Les analystes politiques, les vrais, pas ceux du dimanche sur les plateaux de télévision, sont formels, la réélection de Paul Biya est assurée. Dès lors qu’il s’est déclaré candidat rien ne peut l’empêcher de gagner haut la main. Une simple formalité, une balade de santé, la fleur au bout du fusil, la victoire va se gagner aussi en chantant. La seule manière de l’en empêcher était de le dissuader de se (re)présenter.
Les haineux ont beau recourir aux menaces, les hargneux aux intimidations, les diplomates aux exhortations, les religieux aux supplications, les conciliants aux promesses et les marabouts aux incantations, rien n’a pu le convaincre de partir. Il en fallait plus pour dissuader l’Homme du 6 novembre 1986 qui aura averti : «Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais dure au pouvoir qui peut».
Paul Biya ne dure pas au pouvoir parce qu’il veut, mais parce qu’il peut, il se sent capable de durer encore et encore au pouvoir. Une manière pour lui de répondre à ses détracteurs qui croient que c’est une affaire d’endurance et de physique.
Pour lui, l’exercice du pouvoir est beaucoup plus stratégique que physique, donc relève de la technique et de la tactique. Habile tacticien et fin technicien, Paul Biya sait qu’il a encore beaucoup à apporter au Cameroun. Tout comme il a avait su prédire que Roger Milla à 38 ans pouvait encore apporter aux Lions Indomptables à la Coupe du monde 1990.
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Un coup gagnant qui a permis à un club africain d’atteindre pour la première fois les quarts de finale. Ça n’est pas un hasard si Paul Biya aime citer les Lions Indomptables en exemples de patriotisme, de courage, de force et d’abnégation.
Si Milla a su jouer son rôle de joker des Lions Indomptables pour quoi ne le ferait-il pas pour le Rdpc ? Maintenant que le parti des flammes a sorti son joker, sa machine à gagner des élections est relancée. Une machine dont les commandes sont placées en mode «pilotage automatique».
Confortablement engoncé dans un fauteuil rembourré, le cheval de base du parti proche du pouvoir est assuré de gagner sans mouiller le maillot. Il est parfaitement conscient d’être le seul candidat à avoir les moyens de sa poli- tique. Son état-major composé de l’armada de son parti politique, le Rdpc, de la légion de mercenaires des partis politiques alliés, de l’arsenal de l’appareil administratif, de l’artillerie lourde du corps judiciaire et des missiles sol-sol du Trésor public, constituent autant d’atouts majeurs lui permettant de gagner haut la main.
Pour parler plus prosaïquement, «Les autres courent dans le sac», Paul Biya s’est envelopper dans une carapace, s’est affublé d’une armature capable de résister et de repousser tous les assauts. La muraille du Renouveau est si infranchissable que plus d’un ont jeté l’éponge : Ni John Fru Ndi de guerre lasse a préféré passer les manettes à Josuah Oshi qui hésite au moment de se lancer à l’assaut. Adamu Ndam Njoya se réfugie derrière une candidature «Jeune», Bello Bouba Maïgari préfère préserver son gari, l’Upc sans âme mais avec des états d’âme se présente en pièces détachées.
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Tous des figurants, Biya et le désert camerounais, soupirent les politistes, qui semblent résignés à l’idée selon laquelle personne ne peut challenger Paul Biya. Le Cameroun regorge pourtant de compétences et de ressources humaines autant patriotes que le Prince. Celui-ci aurait lui-même, selon la rumeur, relativisé lorsqu’il aurait dit à sa fille qu’elle peut diriger le Cameroun. Une manière de dire que n’importe qui peut assumer les fonctions de Président de la République.
À moins que ce ne soit une façon de rappeler comme Papillon, «C’est sanguinaire» que c’est inscrit dans l’Adn de la famille présidentielle. Delà à voir, comme certains, en l’admission à l’Enam de sa progéniture une sorte de préparation à la relève, n’est qu’une vue de l’esprit. Mais les expériences du Gabon, du Togo et de la Rdc pourraient faire tâche d’huile. Une belle manière pour Paul Biya de répliquer à ses détracteurs en paraphrasant Aimé Césaire dans Cahier d’un retour au pays natal, «Accommodez-vous de moi, je ne m’accommode pas de vous».