Du fait du communiqué qu’il a commis le 17 mai 2018, juste après l’audience que lui a accordée le chef de l’Etat Paul Biya, l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Peter Henry Barlerin, a servi une occasion en or aux thuriféraires du champion du Rdpc (parti au pouvoir) pour lui renouveler leur « soutien et déférence ».
Les apparatchiks du Rassemblement démocratique du peuple camerounais rivalisent ainsi de génie pour dénoncer « l’ingérence » des Américains dans les affaires internes du Cameroun et, surtout, appeler Paul Biya à se porter candidat à la prochaine élection présidentielle. En choeur, ces pontes du régime en place saluent sa longévité, sa sagesse et sa clairvoyance au service du Cameroun.
Fait inédit, d’importantes sommes d’argent (55 millions Fcfa par la Lekié, 30 millions par le Nyong et Mfoumou et 25 millions par le Nyong et So’o) sont offertes pour financer la campagne du candidat du Rdpc. Au plus fort de ce bal des dévots, beaucoup de militants oublient ce passage fort intéressant de la tribune du conseiller spécial du chef de l’Etat, Luc Sindjoun, parue dans le quotidien Cameroon tribune le 24 mai dernier. « En tant que citoyen jouissant de ses droits civils et politiques, comme de nombreux autres Camerounais, M. Paul Biya est libre de présenter ou non sa candidature à l’élection présidentielle (…). Comme tout être doué de raison, M. Paul Biya est le législateur de sa propre conduite ».
Plus loin, l’enseignant de science politique écrit : « La déclaration de l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun est une contribution à la réflexion du président de la République (…). On peut légitimement penser que le moment venu, le président de la République pèsera et soupèsera sur la balance de son jugement, puis décidera en privilégiant les intérêts supérieurs de la nation dont il est le garant ».
LIRE AUSSI: Ambazonie: le message du Sultan des Bamouns aux sécessionnistes
Avant Luc Sindjoun, le secrétaire général adjoint du comité central du Rdpc, Grégoire Owona, tout en confessant son inconditionnel soutien à une nouvelle candidature de Paul Biya, a toujours insisté sur le fait que cette candidature est, avant toute chose, « une volonté et un engagement personnels à prendre en son âme et conscience ». En remontant le fil du temps, on citera aussi le sultan roi des Bamoun, Ibrahim Mbombo Njoya, le 20 février 2016 à Bafoussam :
« Cher camarade président national, au moment où nous sommes en train d’essayer d’écrire une nouvelle page de l’Histoire de notre pays, sachez, Excellence, que les clés du bonheur et du malheur de notre pays se trouvent encore aujourd’hui entre vos mains. Que Dieu Tout-Puissant puisse vous guider, comme toujours, dans le choix de la bonne clé ».
Plus nuancé, mais sur le même registre subliminal, Mbombo Njoya a déclaré samedi à Bangangté que les propos « quelque peu outranciers » de l’ambassadeur des Etats-Unis « condamnent » désormais le chef de l’Etat à se représenter, « même si c’est pour y rester un mois et partir par la suite ». Au demeurant, s’il est une constante, c’est qu’au-delà de l’écume des motions de soutien, le combat sourd ces dernières années au sein du Rdpc entre les modérés et les extrémistes au sujet d’une éventuelle candidature de Paul Biya à la prochaine élection présidentielle. Fort de son expérience politique, le chef de l’Etat observe ce mouvement de balancier, sans donner d’onction ou infliger de désaveu à un camp. Il connaît ses alliés fidèles et loyaux, et les tartuffes.
Il laisse les uns et les autres aller au bout de leur logique. Toutefois, dans son for intérieur, le prince sait la frange qui emportera son choix. Et comment il envisage l’après. Du moins, si tout se passe sans imprévu…