Grèves et manifestations d’avocats et enseignants de la partie anglophone, forte implication des populations de Bamenda dans lesdites manifestations de rue, revendications diverses des étudiants de l’université de Buea, émeutes, mouvements d’humeur et sentiment généralisé d’ostracisme et surtout d’assimilationnisme de la part de nos concitoyens de culture anglo-saxonne, interventions lourdes et brutales des forces de l’ordre dans les différents théâtres de manifestation….
Depuis le 21 novembre 2016, la zone anglophone de notre pays est en effet soumise à des convulsions et des soulèvements de différents corps sociaux, qui attestent d’un malaise profond exhalant ce qu’il est convenu d’appeler le problème anglophone au Cameroun. Considérant l’extrême gravité de la situation, l’UFP, en tant que force de proposition, soumet à la communauté nationale, sous-forme d’une réflexion en 2 points, sa lecture de la situation ainsi que sa solution pour une sortie durable de crise. La substance de ladite contribution peut se résumer en une phrase : « La zone anglophone s’apaisera et le pays prospérera durablement à la faveur, uniquement, de la restauration de la Vérité historique, de la Justice et de la modernité politico-institutionnelle ».
Les causes profondes du problème anglophone
Après une séparation de 45 ans (1916-1961) finalement lourde de conséquences politico-culturelles, les Camerounais des deux rives du Moungo, dans un élan de fraternité réel et profond, manifestèrent l’ardent désir de se retrouver au sein d’un même État. Mais dans cette dynamique politique nouvelle, les intentions des leaders de part et d’autre, n’étaient visiblement pas les mêmes s’agissant de la forme que ledit État devait avoir. Un adage populaire dit : « qui sème le vent récolte la tempête ».
En effet, les agitations et soubresauts récurrents sur le territoire de l’ancien Southern Cameroons depuis au moins le début des années 1990, sont indiscutablement la conséquence du « péché originel » et de l’entourloupe fondatrice accomplis à ciel ouvert par le président Ahmadou Ahidjo à l’égard des John N. Foncha, Augustin Ngom Jua, Salomon T. Muna, ses interlocuteurs anglophones de l’époque. En violation des accords de Foumban et déférant, comme convenu longtemps auparavant, aux instructions de Paris qui entendait faire librement main basse sur certaines ressources locales, Ahmadou Ahidjo, unilatéralement, décide de l’organisation du référendum du 20 mai 1972 en vue de défédéraliser l’État pour le mener plutôt vers l’unification. De surcroît, chose éminemment inacceptable, les bulletins de vote de ce référendum truqué portaient les mentions « Oui » et « Yes ».
Sans émotion excessive, il y a simplement lieu de parler d’escroquerie politique sans précédent. Si les tenants d’une politique qui ne serait que mensonge et tromperie peuvent s’en accommoder, le promoteur de la démocratie théiste et intègre que je suis, a le devoir de rappeler à chacun, les conséquences à court, moyen ou long termes de tels actes au sommet d’un État. Qui sème le vent récolte en effet la tempête. Soi-même ou ses héritiers spirituels. Voilà pourquoi nous en sommes encore là aujourd’hui. Je voudrais donc d’abord, amener les Camerounais à prendre véritablement conscience de ce boulet historique que nous trainons en forme de malédiction politique à exorciser impérieusement.
Esquisse de proposition au problème
Ensuite, dans une démarche scientifique, je veux inviter à une réflexion et un examen collectifs de l’environnement international, et notamment un examen du modèle d’organisation institutionnelle et de la forme des États du monde, qui à l’instar du notre, ont un fondement objectivement et officiellement bi ou multi-culturaliste. A cet égard, la Suisse (français, allemand, italien, romanche) la Belgique (francophones, néerlandophones, germanophones), le Canada (français et anglais) peuvent indiscutablement nous servir de sources d’inspiration. La remarque fondamentale à faire au sujet de ces États est que tous bénéficient d’une organisation de type fédérale ou confédérale, qui confère une importante autonomie locale (principe de subsidiarité) permettant de faire valoir les spécificités de communautés culturellement distinctes.
Le Cameroun serait-il l’exception qui confirme une règle qui semble universellement établie par la science politique et le droit constitutionnel ? Il y a lieu d’en douter. En tout cas, l’histoire et l’actualité attestent bien d’un phénomène d’incompatibilité lourde au sein du système que nous avons tenté d’imposer au forceps. Common law, Sous-système éducatif anglophone et bien d’autres déterminants socioprofessionnels sont la marque d’une culture, d’une singularité et d’une identité communautaire issue de la tradition culturelle et identitaire anglo-saxonne qui refuse d’être absorbée par la tradition culturelle voltairo-napoléonienne. Ce système de nivellement et d’harmonisation ne peut fonctionner. Il risque du reste être source de crises plus récurrentes et plus violentes.
Au demeurant, il est capital de rassurer les Camerounais en précisant que fédéralisme ne signifie pas séparatisme ou sécessionnisme. Les citoyens des pays suscités, quel que soit leur État d’origine, éprouvent le même sentiment d’appartenance et de solidarité, sont soumis aux mêmes devoirs et bénéficient des mêmes droits.
Aussi, me semble-t-il urgent de convoquer des États généraux de la nation (politiques, société civile, universitaires, pays amis et proches sur le plan sociologique) afin de mener une réflexion collective sur la forme de l’État qui correspond le mieux aux exigences du monde contemporain (belle occasion au reste pour dénouer les autres goulots d’étranglement politiques du pays). Par-delà le modèle fédéral bi-culturaliste et bi-communautariste de 1961, ladite réflexion consensuelle pourrait également prendre en compte les insuffisances criardes de la décentralisation actuelle, ainsi que la complexité sociologique issue du nouveau contexte démocratique d’après 1990.
La robustesse, la proximité et l’efficacité dans la conduite de nos politiques publiques pourrait assurément aussi, être tributaires d’un certain réaménagement institutionnel conséquent. En ce qui concerne l’UFP et sans vouloir influencer cette discussion, le modèle canadien d’organisation étatique, plus proche, pourrait être une source pertinente d’inspiration. Concomitamment, des stratégies intelligentes devraient être envisagées pour approfondir la conscience nationale et réduire l’influence des legs coloniaux sur le long terme.
Finissons par ce mot de Francis Léonard, éminent spécialiste suisse de sciences sociales : « Pour apprécier réellement tous les mérites du fédéralisme, l’étranger doit admettre qu’il est la forme de gouvernement adéquate pour tout pays multiculturel puisque le principe de subsidiarité permet de tenir compte des particularités des différentes parties. C’est pourquoi la mosaïque culturelle suisse ne tient pas seulement au tissu de liens sous-jacents, mais aussi à la liberté laissée aux différentes composantes locales de répondre au plus près à leurs spécificités ».
Chers concitoyens, allons aux solutions structurelles. Réfléchissons ensemble, sans peurs ni crispations, mais bien conscients de ce que « La zone anglophone s’apaisera et le pays prospérera ‘durablement’ à la faveur, exclusivement, de la restauration de la Vérité historique, de la Justice et de la modernité constitutionnelle ».
Que Dieu bénisse le Cameroun !!!