Cela fait presque cinq mois qu’Israël a lancé des opérations terrestres dans la bande de Gaza. Selon le ministère de la santé de Gaza, plus de 29 000 personnes ont été tuées par les attaques indiscriminées d’Israël, qui constituent de graves violations des droits de l’homme et ont été condamnées par la majorité de la communauté internationale. Or, jusqu’à ce jour, Israël a refusé tout cessez-le-feu avant l’« élimination du Hamas », objectif ultime de son opération militaire, et rejette complètement la solution à deux États, seule à être soutenue par le secrétaire général de l’ONU et la plupart des pays du monde.
Dans ce contexte, le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud a déposé une plainte auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ) à La Haye, accusant Israël de manquement à ses obligations au regard de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948) et exigeant qu’Israël suspende son opération militaire à Gaza, mette fin aux actes de génocide et permette l’acheminement d’une plus grande quantité d’aide humanitaire. Cette démarche vient compléter de manière significative les efforts déployés par nombre de pays au sein du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations Unies pour pousser Israël à accepter un cessez-le-feu.
L’importance d’une telle procédure se trouve en effet dans la pression qu’elle pourra mettre sur la CIJ pour qu’elle émette des décisions juridiquement contraignantes engageant Israël à instaurer un cessez-le-feu et à mettre fin à ses actes génocidaires contre les Palestiniens. Il est heureux de constater qu’en se basant sur les conclusions des audiences, la CIJ a rendu le 26 janvier 2024 une décision préliminaire qui non seulement confirme sa compétence sur le sujet, mais aussi ordonne des mesures provisoires enjoignant à Israël de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher les actes de génocide et permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence à Gaza.
Bien que la demande de cessez-le-feu n’ait pas été retenue, la CIJ a tout de même été claire sur le devoir qui incombe à l’armée israélienne d’éviter tout acte de génocide contre le peuple palestinien. Cela s’appuie en effet sur les preuves détaillées présentées par l’Afrique du Sud qui montrent qu’Israël avait non seulement l’intention de commettre un génocide, mais qu’il en avait déjà commis un. De nombreuses déclarations publiques faites par des responsables politiques et militaires israéliens offrent d’ailleurs des témoignages sans appel contre eux-mêmes. Cette citation biblique, « Souvenez-vous de ce qu’Amalek vous a fait », n’établit-elle pas un parallèle entre les Palestiniens et les Amalécites, ennemi archétypal des Juifs à détruire selon la Bible hébraïque. Les frappes militaires incessantes et indiscriminées contre toutes les infrastructures civiles au cours des plus de 110 derniers jours ont causé de graves préjudices aussi bien physiques que mentaux à la population de Gaza. N’oublions pas que couper les approvisionnements quotidiens à l’enclave revient à infliger délibérément la famine à sa population, et que 40 % des victimes depuis le 7 octobre sont des enfants. Il est donc tout à fait pertinent de se demander si ce n’est pas la destruction physique des Palestiniens à Gaza qui est recherchée.
Voilà pourquoi la plainte déposée par l’Afrique du Sud, fondée sur des faits et preuves, a obtenu un soutien fort et large. Le Brésil, la Turquie et de nombreux pays arabes se sont rangés du côté de l’Afrique du Sud. Même dans des pays connus comme « amis historiques » d’Israël, des voix se sont élévées pour demander justice. Aux États-Unis, par exemple, de nombreuses activités et manifestations pro-palestiniennes ont eu lieu. Des citoyens ont poursuivi en justice l’administration Biden pour avoir soutenu Israël dans son opération barbare. John Mearsheimer, spécialiste éminent des relations internationales, a affirmé dans un article que l’Afrique du Sud avait raison d’intenter le procès, avant d’accuser les États-Unis de complicité.
En revanche, à l’instar de certains gouvernements ou entités qui ont choisi de transiger avec leur conscience et de fermer les yeux sur la misère du peuple palestinien, des médias occidentaux, qui auraient dû se faire les porte-parole de la vérité et de la justice en tant que quatrième pouvoir, n’ont consacré que peu de place à ce procès, comme s’ils tentaient de limiter l’influence d’une affaire aussi importante pour la protection des droits de l’homme et n’osaient pas se prononcer sur une question d’éthique d’une clarté aussi évidente, se positionnant donc à rebours de toutes les valeurs qu’ils sont censés défendre.
En fin de compte, l’action en justice de l’Afrique du Sud et la décision provisoire de la CIJ ont donné à la majorité du monde l’espoir que la conscience triomphera du mal et que la justice adviendra, si et seulement si on commence à prendre des mesures nécessaires. Soutenir le procès de l’Afrique du Sud, ce n’est pas seulement soutenir le peuple palestinien, c’est aussi soutenir le bien commun de l’humanité.