer absolument par l’horreur dans la conscience collective de manière permanente. Face au peuple ébranlé, il est plus que temps pour le chef des armées de sortir de son mutisme.

Paul Biya est rentré au Cameroun samedi 12 septembre dernier. La plupart des téléspectateurs camerounais qui ont suivi ce retour présidentiel à travers la Crtv, espéraient vivement une prise de parole du Président. D’abord parce que le retour du chef de l’Etat, après plusieurs semaines passées en Europe avec son épouse s’inscrivait dans un contexte suffisamment troublant. Il y a eu les attentats terroristes survenus à Kerawa, et reconnus comme étant les plus meurtriers que le Cameroun ait connus depuis l’indépendance. Ensuite, quelques jours avant que le retour présidentiel, des militaires camerounais, membres des forces de défense et de sécurité, ont commis le toupet de descendre dans la rue pour marcher et protester.

Ils ne sont rentrés dans les casernes que parce que le président de la République a ordonné qu’une suite favorable soit donnée à leur revendication. Malheureusement, après avoir reçu ses collaborateurs institutionnels directs, le chef de l’Etat a regagné le palais de l’Unité sans mot dire à son peuple qui espérait de lui une parole minimale face à tout ce qui se passe de terrible au Cameroun en ce moment.

Réduire la distance physique

Le lendemain du retour présidentiel en terre camerounaise, les criminels de Boko Haram ont commis d’autres attentats. Cette fois encore, c’est Kolofata qui est frappée. Deux jeunes garçons ont libéré les charges explosives qui étaient sur eux. Une dizaine de morts. Le plus dramatique est que deux membres du comité local de vigilance mis en place par l’administration camerounaise ont perdu la vie. Des corps déchiquetés.

Le président étant déjà de retour, tous les regards le week-end dernier, et en début de semaine étaient tournés vers le palais de l’Unité. L’opinion aurait ainsi bien apprécié que le chef de l’Etat, à défaut de prendre la parole depuis Yaoundé, puisse au moins se rendre sur place, avec tout le système sécuritaire qui l’entoure, pour personnellement adresser un mot de réconfort aux familles des victimes de Boko Haram. Mais Paul Biya, fidèle à sa logique de gestion à distance, a préféré envoyer sur place le gouverneur de l’Extrême nord.

En fait ce qu’on attend du président depuis qu’il est de retour, est qu’il se montre physiquement présent en ce moment difficile pour le peuple camerounais en général, et nos compatriotes de la région de l’Extrême nord en particulier, qui vivent au quotidien avec le terrible stress du spectre de la mort subite. A défaut de pouvoir convoquer un conseil de ministres (et encore qu’ils sont trop nombreux ces ministres à réunir.

Une telle séance dans le contexte actuel pourrait bien ressembler à une séance de chahut silencieux), pourquoi le président de la République ne convoque-t-il pas un conseil de sécurité ? Le Conseil national de sécurité jusque-là ronronne aux abonnés absent depuis que Boko Haram tue au Cameroun. Il est peut-être temps que le chef de l’Etat lui donne un nouveau souffle, en lui assignant des mesures urgentes susceptibles de rassurer le peuple.

La lutte contre Boko Haram met aux avants-postes les forces de défense et de sécurité certes. Mais elle est l’affaire de toute la nation camerounaise qui est menacée par des obscurantistes monstrueux. Le peuple tout entier a donc besoin de sentir son président présent, à chaque instant où il y a une douleur. Il n’a pas besoin d’intermédiaires mal inspirés, et qui jouent aux acteurs en ces temps tragiques. Alors, allô ! monsieur le président… !