Les faits se déroulent en France en 2017, à la veille de l’élection présidentielle.
Accusé d’ « emploi fictif » au profit de son épouse par Le Canard enchaîné, François Fillon, candidat des Républicains, alors présenté comme le favori du scrutin, déclare : « Je vois que la séquence des boules puantes est ouverte. Je ne ferai pas de commentaire, car il n’y a rien à commenter. Mais, je voudrais simplement dire que je suis scandalisé par le mépris et par la misogynie de cet article ». Après moult péripéties, le 14 mars 2017, François Fillon est mis en examen dans l’enquête sur les soupçons d’emplois fictifs de son épouse et de ses enfants comme assistants parlementaires, entre 2005 et 2007.
En dépit de son inculpation, François Fillon maintient sa candidature à l’élection présidentielle. « Céder veut dire que désormais, ce n’est pas le peuple français qui choisit son président, son programme, ce sont des officines, ce sont des manœuvres », indique-t-il. Hélas, au terme du premier tour, l’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy est classé 3e, derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Autre pays, autre réalité. A quatre mois de l’élection présidentielle au Cameroun, la saison des boules puantes est également ouverte. C’est sans doute dans ce registre qu’il faut ranger l’affaire du financement occulte de trois candidats de l’opposition : Maurice Kamto, Akere Muna et Joshua Osih par les Etats-Unis.
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Un financement vigoureusement démenti par les protagonistes. C’est sans conteste à cette enseigne qu’il faut loger le documentaire (à charge) sur le coût des « courts séjours privés » du chef de l’Etat Paul Biya en Suisse. C’est également dans ce dossier qui faut verser la tirade en partage sur les réseaux sociaux qui annonce le candidat Cabral Libii au Tribunal criminel spécial (Tcs). Raison ? les marchés de communication évalués en milliards Fcfa « offerts » par le Centre national d’approvisionnement en médicaments et consommables essentiels (Cename) au candidat du parti Univers « sans procédure d’appel d’offres, ni procédure de gré à gré ».
Tous les journaux ne sont pas Le Canard enchaîné. Fondé le 10 septembre 1915, ce journal réputé sérieux pour les résultats de ses investigations fonctionne officiellement sans recettes publicitaires, ni subvention publique ou privée.
Le Canard ne vit que de ses ventes, ce qui renforce sa présomption d’indépendance. Sur la liste des scandales que le Canard enchaîné a révélés, on cite l’affaire des vacances de la ministre Michèle Alliot-Marie en Tunisie en 2011, qui provoquera sa démission du gouvernement ; l’affaire des diamants de Valery Giscard d’Estaing et Jean Bedel Bokassa en 1979 ou encore en 2010, les révélations sur l’affaire Woerth-Bettencourt. Dans un cas comme dans l’autre, Le Canard enchaîné n’a battu en retraite devant aucun démenti. Aucune mise au point ne l’a conduit à renoncer à une enquête lorsqu’il était convaincu de la véracité de ses informations.
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Le Cameroun n’est pas la France. Là-bas, la « séquence des boules puantes » n’a pas éclipsé le débat sur l’offre des candidats en matière de programmes. Que proposent les différents candidats à la présidentielle 2018 pour sortir le peuple du marasme politique et socio-économique auquel il est en butte depuis des années ? Que représente aujourd’hui la présidentielle pour le peuple camerounais ? C’est sans doute là que se situe l’enjeu.
Des boules puantes, il en existera toujours ! Mais, il est important que le jeu électoral soit équitable et transparent afin que la démocratie s’exprime, afin que le peuple souverain et imprégné des défis de son temps choisisse librement le candidat qui va présider à sa destinée pour les sept prochaines années. Accessoirement, le « massacre pré-électoral » ambiant commande aux candidats et à leurs communicants plus de prudence, de vigilance et de professionnalisme. Rien ne doit être laissé au hasard. On ne joue pas aux billes en politique.